D’un conflit à l’autre. Après avoir photographié les familles de soldats endeuillées de la guerre en Irak, Steve McQueen s’engage dans la réalisation d’un premier long métrage politique radical, retraçant la grève de l’hygiène et de la faim des membres de l’IRA (Armée Républicaine Irlandaise) en lutte pour leur statut de prisonniers politiques. Dans l’ombre de l’ère Thatcher, dont le discours dur plane en voix off, Hunger replonge dans l'atrocité de leur quotidien carcéral entre 1976 à 1981, et oppose violence institutionnelle et éruption organique, confrontation physique et joute verbale, pour un concentré de tension foudroyant. Embarquant sa caméra dans de véritables cellules irlandaises, le Britannique s’empare des contraintes esthétiques de la prison pour créer une sensation d’oppression suffocante, entre les courbes sinueuses et expressives de la matière - corporelle comme architecturale. Dans son théâtre de la substance, construit en trois actes, le cinéaste transcende le réel pour ériger, dans un espace et un temps donné, un corps : celui de Bobby Sands, leader des insurgés, qui donnera sa vie pour son combat. Porté par la métamorphose époustouflante de Michael Fassbender - qui a perdu 14 kilos pour le rôle - ce premier film viscéral frôle l’insoutenable, et plonge dans l’obscurité d’une révolte pénitentiaire où le corps s’est fait le champ de bataille politique ultime. Caméra d’Or au Festival de Cannes en 2008.