L'espion rohmérien et la sincérité du mensonge
Si la figure de l'espion n'est pas nouvelle chez le cinéaste, c'est toutefois la première fois que Rohmer met en...
François travaille la nuit, Anne le jour. Il l'aime mais ne la voit pas assez. Quand il la croise au bras de son ex, aviateur, la jalousie s'empare de lui.
François travaille à la poste, de nuit. Anne, non. Il l'aime mais ne fait que la croiser. Quand il la découvre au bras de Christian, son ex aviateur, la jalousie s'empare de lui. Il décide alors de suivre Christian et le trouve en compagnie d'une blonde mystérieuse. Qui est-elle ? Sont-ils en couple ? L'imagination de François et sa jalousie deviennent les moteurs de cette poursuite et de son enquête... Après sa célèbre série des six "Contes moraux", Rohmer entamait en 1981 les "Contes et proverbes" avec comme premier fil conducteur l'ironique : "On ne saurait penser à rien".
Le lecteur n'est pas installé ?
Pour votre information, la lecture en mode hors-ligne n'est pas compatible avec le système d'exploitation Linux
" Une fois de plus, La Femme de l'aviateur témoigne de la fascination de Rohmer pour le verbe. Pour les mots eux-mêmes (cf. le dialogue sup
" Une fois de plus, La Femme de l'aviateur témoigne de la fascination de Rohmer pour le verbe. Pour les mots eux-mêmes (cf. le dialogue superbement écrit et dit), mais plus encore pour leur pouvoir onirique. La preuve, François s'en berce, s'y laisse griser. Il s'embarque sur les traces de l'aviateur parce que les phrases qu'il prononce dépassent leur signification première, décollent du réel, se muent en fiction, inventent une histoire qu'il veut immédiatement vérifier. Et nous de lui emboîter le pas, car la force première de Rohmer consiste à faire passer cette puissance d’illusion de l'écran dans la salle.
A faire glisser l’intérêt du quiproquo amoureux à l’affabulation de François, en puisant, grâce aux mots, dans le banal le plus convenu le potentiel maximal d’imaginaire. Que le film s’ouvre et se ferme sur François pris et rendu à son travail en est l’indiscutable signe.
Situations enchaînées comme une logique mécanique, personnages porteurs du récit et portés par lui renvoient à une structure théâtrale convenue (Marivaux, Musset,..). Rien, pourtant, dans le film ne relève de la théâtralité. Paradoxalement, Rohmer dépasse cette convention par un travail sur les décors et sur les acteurs qui confine à l’évidence, à cette impression de réalité-vérité sur laquelle se fonde spécifiquement la part majeure du cinéma.
Tout cela, nous semble-t- il, renvoie à une forme cinématographique dont Hitchcock est le maître incontestable : la fiction précédée de son commentaire, la construction comme exercice ludique, et surtout cette jubilation offerte au spectateur de savoir ce que le héros ignore et sur quoi il spécule. Qu'est-ce que le cinéma, sinon cela ?"
" Premier du cycle des Comédies et Proverbes, La Femme de l’aviateur est une splendeur, tournée en 16-mm dans les rues de Paris avec un nat
" Premier du cycle des Comédies et Proverbes, La Femme de l’aviateur est une splendeur, tournée en 16-mm dans les rues de Paris avec un naturel inouï. Le genre de film que le monde nous envie, car "only the French can". Seul le cinéma français a troussé des comédies sentimentales à deux sous avec une telle élégance. L’intrigue, car Rohmer est le roi des intrigues, n’est qu’un prétexte, tout entier contenu dans le titre, pur leurre et moteur d’un quiproquo.
(...) Si les scènes avec Anne sont très réussies, grâce à la présence troublée de Marie Rivière, c’est véritablement la poursuite du couple Christian-la blonde dans le bus, dans le parc des Buttes-Chaumont et les rues du XIXe arrondissement, qui est le clou du film. Le naturalisme rohmérien y vole en éclats : on sort de la réalité pour entrer dans le fantastique et le suspense. Dans les Buttes-Chaumont, (...) l’étrangeté du couple Christian-la blonde renvoie à Blow up d’Antonioni. Que fait et que cache ce couple froid et distant ? C’est là où l’humour bascule dans l’anxiété et où l’amour devient un fantôme inaccessible.
" Après le détour de Perceval (fût-ce d'ailleurs un détour ?), c'est un Rohmer imperturbablement fidèle à lui-même, à ses influences littér
" Après le détour de Perceval (fût-ce d'ailleurs un détour ?), c'est un Rohmer imperturbablement fidèle à lui-même, à ses influences littéraires (le dix-huitième siècle français), à son goût pour les mouvements du cœur et les arabesques sentimentales, à sa vision ironique du monde que nous retrouvons dans la Femme de l'aviateur (...)
(...) l'intrigue (...) peut paraître squelettique. En fait, c'est l'histoire d'une crise, d'un bref séisme amoureux qui nous est racontée. Mais, comme toujours chez Rohmer, la simplicité du récit dissimule un jeu compliqué de miroirs, tout un réseau d'aveux et de mensonges, de réactions sincères et de faux-semblants, une sorte de labyrinthe où des sentiments et des pulsions contradictoires s'enchevêtrent (...)
Le récit est composé de longues séquences (presque des « actes ») filmées dans ce style rigoureux et fluide qui caractérise l'art de Rohmer. Une rupture, une promenade dans Paris, un tumultueux face-à-face : voilà pour la trame. Le feu de l'action, ce sont les dialogues qui l'expriment. Rien de plus vif, de plus drôle, de plus charmant que les propos qu'échangent François et la lycéenne, tandis qu'ils guettent Christian et son énigmatique compagne Et, avec ses fausses sorties, ses ruptures de ton, ses répliques fiévreuses et ses tirades, rien de plus « rohmérien », de plus élaboré dans sa composition et son écriture que la grande scène de comédie que se jouent Anne et François. Rohmer aime les partitions dépouillées, les exercices de corde raide.
Limpides et cristallins, et cependant voilés d'incertitudes, tissés d'ambiguïtés, ses films ne cessent de balancer entre l'évidence et le mystère. C'est sans doute ce qui fait leur magie, leur pouvoir d'envoûtement. On ne résiste pas à Rohmer, à sa fausse nonchalance, à son humour feutré, à ce classicisme qui le protège des modes, à cet esprit de finesse qui lui fait percevoir aussi bien l'air du temps que les secrets de ses personnages. Et quel directeur d'acteurs ! Dans le rôle d'Anne, tour à tour agressive et dolente, Marie Rivière vibre de tout son être. Philippe Marlaud exprime parfaitement la maladresse de François, partagé entre son intransigeance et son humilité d'amoureux transi. Quant à Anne-Laure Meury (la lycéenne), sous son masque d'Ingénue, c'est une sacrée petite futée qui a plus d'une rouerie dans son sac."
" ... c'est un film où l'on prend soin de mettre en place un décor d'une extrême précision et dont le charme poétique naît d'un réalisme ex
" ... c'est un film où l'on prend soin de mettre en place un décor d'une extrême précision et dont le charme poétique naît d'un réalisme exigeant. Après le Clermont-Ferrand de Ma nuit chez Maud, le Paris du quartier Saint-Lazare de L'Amour l'après-midi, c'est la chambre d'une jeune secrétaire et le parc des Buttes-Chaumont qui servent de cadre aux longs échanges des jeunes gens sensibles et désorientés d'Eric Rohmer. Nous sortons du film avec le sentiment de les avoir explorés, dans leurs moindres recoins, pourtant nous n'en avons vu que ce qui pouvait servir à rendre les personnages irréfutables. Effet de la maîtrise absolue d'un auteur, qualité d'un très grand cinéma où l'espace n'est pas tenu pour acquis, où l'air qui circule entre les éléments du décor fait l'objet d'une étude minutieuse destinée à nous le rendre respirable, où le laisser-aller qui préside, chez tant d'autres, à la restitution d'une vérité prétendue se voit rigoureusement banni.
Film d'une extrême audace formelle, La Femme de l'aviateur est pratiquement construit sur deux séquences magistrales, si l'on fait exception de quelques plans nécessaires à son introduction. Celle qui se déroule aux Buttes-Chaumont fait se rencontrer François (...) et Lucie (une lycéenne tout juste âgée de quinze ans). L'autre, qui réunit le jeune homme et son amie plus âgée, Anne, pour une longue séance d'explication, se déroule dans la chambre de cette jeune femme.
La première est en elle-même une admirable petite comédie. Fine, juste, acide et d'une intelligence, faut-il le dire, de chaque seconde, Eric Rohmer nous y venge de la vulgarité tapageuse de tout un cinéma qui prétend, depuis des années déjà, se faire le témoin et le porte-parole des nouvelles générations.
Eternel étudiant, Rohmer a la jeunesse de coeur et la clairvoyance qu'il faut pour tracer un portrait d'une extrême justesse de ces êtres qui n'ont pas vingt ans, émus pour un rien, têtus, ayant imaginé toutes les roueries et pourtant neufs, splendidement disponibles et pourtant retenus par leurs exigences, croyant encore jouer mais proches, pourtant, de souffrir.
Les étourdis diront peut-être qu'il s'agit d'un portrait trop classique pour être vraiment fidèle aux traits de la génération qu'il peint. Réticences d'aveugles : ce portrait a toutes les chances d'être plus vrai que ceux de la manière « pop », de même que c'est dans La Collectionneuse, un des premiers Contes moraux, et non dans les films de Vadim qu'il faut aller chercher une peinture exacte de la génération qui a immédiatement précédé 68 et son cortège de libérations diverses.
La seconde séquence paraît moins éblouissante. Ce qui est inévitable : elle succède à un exercice d'une telle brillance qu'il y a quelque difficulté à reprendre pied, à quitter la merveilleuse gamine que nous avons vue jouer les Sherlock Holmes du coeur pour écouter le discours déçu d'un trop jeune amant qui s'accommode mal de la liberté de la femme qu'il aime. Mais passant, par l'intermédiaire de ce jeune homme, d'une génération de femmes à une autre, nous ne perdons cependant pas au change.
C'est une autre facette de notre plaisir. La joie d'observer, de traquer le vrai sous l'affecté, le durable sous le furtif, l'émotion sous la singerie qu'on peut en faire, ce plaisir d'analyste amoureux de l'objet de sa recherche, Eric Rohmer nous l'offre avec autant d'élégance cette chambre qu'aux Buttes-Chaumont. Voilà sans conteste le film le plus passionnant qu'il nous ait donné depuis L'Amour l'après-midi. Et le premier grand film français de l'année."
Nos offres d'abonnement
BASIQUE ETUDIANTS
| 1 | € |
| le 1er mois(1) |
SANS ENGAGEMENT puis 4,99€ /mois
Sur présentation d'un justificatif(2)
BASIQUE
| 1 | € |
| le 1er mois(1) |
SANS ENGAGEMENT puis 6,99€ /mois
PREMIUM
| 9 | ,99€ |
| /mois |
SANS ENGAGEMENT
* A l'exception des films signalés
CINÉPHILE
| 15 | ,99€ |
| /mois |
SANS ENGAGEMENT
*A l'exception des films signalés
BASIQUE ETUDIANTS
| 49 | ,99€ |
| /an |
Sur présentation d'un justificatif(2)
BASIQUE
| 69 | ,99€ |
| pour 1 an |
PREMIUM
| 99 | ,99€ |
| pour 1 an |
*A l'exception des films signalés
CINÉPHILE
| 175 | ,99€ |
| pour 1 an |
* A l'exception des films signalés
Vous devrez fournir un justificatif de scolarité (carte étudiante ou certificat, en .pdf ou .jpg).
UniversCiné se réserve le droit d'annuler l'abonnement sans possibilité de remboursement si la pièce
jointe envoyée n'est pas conforme.
Offre valable 12 mois à partir de la date de l'abonnement
_TITLE