" « Bon à tout bon à rien », brave bougre, bon fils (il adore sa mère, « dame-pipi » au Théâtre-de-Chaillot ayant- enfin-reçu-les-moyens -de - « remplir-sa-mission »), marginal pour tout dire, Robert n'a cependant qu’une idée en tête : s'offrir le moyen de rentrer dans le rang, de devenir comme tout-le-monde en ouvrant un commerce ambulant de frites et de pizzas. Rêve hélas impossible, sans se donner d'abord les moyens d'acquérir la superbe fourgonnette rouge, d’occasion, bien sûr, découverte sur un terrain vague de banlieue, au hasard d’une promenade avec Jeanne, sa nouvelle conquête. Huit cent mille centimes d'un coup, ce n'est pas à sa portée ; mais il a un ami, un vrai, rencontré au régiment, pour qui ce n'est rien, et qui se fera un plaisir... Il suffit de le retrouver, d'exposer le cas.
Ainsi Robert se met-il en quête de l'ami en question, qu’il finit, par découvrir estropié, livré à la merci de son frère dans des conditions épouvantables, en tout cas sans un sou vaillant. C’est si évident, que Robert juge tout à fait inutile de lui demander quoi que ce soit. Est-ce la fin de son projet ?
Qu’on se rassure, ce n'est que le début d'une série d'aventures et de rencontres de personnages bizarres, au terme desquelles notre héros réalise son ambitieux dessein. Non sans avoir fourni, ce faisant, l'occasion au cinéaste de composer un récit aux multiples changements de tons, en somme de nous montrer son savoir-faire. C'est drôle. Bref, voilà un film à la facture très personnelle qui ne méritait point l'avatar dont il fut victime lors de sa première sortie publique, lorsque la loi d'airain du distributeur s'abattit sur lui sans avertissement, sans même donner le temps à la critique de faire son travail en engageant le public à le voir.
A la suite de protestations, notamment de son auteur, Itinéraire bis est repris, à partir de ce mercredi, pour deux semaines. C'est l'occasion de démontrer l'erreur de ceux qui s’imaginent qu'originalité est synonyme d'échec. Il y a là de surcroît un groupe de comédiens, de Georges Wilson à Rufus, de Claire Maurier à André Marcon et Martine Kalayan, dont le talent n’est pas à démontrer. "
François Maurin, 4/05/1983