Virgil Vernier fait table rase
VIDEO | 2015, 16' | A rebours des conventions, Virgil Vernier se penche sur le berceau du XXIè siècle né meurtri e1
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Deux jeunes femmes et un garçon se rencontrent dans les tours Mercuriales, au bord du périphérique parisien.
Les Mercuriales sont ces deux tours jumelles situées Porte de Bagnolet. Pour la banlieue parisienne, elles évoquent des totems d’une grandeur déchue, symboles de la crise. C’est dans ce paysage sinistré qu’évoluent les héros du film, deux filles et un garçon d’une vingtaine d’années dont les rêves et les illusions se heurtent à la réalité de la société française d'aujourd’hui...
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" De film en film, sur les chemins rocailleux d’une distribution indépendante encore très confidentielle, Virgil V
" De film en film, sur les chemins rocailleux d’une distribution indépendante encore très confidentielle, Virgil Vernier (...) ne cesse de varier autour du même projet paradoxal : réconcilier le contemporain et la mythologie. Cela fait de lui une sorte d’archéologue futuriste, qui pratique ses fouilles dans les territoires urbains les plus triviaux, les plus actuels, en quête d’une fissure entre le passé et le présent : une petite fente qu’il travaille alors patiemment, la filmant sous toutes ses coutures, jusqu’à ce que s’en écoule un magma antique, un souffle légendaire.
Souvent, c’est un lieu. Une ville de province somnolant d’ennui, portant cependant en elle le fantôme d’une sainte médiévale (...). Dans Mercuriales, c’est un immeuble, ou plutôt deux : les tours Mercuriales de Bagnolet, qui s’élèvent comme une seule église, au bord du boulevard périphérique, à l’entrée de la Seine-Saint-Denis, abritant une fourmilière de bureaux. Vernier y fait se rencontrer deux jeunes femmes, belles et sauvages, qu’il filme dans leur quotidien, leur complicité naissante, selon un patchwork de scènes simples, peu chargées narrativement.
C’est le travail d’atmosphère de Vernier, travail archaïque et plasticien, en lointaine parenté avec la science-fiction (son compositeur attitré, James Ferraro, évoque volontiers les musiques de John Carpenter), qui fait planer sur cette fresque urbaine l’influence d’une religion païenne et secrète. Coloration religieuse lascive et suggérée, alimentée par le goût de Vernier pour les mythes les plus chiches, les théories du complot, les légendes urbaines, les rapports naïfs à la spiritualité (il préfère toujours un tartuffe à un athée). Tout ce qui apparaît comme un peu magique et voilé le captive.
Le titre, Mercuriales, tient alors lieu de mot de passe : il laisse entendre que la présence métaphysique qui flotte dans le film serait à la fois l’influence d’une planète, petite, brûlante et sèche ; mais aussi celle d’un métal liquide, poison violent, élément très lourd ; enfin celle d’un dieu du commerce et des voyages (donc des migrants, très présents dans le film), auquel on pourrait rattacher une forme ancienne de fête rituelle – comme une bacchanale.
Ce paganisme contemporain (cosmique, divin, métallique), qui fonctionne en patchwork, en expérience sensorielle, Vernier en a depuis longtemps fait l’écrin de son autre thème de prédilection : à savoir une représentation fascinée et craintive de la femme, son grand autre désirable et maléfique, qu’il filme souvent par deux dans des scènes d’intimité frisant l’inceste. Scènes de bain, rapports érotiques simples et ordinaires, mises en parallèle avec des scènes de séduction prédatrices – oui, Mercuriales est à sa façon un film de sirènes et de bacchantes, à la fois du côté des femmes et totalement étranger à elles ; à la frontière, évidemment, de l’ambiguïté sexiste.
Mais son esprit reste ailleurs. Entre peinture sensible du contemporain et inspiration vaudoue, l’œuvre de Vernier demeure une fabrique d’expériences remarquables, le cinéaste menant (aussi naïf que cela puisse paraître) ses films comme autant de “trips” dans le monde trivial. Des objets de trouble et de fascination, à cette petite réserve près : ce travail de mosaïste profane peine toujours à prendre son envol, à sortir justement de la peinture (et donc de l’arrière-fond, du statique) pour entrer dans le récit, se mettre en mouvement. Mercuriales montre et suggère mais ne raconte qu’assez peu.
Peu importe, pour l’instant. Ce travail de rapprochement des extrêmes, qui est encore l’un des projets les plus stimulants du jeune cinéma français, prendra sans doute d’autres formes encore à l’avenir, et toujours espérons-le sous l’égide de cette maxime diablement paradoxale que Vernier aime rappeler : “L’antiquité, c’est le futur.” "
"L’ahurissant Mercuriales, de Virgil Vernier, sécrète une impression semblable à ces disques, tout de modul
"L’ahurissant Mercuriales, de Virgil Vernier, sécrète une impression semblable à ces disques, tout de modulations et de bourdonnements de synthétiseurs analogiques, enregistrés sur microsillon dans les années 70 et 80 par Brian Eno, Suzanne Ciani et quelques autres. Même beauté aux vapeurs neuroleptiques, même sentiment d’obscuration des sens et de leurs usages, dans un processus dont on croirait sans mal, au fond, qu’importe peu la vitesse à laquelle s’en joue la partition minimale - 33, 45 ou 78 tours ; 12, 24 ou 48 images par seconde -, le train ainsi impulsé à sa procession de visions foudroyées. Que l’opacité de leur mystère se diffracte ou s’emballe, seule diffère l’allure à laquelle l’ivresse se propage en nos synapses, pour en chambouler les connexions ramifiées.
Car oui, par le trouble où il nous abîme et le désordre hallucinatoire auquel il travaille jusque dans le moiré de sa plastique, Mercuriales fait des choses à notre cerveau. Comme ces chefs-d’œuvre seventies, imprégnés de magie, du Jacques Rivette circa Céline et Julie vont en bateau, dont il peut paraître une relecture sous le climat de cendres et la lumière noir fluo d’une apocalypse qui vient. Comme les travaux de ces photographes et plasticiens avec lesquels il paraît dialoguer plus encore qu’avec des cinéastes (on songe, ici, à Lewis Baltz ; là, à Ed Ruscha ou Lawrence Weiner). Comme une certaine musique électronique, par exemple celle qui le nappe, composée par la sommité noise James Ferraro, à laquelle le film emprunte aussi l’un de ses motifs essentiels, la boucle, dont découle son principe circulatoire.
(...) Les confins, justement, la marge, la périphérie et les ruines, forment le territoire d’élection de ce cinéma, invoqué ici non sur le mode usuel en France d’un naturalisme sociologique mais, et c’est autrement plus séduisant, celui de l’incantation, d’une rêverie au noir, crue et scintillante. Cette zone vague, Mercuriales l’arpente dans le sillage, aux nombreux détours pavés d’éclats de légendes, de deux jeunes filles à la dérive. Deux femmes en miroir, l’une française, l’autre originaire d’une extrémité est-européenne, à la fois un peu amies, un peu amantes et un peu sœurs ; jumelles, comme le sont ces tours où elles lient pour un temps leurs trajectoires, qui leurs réfractent aussi quelques mirages (Ana Neborac et Philippine Stindel, parfait tandem d’actrices inventées pour les besoins du film).
A travers elles, Mercuriales capte un monde qui ressemble cruellement au nôtre, à l’état de halo enténébré, de pures auras détachées de leur foyer. Il délivre quelques slogans merveilleux d’ambiguïté ("La nuit, on est toujours seul", "L’amour ne passera jamais"), se nourrit de mythes et de cérémonies (l’anniversaire, le mariage, la partouze), embrasse tous les discours et les signes du contemporain dans la confusion d’échanges où ils se dévident dérisoirement de leur sens. "Dépéris, ou bien crée ton propre langag"», professait Johann Gottfried Herder dans son Traité sur l’origine des langues, en 1772, que Vernier n’a sans doute pas lu, mais dont il applique à la lettre la leçon.
(...) Peu de films portent si sûrement l’ambition de forger ainsi, en retrait des codes dramaturgiques, un régime d’énonciation, un idiome, une voix qui leur soient propres. Une langue d’une puissance d’évocation au lyrisme presque en nature morte, passé au filtre d’une abstraction où se retrouvent, encapsulées et sublimées, toutes les hantises de l’époque. "
"Formidable idée que d'échafauder un film à partir de ces deux imposantes tours Mercuriales de Bagnolet. Elle
"Formidable idée que d'échafauder un film à partir de ces deux imposantes tours Mercuriales de Bagnolet. Elles sont visibles de loin et leur gémellité évoque insidieusement les Twin Towers détruites le 11 septembre 2001. Un simili World Trade Center de périphérie, transfiguré par les éclairages nocturnes et, en l'occurrence, par le regard et l'imaginaire de Virgil Vernier. Après son beau moyen métrage Orléans, le jeune réalisateur poursuit son exploration de la frontière entre fiction et documentaire. Mais aussi des confins de la mythologie et du contemporain.
(...) Proche de l'installation, Mercuriales confirme que Virgil Vernier est un filmeur exceptionnel. Qui gagnerait à maîtriser son inspiration. "
"Au hasard des rencontres et des récits qui se déplient, sur cet humus de la ruine, entre passages souterrains et immeubl
"Au hasard des rencontres et des récits qui se déplient, sur cet humus de la ruine, entre passages souterrains et immeubles voués à la destruction, émerge une fable d'un temps d'après où chacun à sa mesure réécrit une autre mythologie, contemporaine, notre mythologie."
Retrouvez le texte complet sur le site de l'ACID.
L'ACID est une association née en 1992 de la volonté de cinéastes de s'emparer des enjeux liés à la diffusion des films, à leurs inégalités d'exposition et d'accès aux programmateurs et spectateurs. Ils ont très tôt affirmé leur souhait d'aller échanger avec les publics et revendiqué l'inscription du cinéma indépendant dans l'action culturelle de proximité.
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