Paul Vecchiali, une imagination nocturne
A l'occasion de la sortie de L'Etrangleur, en 1972, la revue Jeune cinéma s'entretenait avec son réalisateur1
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Enfant, Emile a assisté à un meurtre par strangulation. Adulte, il reproduit ce meurtre sans avoir conscience d'accomplir un crime. Un inspecteur le traque.
Enfant, Emile a croisé, lors d’une fugue nocturne, un criminel qui étrangla une femme en pleurs sous ses yeux. Marqué à vie, Emile essaie, aux abords de la trentaine, de faire revivre cet instant «précieux». Il amasse ainsi dans la journée les renseignements nécessaires à l’accomplissement de ce qu’il ne croit pas être un crime.
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" Souvent, j’ai pensé — et même écrit — que, contrairement à une illusion tenace il n&rsq
" Souvent, j’ai pensé — et même écrit — que, contrairement à une illusion tenace il n’y a pas (ou si peu) de " films maudits ", de chefs- d’œuvre inconnus. Les pellicules qui dorment dans les archives des distributeurs, laissons-les-y ! Ce n’est pas la sortie tardive de l'Etrangleur, plusieurs années après sa réalisation, qui me fera changer d’avis.
Paul Vecchiali (responsable d’un premier film : les Ruses du diable) a entrepris, dans l'Etrangleur, d’amalgamer les mythes de Jack l’Eventreur et du Docteur Jeckyll et Mr Hyde, à seule fin de nous apitoyer sur un agresseur de femmes seules. Le beau sujet pour exciter la sympathie !
Freud est aussi au rendez-vous. Parce qu’il fut témoin, enfant, de la mort d’une femme étranglée avec son écharpe à lui, Emile, parvenu à l’âge d'homme, passe ses loisirs solitaires (il est, dans la journée, marchand de quatre-saisons), à tricoter des dizaines d’écharpes blanches. Pourquoi ? Pour en " serrer le quiqui ", la nuit venue, de pauvres femmes, jeunes et moins jeunes, dont le seul point commun est de supporter de plus en plus mal le poids de la solitude.
A en croire le criminel, c’est un service à leur rendre que de les débarrasser du même coup de l’amerture et de la vie ! La police — ou plutôt un policier, comme on espère qu’il en existe peu — entreprend d'entrer en contact avec " L'étrangleur ", non pour lui passer les menottes, mais pour essayer de comprendre ses mobiles.
Ayant enfin démasqué le fou et son complice (un voleur qui suit l'étrangleur comme son ombre pour détrousser ses victimes post mortem), le policier les laisse s’entretuer à coups de couteau et, tout de même, va ensuite remettre sa démission à ses chefs.
Prétentieuse (les seules déclarations du cinéaste sur son " opéra fantastique " valent leur poids d’aberration), tarabiscotée, d’une médiocrité incurable à tous les niveaux (psychologie des personnages, direction des interprètes), l’œuvre, déliquescente de surcroît, se solde par un échec total. On le regrette pour l'excellent Jacques Perrin, égaré — par amitié peut-être — dans ce salmigondis où faiblesse des idées et insuffisances techniques se conjuguent à longueur de film. Mais, depuis le temps qu’il tourna l'Etrangleur, peut-être en a-t-il oublié jusqu'au titre ? Imitons-le. "
" Comme dans Frénésie, quelqu’un étrangle des femmes, dans la nuit non plus de Londres mais de Paris. Et, c
" Comme dans Frénésie, quelqu’un étrangle des femmes, dans la nuit non plus de Londres mais de Paris. Et, comme dans Frénésie, le point d’interrogation policier joue peu. Très vite, la solution nous est donnée. Hitchcock utilise le suspense pour en charpenter de façon piquante la vision humoristique et noire qu’il a des gens ; Vecchiali l’utilise pour explorer notre nuit intérieure, cette brousse " plus impénétrable (écrivait Frédéric Prokosch, mais qui lit encore Frédéric Prokosch?), plus obscure que le cœur du Congo ".
L’Etrangleur est une sonde. Vecchiali le lance dans la nuit de la ville et dans la nuit des gens pour explorer les abîmes de la détresse quotidienne lorsque la solitude ronge comme une lèpre. Et l’explorateur sympathise, il compatit. Possédé par l’obsession enfantine du bonheur, s’il tue, c’est par tendresse. Ou, plutôt qu’il ne tue, il aide à mourir qui n’a plus cœur à vivre.
Ne parlons pas d’enquête — le policier aussi participe de la collection de " nocturnes " — mais de promenade songeuse et bleue, où l’Etrangleur, archange noir, nous conduit de désespoir en misères, de fragilités en vices (ce qu’on appelle vices). Promenade où bourreaux et victimes se frôlent, échangent leurs masques, parfois leurs rôles. Poème de la nuit, sur la nuit, celle de la ville, celle des cœurs, celle des corps. Fresque qui s’organise en danse plus douloureuse que macabre : le grincement de l’ironie à la Hitchcock, ou le plaisir du voyeur à la Restif ne sont pas de mise ici. Mais l’amour, la pitié, la fraternelle passion de qui connaît le mal à vivre de ses frères de la nuit. Elle laisse l'Etrangleur le visage ruisselant de larmes. "
" Les Ruses du diable, premier long métrage de Paul Vecchiali, racontait les aventures d'une cousette prédispos&eacu
" Les Ruses du diable, premier long métrage de Paul Vecchiali, racontait les aventures d'une cousette prédisposée au romanesque. Un peu de mystère, beaucoup de psychologie. L'Etrangleur, qui semble être au début un " thriller " à l’américaine à partir d’un cas pathologique, bascule vite dans l’irrationnel. Si l’on cherche à comprendre, on ne peut pas aimer le film. Pour l’aimer, il faut se laisser porter par le récit au rythme brisé, se laisser prendre dans la toile d’araignée des obsessions de Vecchiali.
L'Etrangleur est un film sur les sortilèges de la nuit. Nuit dans laquelle on plonge comme dans l’eau verdâtre d’un étang, pour découvrir, sur une musique de Roland Vincent hantée par les souvenirs de l'Opéra de quat’sous, la violence et les couteaux de quelque Mackie le Surineur, le sang des voyous, les rôdeurs et les rôdeuses de l'amour vénal. Les femmes — victimes comblées — ont des visages marqués par la frustration et aussi les grâces fanées d’actrices qu’on aurait vues dans des films de 1930. Œuvre profondément subjective et profondément troublante, puisque le spectateur qui se livre à elle risque d’y voir apparaître un " M. Hyde " qui n’est pas seulement la face cachée du réalisateur. "
" (...) C'est l’angoisse de ces héros malheureux, à la poursuite d'eux-mêmes et de la chaleur de l&r
" (...) C'est l’angoisse de ces héros malheureux, à la poursuite d'eux-mêmes et de la chaleur de l’autre, qui demeure attachante. Emile, Simon, Anna, le Chacal, ces quatre personnages à la recherche d’une rencontre sont attirés par les Forces du Mal. Ils sont murés dans leur solitude et leur complexité. Emile, qui a encore le regard de l'enfance, tue dans l’espoir de toucher du doigt les mystères de la nuit. Cette joie indéfinissable dont il ne peut se passer s'accompagne d’un désir de sortir du tunnel. Il s'appuie sur une amitié sans espoir, celle de Simon, cet homme étrange en proie à des errements indécis. Anna, elle, est prisonnière d’un besoin d’exister par rapport aux autres. Quant au Chacal, c'est un faible qui vit seul, en parasite, et qui a peur de l’action, peur des contacts. Tous semblent maudits.
Autre charme du film : cette promenade dans la nuit. C’est un peu à la nuit que le film semble dédié, à son atmosphère envoûtante. " Pendant des mois, je me suis promené, la nuit, dans la ville, sans savoir vraiment ce qui se passait, en somnambule, sans enregistrer consciemment le moindre fait ", raconte Paul Vecchiali. Nul doute qu'il nous projette ses propres rêves et fantasmes, qu’il veuille nous faire profiter de l'attirance inquiétante de la nuit où l’irréel est roi. Au hasard de ces tableaux nocturnes, nous plongeons dans le fantastique : gare encombrée de soldats et de femmes éplorées, rue droite, bordée d’arbres comme une entrée au royaume des morts-vivants...
La nuit lève les interdits, efface les timidités, facilite les violences. Et nous voyons défiler la chanteuse voulant se jeter dans l’eau, la danseuse flétrie rêvant des pas qui lui ont valu la gloire, les prostituées, en horde, qui se serrent les coudes, et enfin, avec son chien-loup, l’étrangleur, sorte de Docteur Jekyll qui se dédouble en messager de la mort pour hâter la fin de ces femmes, victimes du temps et de l’oubli, ces femmes qu’il choisit tristes et désespérées.
Vecchiali, cinéphile, admirateur des films des années 30, a voulu rendre l’ambiance des thrillers par les jeux des contrastes entre ombres et lumières. D’où ces scènes pittoresquement expressionnistes. Et il a mis aussi, en prologue, cette phrase qui éclaire les démarches des héros : " O nuit, cache ma peine, celle de n'être rien et de vivre ". "
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