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Deux voix nous racontent un bout d’Algérie. Du point de vue d’un passé rageur ou du présent douloureux, elles se rejoignent dans l’exploration de la décennie noire des années 1990, celle de la guerre civile et de blessures encore vives. Deux films, deux manières différentes, au milieu d’une multitude d’autres dans le cinéma algérien contemporain, de lutter contre l’oubli.
Le Repenti (2012)
En 2000, à la suite de la guerre civile algérienne, une loi d’amnistie est votée, permettant aux islamistes de quitter le maquis pour devenir des “repentis” et réintégrer la société sans poursuites judiciaires. L’amnésie peut-elle être imposée à tout un pays meurtri ? La “concorde civile”, selon le nom de cette nouvelle loi, est-elle possible après 200 000 morts ? Autant de questions que pose Merzak Allouache, en suivant l’un de ces “repentis”, Rachid, ancien maquisard, et le couple avec lequel il est lié par un drame terrible. Le cinéaste algérien qui a lui aussi, comme beaucoup, subi ces années noires, livre un film âpre, à la narration sèche et remplie d’ellipses, duquel il se dégage une solitude étouffante, celle de personnages emmurés dans un deuil (le couple) ou une rédemption (Rachid) impossible. Un sentiment d’absurde se dégage aussi, à l’évocation d’une société sonnée, atone, figée dans le sang. La réponse de Merzak Allouache à ses questions est glaçante. Présenté à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes en 2012.
À mon âge, je me cache encore pour fumer (2016)
1995. Au cœur d’Alger, le hammam tenu d’une main de fer par Fatima est un refuge où les femmes sont à l’abri du regard des hommes et de leur violence. Au cours d’une journée entre les murs épais de l’établissement, blagues et confidences fusent, tandis qu’on soigne les corps, parfois meurtris. Rayhana, dramaturge et comédienne algérienne, exilée depuis 2000 en France, adapte sa pièce avec un changement décisif. Écrite et montée en français, son adaptation s’est faite en arabe. La rage du texte original, demeurée intacte, n’empêchent pas la légèreté et la tendresse qui jaillissent d’un casting aussi prestigieux que gouailleur. Car à l’instar des morphologies et des caractères qui foisonnent, le film prend des formes multiples : évocation rude d’une époque violente, portrait de femmes et surtout, illustration charnelle de ce que le corps féminin, caché, abusé, tordu, subit partout où on le considère comme dangereux. Un huis-clos brûlant.
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