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EVIL DEAD 2
La suite qui surpasse l'original

À l’occasion du Festival international du film fantastique de Gérardmer, du 24 au 28 janvier, UniversCiné vous propose de redécouvrir Evil Dead 2, le chef d’œuvre horrifique de Sam Raimi. Une cabane dans les bois, un groupe d’amis, une malédiction. Et Bruce Campbell. Six ans après son premier long-métrage Evil Dead, Sam Raimi débarrasse l’horreur de ses oripeaux pour se concentrer sur l’essentiel : la mise en scène et ses effets sur le public. Rare suite réussissant à surpasser l’original, Evil Dead 2 redéfinit les codes du genre en glissant vers la comédie burlesque et fait de la caméra un personnage qui place le spectateur au centre de l’action. Le résultat : un film fou, frénétique, chaotique mais toujours maîtrisé, porté par un Bruce Campbell au sommet de son art.


Une suite qui n’en est pas une

Il est rare pour un réalisateur d’avoir la chance de tourner deux fois le même film. Cette chance, Sam Raimi la doit notamment à Stephen King. Le maître de l’horreur avait déjà largement contribué au succès du premier volet d’Evil Dead, en le décrivant comme “le film d’horreur le plus férocement original de 1982” dans une critique élogieuse parue dans Twilight Zone Magazine, une citation reprise sur l’affiche et la VHS du film.
Quelques années plus tard, alors que la carrière de Sam Raimi est en péril après l’échec de sa comédie burlesque Mort sur le gril, c’est encore Stephen King qui recommande au producteur italien Dino de Laurentiis de produire la suite d’Evil Dead. Si le producteur refuse l’idée d’une suite dans un monde médiéval (que le réalisateur utilisera dans le troisième opus, L'Armée des Ténèbres), il octroie un budget de 3,6 millions de dollars au projet, dix fois supérieur à celui du premier. Sam Raimi choisit alors de tourner une suite qui n’en est pas une, une sorte de remake, plus proche de la version qu’il aurait voulu tourner six ans plus tôt.

En cinq minutes chrono, Evil Dead 2 rejoue les éléments-clés du premier opus : l’arrivée dans la cabane, la découverte du Necronomicon et du magnétophone qui prononce la formule libérant le mal, la transformation de Linda, la petite amie de Ash, en deadite (une version du zombie possédé par un démon). Et sa décapitation, aussi sec. Aussitôt Linda enterrée, le mal - et la caméra - s’attaque à Ash. Véritable personnage, la caméra subjective, accompagnée d’un sound design terrifiant, incarne le mal qui se lance à la poursuite du personnage de Ash.
Sam Raimi ne s'embarrasse pas avec les événements du premier film. Son projet est ailleurs. Le cinéma de Sam Raimi ne raconte pas. Il donne à voir, il montre, par sa mise en scène survoltée, ses mouvements de caméras frénétiques, ses plans débullés, qui saisissent le spectateur dès les premières minutes du film, pour ne plus jamais le lâcher.

Un laboratoire d’expérimentations

Car si Evil Dead 2 fait date, c’est avant tout car il est filmé comme jamais un film d’horreur n’avait été filmé auparavant - si ce n’est le délirant House de Nobuhiko Ōbayashi (1977). Le réalisateur américain semble vouloir réinventer le langage cinématographique à chaque plan.
Ainsi, des plans qui constitueraient le point d’orgue de la mise en scène de certains films deviennent ici presque anecdotiques, car aussitôt surpassés par l'inventivité et la maîtrise du suivant. La caméra tourbillonnant au-dessus de Ash dans l'ouverture du film est presque oubliée face à celle qui poursuit quelques minutes plus tard le personnage dans la cabane devenue labyrinthique. Avec plus de moyens et toujours autant d'idées, Sam Raimi ne recule devant aucune difficulté, quitte à passer une journée à tourner cinq petites secondes à l’écran (Bruce Campbell projeté et tournoyant dans les arbres). La caméra qui traverse le pare-brise de la Oldsmobile Delta 88, les travellings avant dans la forêt bien avant l’invention des drones, le plan subjectif de la vue de la main sont autant d'innovations pour l’époque.

L’inventivité et l’énergie de la mise en scène de Raimi trouvent un écho dans celles des effets spéciaux. L’équipe est composée de Tom Sullivan, Mark Shostrom, Shannon Shea, mais aussi Robert Kurtzman, Greg Nicotero, Howard Berger (qui créeront plus tard le mythique studio d’effets spéciaux KNB). Dans une ambiance bon enfant, l’équipe travaille et expérimente des effets encore jamais vus à l’écran, mêlant trucages physiques, latex, hectolitres de faux sang, images tournées à l’envers et stop motion.
Les acteurs sont eux aussi mis à rude épreuve. Aux multiples heures de maquillage et aux lentilles blanches opaque obstruant leur vision, s’ajoute une chaleur torride sur le plateau, qui n’épargne personne. Et surtout pas Ted Raimi, le jeune frère du réalisateur, qui s’évanouit parfois dans son costume duquel s’écoule des litres de sueur (parfois même visibles à l’écran).

La naissance d’une icône

S’il est une personne que Sam Raimi aime torturer autant que son frère, c’est bien son ami Bruce Campbell, qui incarne le rôle principal, Ashley Williams. En reléguant les personnages secondaires au rang de chaire à deadites, Evil Dead 2 laisse les mains libres à Bruce Campbell pour révéler toute l’étendue de son talent. Véritable corps comique et héros - presque - muet du film, Campbell se place dans la lignée de Buster Keaton ou Charlie Chaplin, usant de son corps et donnant de sa personne. En témoigne cette incroyable scène dans la cuisine, dans laquelle l'acteur se casse des assiettes sur la tête, enchaîne saltos et chutes, dans un combat contre sa main possédée, avant de la trancher à la tronçonneuse.

Véritable martyr du film, sacrifié à la fois sur l’autel du burlesque et sur celui de l’horreur, Bruce Campbell incarne les ruptures de ton voulues par Sam Raimi, héritier des Trois Stooges et de la comédie slapstick. Le deadite, sorte de zombie romérien dépolitisé, devient autant comique qu’horrifique.
L’horreur et la menace sont déplacées du corps possédé du deadite aux décors, aux choses inanimées et au personnage de Ash lui-même. Dès lors, l’ennemi est partout : dans les bois, dans la cabane, dans les objets (chaise, lampe, élan empaillé…) qui s’animent dans cette scène de fou rire collectif qui achève de faire basculer Ash dans la folie. Seul face à ces démons, Ash sombre dans la psychose et affronte son double (un avant-goût de ce qui l’attend dans l’opus suivant) face au miroir, face à lui-même.

Car c’est bien cela dont il est question dans Evil Dead 2. Bruce Campbell face au miroir, Ash face à lui-même. Héros presque muet, celui-ci se contente de quelques punchlines (“Groovy!”) et de nombreux cris, qui participeront à l'iconisation du personnage (et de l’acteur, indissociables). Rares sont les personnages masculins emblématiques du cinéma d’horreur à ne pas être du mauvais côté, celui des tueurs Michael Myers, Jason Voorhees et autres Freddy Krueger. Si Ash fait figure dans le cinéma horrifique, c’est que la trilogie Evil Dead, puis la série Ash VS Evil Dead (2015), élèvent au rang d’icône un personnage atypique. Celui de l’Américain moyen, à mi-chemin entre le héros splendide et le vil lâche, entre le preux chevalier et le vulgaire beauf. Ce héros malgré lui suit les ruptures de ton du film et de la saga de Sam Raimi, entre horreur et comédie, hémoglobine et humour burlesque, dans une célébration furieuse et décomplexée du cinéma qui a inspiré de nombreux jeunes réalisateurs à leur tour.

© Images tous droits réservés : Evil Dead 2, Studio Canal

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