Here. Les plus belles années de notre vie, de Robert Zemeckis, transcende son concept de huis clos et de caméra fixe pour capturer l’essence d’une famille, et par son jeu de retour dans le passé, celle de l’humanité tout entière. À cette occasion, la rédaction d’UniversCiné s’est plongée dans ses films claustrophobes favoris. De Jeanne Dielman, 23 quai du Commerce, 1080 Bruxelles à Moon, voici notre sélection de huis clos de cinéma préférés.
Le jour se lève, Marcel Carné (1939)
En 1939 et sans le savoir, le duo Carné/Prévert livre une pierre angulaire du huis clos (qu’il n’est que partiellement), inscrit dans le réalisme poétique français de l’époque. On y découvre Jean Gabin, cloîtré dans son appartement, acculé par la police, se remémorant ce qui l’a conduit au meurtre. Devenu depuis un classique, censuré puis retrouvé dans sa version initiale en 2014, Le Jour se Lève restera à jamais l'ultime cri politique d’avant-guerre, dans un climat d’effondrement de la classe ouvrière et de défiance de l’autorité.
Jeanne Dielman, 23 quai du Commerce, 1080 Bruxelles, Chantal Akerman (1975)
Deuxième long métrage de Chantal Akerman, âgée de seulement vingt-six ans, Jeanne Dielman, 23, Quai du Commerce, 1080 Bruxelles, explore l’enfermement de Jeanne (Delphine Seyrig), prisonnière d’une routine domestique et de la prostitution. Huis clos dans le huis clos, la réalisatrice interdit d’abord à la caméra de pénétrer à l’intérieur de la chambre, alors que Jeanne reçoit un client, appuyant sur le silence et le tabou. Un chef d’œuvre.
La maison du diable, Robert Wise (1963)
Rarement un cinéaste aura su exploiter tous les recoins d’une maison pour créer une atmosphèreaussi anxiogène. Robert Wise utilise ici tous les moyens à sa disposition (plans débullés, contre-plongées, bruitages, craquements, chuchotements, ombres mouvantes...) pour adapter sa mise en scène à la folie de la situation et de ses personnages. Un modèle de film de maison hantée, qui en dépit de son pitch des plus classiques, a inspiré de très nombreux cinéastes, à commencer par Sam Raimi pour les deux premiers films de sa trilogie Evil Dead.
Panic Room, David Fincher (2002)
Jodie Foster et Kristen Stewart incarnent une mère et sa fille, prises au piège d’un cambriolage dans leur maison ultra sophistiquée. Réfugiées dans une pièce de sécurité en béton impénétrable, elles y sont tout autant prisonnières que protégées. Équipé de caméras de surveillance qui leur donnent accès à ce que les intrus trament, David Fincher joue de la double nature des choses avec sa fameuse caméra stylo. Le cinéaste manie avec malice l’espace en instaurant un jeu de course poursuite de pièces en pièces, comme il appuie sur la claustrophobie de son huis clos.
Cube, Vincenzo Natali (1997)
Le premier film de Vincenzo Natali fut un coup de maître. Pas d’exposition, pas de contexte, le réalisateur canadien plonge directement ses personnages, archétypes d’une micro-société, dans un immense cube rempli de salles piégées. Pièce après pièce, piège après piège, le sentiment d’oppression et de claustrophobie se fait d’autant plus fort que l’équipe est décimée petit à petit. Malgré une production chaotique, Cube compense son microscopique budget de 350 000 dollars par une créativité folle et une précision d’écriture qui font de ce huis clos un des thrillers paranoïaques les plus efficaces de la fin des années 1990.
Moon, Duncan Jones (2009)
Duncan Jones n’est pas seulement le fils de David Bowie (ce à quoi il est souvent restreint). Il est surtout l’auteur d’une petite pépite, Moon, sortie dans un certain anonymat en France en 2010, directement en DVD. Pourtant sa réputation en festivals n’est pas usurpée : de la musique de Clint Mansell à l’interprétation sans faille de Sam Rockwell, Jones signe un pur huis-clos spatial. Le décor lunaire et désolé illustre la folie rampante du héros condamné à rejouer l’exercice permanent du genre : sortir de son labyrinthe mental.
Ariaferma, Leonardo Di Constanzo (2021)
Moment suspendu hors du temps, Ariafermaraconte les dernières semaines d’activité d’une prison italienne en cours de démantèlement, tenue par une équipe réduite de surveillants, encadrant les douze derniers détenus... Ariaferma n’est pas tant un film sur les conditions de vie des prisonniers italiens que sur l’absurdité de la prison elle-même. Ce huis-clos presque théâtral, dans une prison circulaire, comme une scène au milieu des cellules, mêle acteurs italiens de renom (Toni Servillo, Silvio Orlando...) et vrais détenus pour un film entre la fiction et le documentaire, entre la réalité et l’utopie d’une communauté carcérale loin du monde et loin des clichés.
Bug, William Friedkin (2006)
Peu après l’excellent film de studio Traqué, le réalisateur de L’Exorciste renoue avec son obsession : filmer la frontière ambiguë sur laquelle danse le Bien et le Mal. En écorchant les maux de l’Amérique et en signant un huis clos viscéral sur la paranoïa et le protectionnisme, William Friedkin prouve encore une fois la vitalité de son regard. Il propulse aussi ici l’immense Michael Shannon, l’un des acteurs phares du cinéma américain depuis vingt ans.
La Journée de la jupe, Jean-Paul Lilienfeld (2009)
La journée de la jupe est la revendication de Sonia Bergerac, (Isabelle Adjani) professeure de lycéevictime de sexisme de la part de ses élèves. Alors qu’elle tente de débuter la répétition d’unepièce de Molière, un coup de théâtre survient lorsqu’une arme tombe du sac d’un adolescent. Le comique du grand dramaturge laisse place à une violence qui n’a rien de littéraire. À bout de nerfs, elle explose et prend en otage sa classe. Entre les coups de feu,des horreurs que les jeunes s’infligent entre eux sont dévoilées,le huis clos servant alors à faire éclater la vérité. Pour son interprétation saisissante, Isabelle Adjani a reçu le César de la meilleure actrice.
Marie-Octobre, Jean Duvivier (1958)
Trente ans après le meurtre irrésolu du chef d’un réseau de résistants, les membres de son groupe se retrouvent dans leur ancien quartier général et lieu du crime, afin de démasquer le traître. Se rejoue la scène comme lorsune reconstitution policière provoquant inévitablement une atmosphère tout en tension. Classique dans sa mise en scène, Julien Duvivier contourne cependant avec une grande modernité l’effet d’étouffement de son huis clos, en intégrant une mise en abyme grâce à un combat de catch à la télévision. Un casting en or prête voix et corps à des dialogues écrits avec une plume raffinée et assassine : Danielle Darrieux, Lino Ventura, Serge Reggiani, Bernard Blier, Paul Meurisse.