Jiří Menzel et l'esprit tchèque
VIDEO | 2015, 9' | Rencontre avec l'une des figures majeures de la Nouvelle Vague tchèque. L'auteur des Trains étr1
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La tranquille vie d’un petit village tchèque dans les années 80 ou les aventures de Pavek et Otik, le chauffeur du camion de la coopérative et son assistant.
La tranquille vie d’un petit village tchèque dans les années 80. Tous les matins, Pavek, un brave type qui conduit le camion de la coopérative, part au travail, accompagné par son assistant, Otik, le simple d’esprit. Pavek, fatigué des gaffes incessantes de son coéquipier, aimerait s'en débarrasser mais sans succès.
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" ... Menzel signe une comédie amère sur la société tchécoslovaque des années 80, tout en ayant l’intelligence de dissimuler, entre des gag
" ... Menzel signe une comédie amère sur la société tchécoslovaque des années 80, tout en ayant l’intelligence de dissimuler, entre des gags tarte à la crème, non pas une réflexion, mais des images qui suggèrent des pistes d’analyses pertinentes. L’air de rien, ce film dresse un constat peu reluisant du communisme après quarante ans de règne, tout en semblant indiquer que la fin est proche (...) Le film (...) suit différentes tranches de vie, et dresse un portrait satirique du village et de sa population. Les gens que nous voyons n’apparaîtront jamais transfigurés par un régime qui les a émancipés, mais seront bel et bien magnifiquement et désespérément humains.
En voyant les films de Menzel, on ne peut que penser à Tati, même si la forme est moins magistrale et monumentale. Car il y a chez les deux réalisateurs une façon de rire — tout en laissant voir une once d’inquiétude — face au « progressisme » et à la surenchère technique, face à tout ce qui prétend penser que l’humanité peut faire de grands bonds en avant. Chez ces deux cinéastes, la race humaine reste attachée à ce fondement trivial qui la caractérise. Malgré les idéologies et les techniques, l’homme demeure cette créature à la fois médiocre, ridicule, généreuse et pleine de poésie.
Tout cela est drôle, mais le constat n’est donc pas reluisant. La coopérative n’a pas l’air d’être un lieu extrêmement actif dans lequel travaillent des ouvriers vigoureux (...) Enfin, toute la partie qui suit l’assistant du conducteur à Prague dresse au bout du compte un portrait peu ragoûtant des conditions de vie du prolétariat urbain. Les grands immeubles nouvellement construits au milieu de terrains vagues sinistres ne sont pas sans rappeler les cités chaotiques peintes notamment par Pasolini et Godard. Et quand, à la fin du film, les habitants de notre village viennent rechercher le simple d’esprit pour le ramener chez lui, dans un happy end naïf et touchant, Menzel ose même un plan qui n’est pas sans rappeler Metropolis, en montrant les ouvriers urbains se rendant tête baissée à leur travail, marchant avec une fausse cadence morne..."
«... Je continue à faire des flims pour redonner courage à mes compatriotes ! » C'est le cinéaste tchèque Jiri Menzel qui parle. En françai
«... Je continue à faire des flims pour redonner courage à mes compatriotes ! » C'est le cinéaste tchèque Jiri Menzel qui parle. En français et en cherchant le mot juste.
Souvenez-vous : Menzel, qui a aujourd'hui 50 ans, fut avec Milos Forman, Ivan Passer, Vera Chytilova, Jan Nemec, Evald Schorm et une poignée d'autres l'un de ces cinéastes dont la petite musique douce amère résonna très fort le temps d'un printemps (de Prague), il y aura vingt ans l'année prochaine. On connaît la suite : l'invasion soviétique et le "Biafra de l'esprit" dénoncé par Aragon.
Chez les cinéastes, les uns choisirent l'exil et la nationalité américaine, les autres restèrent au pays. C'est le cas de Jiri Menzel qui dit aujourd'hui : « Forman roule en Cadllac à Los Angeles, mol je conduis une petite Peugeot dans les rues de Prague. Je n'étais sans doute pas aussi bien armé que lui pour affronter la réalité d'un nouveau pays et changer de vie. Autrefois, quand on me comparait à Forman, ça m'irritait un peu. Maintenant que nous ne sommes plus en concurrence, je ne l'en admire que davantage ! »
C'est que le temps a passé : Menzel a vécu des années noires, comme ses compatriotes, contraint d'abandonner le cinéma, refaisant surface au théâtre. Mais survivant envers et contre tout, rusé, goguenard et mélancolique comme le brave soldat Chveik.
Avec son nouveau film Mon cher petit village (nominé aux Oscars, couvert de prix internationaux et triomphalement accueilli dans son pays), nous retrouvons intactes ses qualités de cinéaste et de moraliste au pastel, telles que nous les avait révélées son film le plus célèbre en Occident, ces Trains étroitement surveillés de l'année 1968.
Même dérision, même tendresse, en effet, dans cette chronique burlesque et acidulée d'un petit village de Bohème rassemblé autour de sa coopérative agricole, avec ses personnages singuliers : le conducteur de camion et son assistant simplet et maladroit, le médecin distrait, le jeune ingénieur et sa maîtresse, le mari trompé... Jacques Tati et Marcel Pagnol doivent en sourire d'aise. Nous aussi.
" C'est un petit bled de Bohême, normalement ploucard et travaillé par des obsessions villageoises tout ce qu'il y a de banal : les moisson
" C'est un petit bled de Bohême, normalement ploucard et travaillé par des obsessions villageoises tout ce qu'il y a de banal : les moissons, les saisons, la sève qui monte au printemps, la neige qui tombe en hiver. Un trou si parfait qu'il possède aussi son idiot local. C'est Ota, une grande asperge molle toute en mâchoires chevalines, qui sert d'exutoire aux blaguasseries diverses et qui fait rire les enfants. Ota est l'équipier de Pavel, un chauffeur routier de la coopérative agricole, aussi large qu'Ota est haut : Laurelskaia et Hardynoff, un couple. D'autant plus poilant que la distraction indécrottable d'Ota entraîne des désagréments du genre catastrophique; surtout quand Pavel lui demande de le guider pour la marche arrière de son gros camion. A tous les coups, ça ne fait pas un pli. Au choix: crac, un arbre, boum dans un pylône téléphonique ou bing dans la clôture d'une maison de vacances. Bref, lassé de ces bévues incessantes, (Pavel décide de se séparer de son équipier. Et comme personne ne veut se mettre à dos Calamity-Ota, celui-ci risque fort de se retrouver à l'abandon. Mais le saint des innocents veille au grain. Parce que la maison d'Ota a eu lieu de plaire à une grosse huile de Prague, l'admimstration centrale lui dégotte un boulot bidon dans la capitale. L'entourloupe est transparente: Ota à Prague dans une HLM et sa maison métamorphosée en datcha secondaire.
C'est à peu près à cet instant de l'intrigue que Mon cher petit village de Jiri Menzel quitte doucement la gentille chronique campagnarde pour virer expresso au féroce.
Quoique plantée dans le décor d'une végétation immémoriale, l'action se situe aussi en Tchécoslovaquie où l'on sait que n'en finit pas de raisonner un méchant bruit de bottes. Jiri Menzel étant un des rares cinéastes qui après 1968, n'a pas choisi la « liberté », on se doute que la marge de sa causticité doit être pour le moins riquiqui. Son mauvais esprit en est d'autant plus pointu.
Pas de charges caricaturales ni de poésie absconne où se réfugie trop souvent la dissidence des pays de l'Est. Dans Mon cher petit village, c'est l'ordinaire même, porté à son maximum de banalité, qui devient totalement effarant avec une efficacité démonstrative qui vaut beaucoup mieux qu'un long plaidoyer. Pour l'exemple, cette scène d'intimité familiale ou l'on découvre toutes les genérations confondues dans la télévision d'un film américain. Le père, la mère, la grand-mère et, dans la pièce d'à coté, le fiston qui guette d'une oreille, en construisant des maquettes de bateau. « Pourquoi tu viens pas ? », lui demande la maman. « Est-ce qu'il a déjà été question de miroirs ?», questionne le fiston. De miroirs ? Késaco, se demande le spectateur interdit. Sur l'écran du téléviseur surgit alors la speakerine, choucroutée à mort comme seuls les pays de l'Est en ont encore le secret : « Chers amis, bonsoir, vous allez voir maintenant un film américain qui est le "miroir" d'une société où le dollar est roi. » Et voilà, en deux temps, trois images et une anecdote, on a tout compris de la lourdeur des langues de bois. Itou pour les petites afféteries de l'admimstration dans une des pairies officielles du socialisme trafics d'influence, chantages réciproques, joyeusetés de délations et autres self-flicages qui font très froid dans le dos.
Pas étonnant dés lors qu'Ota-le-crétin regarde toute cette chronique de la merde ordinaire avec le seul regard possible : les yeux d'un ahuri. Pas surprenant non plus, qu'à la limite de l'aphasie, il choisisse de vivre quasi en permanence les oreilles empaquetées dans un casque anti-bruits. La forclusion totale comme morale provisoire en attendant que ça change, en attendant que ça passe.
Le message-solution proposé par Menzel n'est pas d'une franche gaîté et c'est vrai qu'entre les averses de rigolade, il tombe de son film un crachin de dépression parfaitement décourageant. D'autant que, radical, Menzel ne fabule pas pour une mythique pureté de l'âme rurale face aux décadences citadines. Certes il a une tendresse particulière pour le personnage du médecin local, humaniste rêveur abonné aux accidents automobiles et évidente conscience vigilante du groupe. Mais lorsqu'on voit le chef de la coopérative agricole faire la remontrance à son ingénieur agronome sous prétexte qu'il file le parfait adultère avec une des femmes du village, le jeune niqueur rappelle à son chef que, de son côté, il n'a guère hésite à sacrifier Ota-l'arriéré pour satisfaire une magouille administrative qui lui vaudra les indulgences de la nomenklatura praguoise. Vraiment le cul-de-sac sans autres issues que nauséeuses.
Alors peu à peu, quelles que soient les bouffées d'humour fou (l'histoire de la boîte d'allumettes ! Et celle de la. moissonneuse-batteuse ! Je ne vous dis que ça), c'est vrai qu'on s'accoutume ; progressivement à ce que la comédie s'achève dans un unhappy-end effroyable : Ota dans son HLM de la banlieue de Prague et les villageois pas plus fiers que ça de leur méchante entourloupe. Mais non. In extremis ça finit très bien et il faut bien avouer que c'est un vrai soulagement."
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