"Karim et Sophia forment un couple incroyablement parfait, sauf qu’en réalité, ils ne sont pas amants, mais frère et sœur. D’emblée, s’aventurer dans une histoire qui flirte avec la menace d’un inceste à peine voilé, est risqué. Pour autant, ce premier long métrage se refuse à entrer dans la catégorie du film social. C’est une comédie à la fois légère et profonde, qui se saisit de cette relation ambiguë, pour raconter la difficulté à donner du sens à sa vie, dans une société canadienne, libérale et peu complaisante.
Le film est porté par une actrice totalement géniale, Anne-Elisabeth Bossé. Elle incarne une jeune docteure en philosophie politique, condamnée à des petits boulots, faute d’une université qui, au lieu de porter ses jeunes diplômés, règle ses comptes carriéristes. La jeune femme se perçoit comme une véritable ratée, et seul son frère semble lui donner goût à la vie. Elle succombe à une forme d’hystérie qui la fait ressembler à une Emma Bovary québécoise, en proie aux doutes quant à sa capacité à trouver une place dans la société. On rit beaucoup de ce portrait très touffu où s’expriment autant d’intelligence que de désinvolture, qui conduisent inexorablement notre héroïne à l’échec.
La femme de mon frère s’inscrit dans la tradition des films familiaux canadiens. Il y a à travers l’écriture un ton délibérément décalé. On respire le bonheur dans cette famille à moitié divorcée, à moitié militante, à moitié heureuse. Les dialogues sont tous succulents, comme souvent dans le cinéma canadien qui parvient sur nos écrans français. On ne peut pas reprocher à la réalisatrice d’avoir commis un film misogyne. Au contraire, elle se moque de tous ses personnages, sans jamais céder à la vulgarité. La douceur et la poésie finissent toujours par rattraper les personnages, qui évoluent dans une grande comédie humaine. La galerie de portraits que nous offre la cinéaste est un panorama délibérément théâtral de caractères attachants et drôles. A cela, s’ajoute un montage très serré, de la main même de la cinéaste, qui apporte au récit un rythme joyeux.
On ressort de ce film avec un sentiment sincère de bonheur. Evidemment, après une pareille œuvre, on ne peut qu’espérer le second long métrage de cette incroyable Monia Chokri, dont Xavier Dolan nous avait révélé les talents de comédienne."
Laurent Cambon
Drôle, émouvant, on s'y retrouve et ça fait du bien ! Vive le Québec et ses déjantés !