Vincent Macaigne : "Le temps ne nous apprend rien..."
Omniprésent dans les courts et longs des jeunes cinéastes français (La Bataille de Solferino, La Fille du 14 juill1
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Un couple se défait dans une villa romaine... A l'ombre du "Mépris" de Godard, l'auteur du "Vent de la nuit" filme l'incompréhensible d'une passion.
Paul rencontre Frédéric. Il est peintre et vit avec Angèle, une actrice qui fait du cinéma en Italie. Paul est bientôt invité à se rendre chez eux, à Rome, avec sa compagne. Ensemble, les deux couples voient leurs sentiments s'intensifier et se diluer au fil de passions incompréhensibles... L'auteur du "Vent de la nuit", à l'ombre du "Mépris" de Godard, saisit les blessures secrètes de l'amour.
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" ...leur dérive des sentiments rappelle immanquablement Le Mépris. Mais pas comme un hommage ou une citation : comme si le film de Godard,
" ...leur dérive des sentiments rappelle immanquablement Le Mépris. Mais pas comme un hommage ou une citation : comme si le film de Godard, fiché dans l'inconscient de Philippe Garrel, venait hanter son travail, au même titre qu'il pourrait hanter ses rêves.
Du Mépris, on retrouve, donc, des motifs déplacés, redistribués. Outre un couple au bord de la rupture : un tournage à Cinecittà, des statues antiques, un accident de voiture, un nu féminin somptueux... Dialoguer ainsi avec un film vieux de presque un demi-siècle est éclairant. Il y a ce qui n'évolue pas, selon Garrel : le malentendu foncier entres les hommes et les femmes. Et puis, il y a ces changements auxquels les dialogues font écho : le ratatinement des utopies, le repli sur la sphère privée (accepté avec fatalisme), le divorce entre l'art et la révolution, la muséification du cinéma - le tournage entraperçu a quelque chose d'antédiluvien.
A cette momification, Philippe Garrel continue d'opposer une sensibilité à vif, un romantisme sec, une simplicité qui va directement au coeur des sentiments et de la souffrance. Il convoque des fantômes émouvants - Maurice Garrel, aïeul disparu depuis. Il fait sentir le gouffre qui guette ses personnages au quotidien, même sur une terrasse propice à la dolce vita. Ce film n'est pas l'un des chefs-d'oeuvre du cinéaste, mais on retrouve sa manière si identifiable de faire sourdre, dans les scènes les plus familières, une difficulté d'être à tailler au couteau.
Et si Un été brûlant est une variation sur Le Mépris, langueur sexy et couleurs chaudes comprises, la Bardot de Garrel, c'est donc la Bellucci... Jusqu'ici, elle a rarement eu l'occasion de montrer son talent. Or elle se révèle une très grande actrice garrélienne, de plain-pied dans le film, charnelle, « normale », sans pour autant abdiquer son statut de star.
Son aura sert à tout moment le personnage, pris de sanglots inextinguibles après le passage d'une souris dans son dressing ou feignant l'indifférence à la lecture des premières critiques élogieuses sur son travail... Sa différence d'âge avec son partenaire Louis Garrel n'est pas traitée par le scénario, mais elle produit un bel effet romanesque.
Quand cette Bellucci à la sensualité lasse danse des minutes entières dans une boîte de nuit romaine, flirtant avec un autre homme que son mari, le plan-séquence est à couper le souffle : un nuage de volupté mélancolique s'élève, au-dessus du film et au-delà des mots."
" ... Avec ce mélange d’épure et d’intensité propre à Garrel, le film observe les subreptices glissements d’amitié et de désir qui se jouent
" ... Avec ce mélange d’épure et d’intensité propre à Garrel, le film observe les subreptices glissements d’amitié et de désir qui se jouent entre ces quatre-là, leurs conversations politiques, leurs regards exprimant plus de vérité que les mots.
La nouveauté d’Un été brûlant, c’est la couleur. Philippe Garrel a certes déjà réalisé des films en couleur (J’entends plus la guitare, Le Vent de la nuit…) mais ce n’est pas si fréquent chez ce maître du noir et blanc, et jamais les rouges, les bleus, les verts, les jaunes n’ont été si vifs chez lui. Il y a une dimension solaire, italienne, méditerranéenne, dans ce film qui se passe en partie à Rome, et dont la boussole lointaine est Le Mépris.
Ce qui nous amène à Monica Bellucci, autre élément singularisant d’Un été brûlant. Aussi charnelle que Bardot chez Godard, aussi pulpeuse et ronde que Nico était élancée et anguleuse, la Bellucci est ici fondue dans le monde garrélien (comme Bardot fut godardisée), faconde méridionale en veilleuse, iconique, hiératique, silencieuse, amoureuse, blessée."
" ... L'histoire des deux couples se déroule comme dans un miroir inversé. Frédéric et Angèle, coupés du monde dans leur luxueux appartement
" ... L'histoire des deux couples se déroule comme dans un miroir inversé. Frédéric et Angèle, coupés du monde dans leur luxueux appartement romain, vivent pour leur art, dans une sorte de quête absolue de la beauté, tandis que leur couple, fragilisé, se désagrège. Paul et Elisabeth, tous deux figurants de cinéma, tâtonnent quant à eux dans leur carrière professionnelle, et ne font pas l'économie du rapport au réel. Leur rapport au monde, tant amoureux que politique, est déterminé par l'idée qu'on peut lutter et changer les choses.
Cette histoire si simple qu'elle en paraît un peu appliquée, presque théorique, doit son envergure au rapport qu'elle instaure avec ce qui la transcende, sa narration lui assignant d'emblée la mort et le mystère pour origines. Elle nous est en effet racontée en voix off par Paul, alors que deux plans saisissants nous ont révélé, au début du film, la cause et les circonstances de la mort de Frédéric. Plan troublant de Monica Bellucci en odalisque nue, qui pointe en silence le doigt vers l'objectif de la caméra, désignant notre regard comme le miroir de sa fatale énigme..."
" ... peut-être faut-il ici entendre «brûlant» au sens de cramé. Cramé comme un amour entre un homme et une femme où, sans que l’on ne sach
" ... peut-être faut-il ici entendre «brûlant» au sens de cramé. Cramé comme un amour entre un homme et une femme où, sans que l’on ne sache en général ni trop pourquoi ni vraiment comment, deux êtres qui s’aiment à la folie peuvent pousser leur passion à sa déréliction. Sur un mot, un geste, une trahison qui n’en valait pas la peine. Alors voilà, Angèle (Monica Bellucci) et Frédéric s’aiment, mais les peurs dont se nourrit l’amour vont laisser l’incompréhension s’instaurer entre eux. Lui la regarde s’éloigner, elle lui reproche de ne plus la regarder - double crime, car Frédéric est peintre, et double douleur, car Angèle est actrice.
D’une passion en train de se bousiller, Garrel, surprise !, signe avant tout un film qui ne se centre plus exclusivement sur un homme et une femme, mais s’en va flirter du côté de l’amitié masculine : les Amis réguliers, en quelque sorte. Qu’il fait jouer «côte à côte» dans la Rome du Mépris - le cinéma de Godard restant le terreau originel de l’imaginaire garrélien. Tout comme le couple Bardot-Piccoli se désagrégeait au fur et à mesure que le cinéma, cet ogre, reprenait ses droits, dont celui de dévorer ses enfants, Cinecittà et un film à faire vont pousser Angèle dans les bras d’un assistant : chronique d’une liaison annoncée.
Ces scènes où elle se console dans les bras d’un autre sont les plus belles du film. Bellucci y est enfin pleinement regardée. La star se réapproprie le champ, l’espace est à elle, rien qu’à elle. Sans doute fallait-il, pour obtenir cette intensité-là, ce brûlant-là, que la mise en scène la tienne jusqu’ici toujours un peu à l’écart du cercle que Philippe et Louis Garrel dessinaient ensemble, pour mieux la désemparer. Ce qui fait que durant son premier tiers, le film peut dégager une fausse impression de misogynie, laquelle est avant tout stratégique.
Avec un amant, Angèle échappe aussi au regard passif du petit couple (formé par Céline Sallette et Jérôme Robart) qui vivent à leurs côtés, invités d’un été. Cette saison en enfer est en effet racontée depuis la chambre d’amis - c’est la drôle de proposition du film, celle qui nous désarçonne un peu. Etant admis que cette pièce n’est pas du tout le meilleur endroit pour comprendre ce qui se passe entre un homme et une femme. D’ailleurs cela, c’est le cinéma qui nous l’a enseigné - les films étaient signés Godard, Antonioni et… Garrel.
On attendra le second tiers pour renouer avec le vertige. Le film ne cessant de monter très haut au fur et à mesure que l’amour se traîne très bas, dans les ruelles de Cinecittà . Les statues qui nous regardaient au début du Mépris y sont plus que jamais en carton-pâte ; le film qu’Angèle tourne à tout l’air d’une sombre merde.
La peine, la blessure ne sont plus qu’un monde de représentations joué faux. Frédéric y perd son latin, et voit s’évanouir jusqu’au lien pictural qui le reliait à sa muse - elle est désormais regardée par un autre. Et Frédéric, qui le veille ? Le fantôme d’un mort. Un vieux Cochise qui tente de retenir dans ses bras son petit film suicidé et le soigner avec les mots de la philosophie.
L’acteur qui joue cette apparition, c’est Maurice Garrel, le grand-père, mort au début du mois de juin 2011. Mais déjà filmé depuis une interzone entre vie et trépas. Comme si la caméra de Garrel, anachronique et prophétique, avait là aussi un coup d’avance."
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