L'arrière-grand-père de Françoise Romand était homme à tout faire chez les frères Lumière, à la Ciotat. C'est ainsi que les "inventeurs" le capturèrent dans leur objectif : le garnement dans L'Arroseur arrosé, c'est lui. Lorsqu'elle intègre l'IDHEC, l'école de cinéma parisienne ancêtre de la FEMIS, en 1974, alors que le film est montré à ses camarades de promotion, elle peut revendiquer sa filiation.
La jeune cinéaste va d'emblée se tourner vers le documentaire en y mêlant fiction et fantaisie. La réalité, rien que la réalité, mais montrée non pas comme une succession d'informations, mais comme une quête de la vérité des êtres, s'intéressant à la place du Je dans la narration, à la question de l'identité, travaillant l'empathie et l'auto-mise en scène de ses personnages.
Tourné en 1985, Mix-Up ou Méli-Mélo, un film sur deux enfants échangées par erreur à la naissance en Angleterre, obtient une reconnaissance critique aux États-Unis. Après sa découverte par Vincent Canby du New York Times, le journaliste du Chicago Reader, Jonathan Rosenbaum, le sélectionne premier des dix meilleurs films de 1988 et dans les 15 meilleurs des années 1980 aux côtés de ceux de Ridley Scott, Martin Scorsese, John Cassavetes, ou Chris Marker.
Appelez-moi Madame (1986), sur la vie d'un transsexuel dans un village de Normandie, sera également remarqué pour son regard documentaire qui tranche avec les habitudes journalistiques. Elle évite le commentaire pour mieux montrer et donner à comprendre. Les Miettes du purgatoire (1992) met en scène deux jumeaux vivant en symbiose avec leurs parents très âgés. Dans Passé Composé (1994) un homme à la recherche douloureuse de son passé rencontre une femme amnésique qui fuit le sien, et dans Vice Vertu et Vice Versa (1996), deux voisines de palier, l'une prostituée de luxe, l'autre intellectuelle au chômage, s'échangent leurs vies,
Après un séjour – au tournant de l'an 2000 – à Harvard où elle est invitée pendant un an à dispenser des cours de cinéma, elle s'attelle en 2007 et 2008, à la mise en situation de ses films, présentés dans l'intimité d'appartements privés, avec la complicité de ses voisins et d'une armée de guides qu'elle nomme les "anges". L'expérience deviendra un film : Ciné-Romand. On y découvre d'un film l'autre, d'un logement l'autre, un cinéma engagé du côté de l'humain. Comme sa réalisatrice.