Né le 6 décembre 1926, à Rome, Italie, il y disparait le 1er décembre 1990.
Il a 25 ans quand il réalise, en 1951, Salvate mia figlia, son premier film, dont le titre est explicite : il va se faire, durant quelques années, une spécialité du mélo plus ou moins larmoyant, à la Raffaello Matarazzo ou Carmine Gallone, dont le seul qui ait été distribué ici, sans doute parce que la vedette en était Silvana Pampanini, alors célèbre, est La Fille de Palerme (1954), au titre original plus croustillant, La peccatrice dell'isola…
Ce qui ne l'empêche pas de tâter du film social, comme Terra straniera (1954), sur les mineurs italiens émigrés en France, ou du comique parodique, comme Toto, Peppino… et la dolce vita (1961), tourné dans la foulée du succès du film de Fellini. Il devient d'ailleurs, le temps de quelques films, le réalisateur attitré de Toto (six titres entre 1961 et 1963, dont I due marescialli, avec Vittorio De Sica). Comme tous les cinéastes de série de la péninsule, il passe au péplum, de façon assez convaincante, comme le prouvent Romulus et Rémus (1961) et Le Fils de Spartacus (1962), tous deux avec Steve Reeves.
Il tourne à la chaîne – 18 films entre 1961 et 1966 -, parfois des titres devenus des curiosités, comme son pastiche de Darryl Zanuck, Le jour le plus court (1963), où, outre les vedettes italiennes Toto, Gino Cervi ou Ugo Tognazzi, on voit passer Annie Girardot, Anouk Aimée, Simone Signoret, David Niven Jean-Paul Belmondo, Stewart Granger et Walter Pidgeon et tous les acteurs séjournant en Italie à ce moment…
Après une seule incursion dans le fantastique, une Danse macabre (1964) coréalisée avec Antonio Margheriti et dont la réelle beauté est sans doute due à ce dernier, meilleur praticien du genre que lui, Corbucci va devenir un spécialiste du western, dont il tournera une quinzaine de titres en huit ans. S'il commence petit bras, ni Massacre au Grande Canyon (1964), ni L'Homme du Minnesota (1964) n'ayant marqué les mémoires, il s'affirme dès Django (1966), puis avec Ringo au pistolet d'or (1966) comme un bon fabricant.
Certes, c'est un suiveur habile, moins puissant que Sergio Leone, moins inventif que Duccio Tessari (dans l'étincelant Un pistolet pour Ringo), mais il tient fermement ses acteurs – d'où la série de comédiens américains de renom qui lui seront offerts : Burt Reynolds (Navajo Joe, 1966), Joseph Cotten (Les Cruels, 1967), Jack Palance (El mercenario, 1968 et Companeros, 1970), Telly Savalas (Far West Story, 1972).
Sans oublier les acteurs nationaux, comme Vittorio Gassman (Mais qu'est-ce que je viens foutre au milieu de cette révolution ?, 1972) ou français, comme Johnny Hallyday (Le Spécialiste, 1968, dans lequel le chanteur est loin d'être mauvais) et Jean-Louis Trintignant (Le Grand Silence, 1968).
Un Grand Silence qui marque un sommet, celui de la filmographie de Corbucci et celui du genre en Italie. Si l'on met à part la tétralogie de Leone, on n'a guère fait mieux avant, on ne fera plus aussi bien ensuite que ce western presque immobile, quasi muet, enfoui sous la neige et le blizzard, sans effets spectaculaires, sans fin heureuse ou morale, qui couronne la période "italienne" de Trintignant et prouve que Klaus Kinski n'était pas un acteur géant seulement chez Werner Herzog.
Les années 70 et 80 vont le voir tourner des films moins "typés" : il ne restera plus prisonnier d'une série, mais passera d'un genre à l'autre selon les besoins des producteurs, avec la même facilité, signant un bon film de camionneurs (Deux grandes gueules, 1974, avec Giancarlo Giannini et Michel Constantin), un nouveau western parodique plein d'humour (Le Blanc, le jaune et le noir, 1975), et deux excellents policiers également parodiques, Le Pot-de-vin (1978, avec Tognazzi et Nino Manfredi) et Mélodie meurtrière (1979, avec Marcello Mastroianni), grands succès commerciaux qui vont faire de Corbucci un des réalisateurs les mieux cotés au box-office durant la décennie suivante. Pas toujours pour des produits défendables, par exemple lorsqu'il utilise le tandem Hill-Spencer (Pair et impair, 1979, Un drôle de flic, 1980, Salut l'ami, adieu le trésor, 1981), tous films que les trente années écoulées ont peut-être rendus intéressants, si l'on on les considère aujourd'hui comme des objets d'époque, mais qui, en leur temps, ne visaient pas très haut.
Le fait qu'après 1981, aucun des onze films qu'il a réalisés avant son décès n'ait franchi les Alpes, alors qu'auparavant deux titres sur trois nous parvenaient immédiatement, est sans doute un signe, celui d'une inspiration trop liée à un marché national. On dit pourtant grand bien de son antépénultième film, I giorni del commissario Ambrosio (1988), dans lequel Ugo Tognazzi était, paraît-il, remarquable – mais quand ne l'était-il pas ?
Trop de titres, une trop grande facilité, le bilan pourrait être négatif. En réalité, Sergio Corbucci laisse une filmographie très variée, très plaisante – quelle que soit l'altitude où ils se plaçaient, ses films étaient toujours agréables à consommer -, très riche pour les amateurs de films du second rayon. Et Le Grand Silence n'a pas fini de nous étonner à chaque nouvelle vision.
Lucien Logette