Costa-Gavras : "Du spectacle, oui."
VIDEO | 2017, 7'| Réalisateur engagé et fasciné par les mécanismes du pouvoir, le réalisateur de Z, Missing, Amen.1
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Bruno Davert, cadre dans une usine de papier, s'est fait licencier. Pour retrouver un poste semblable, Bruno est prêt à tout, même à tuer ses concurrents...
Bruno Davert est cadre dans une usine de papier. S'étant fait licencier avec quelques centaines de ses collègues pour cause de délocalisation, il est prêt à tout pour retrouver un poste à son niveau, même à tuer ses concurrents... D'après un roman noir de Westlake, un thriller signé par l'auteur de "Z" qui offre à José Garcia l'un de ses grands rôles.
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Le chômage humilie, déprime, anéantit, rend fou. Fabrique-t-il des assassins ? Tout le monde sait que la réponse est oui, même si les crime
Le chômage humilie, déprime, anéantit, rend fou. Fabrique-t-il des assassins ? Tout le monde sait que la réponse est oui, même si les crimes perpétrés par nos chers compagnons d'entreprise se révèlent symboliques, virtuels. Les victimes meurent loin du lieu fatal, à genoux devant l'ANPE, sous sédatifs en cliniques pour déprimés, achevées par l'alcool, voire asphyxiés dans un placard. Adaptant un roman de l'Américain Donald Westlake (...), Costa-Gavras fait fi des métaphores. Son "héros" passe à l'acte.
Conte amoral, Le Couperet retrace le plan de survie d'un cadre supérieur congédié pour cause de délocalisation de son entreprise après quinze ans de bons et loyaux services (...) Constat effaré de Costa-Gavras et de son scénariste Jean-Claude Grimberg : aujourd'hui, on se bat moins pour faire triompher des idéaux que pour sauver sa peau, et, symptôme d'un individualisme poussé jusqu'au paroxysme, ce combat insensé pousse les citoyens à supprimer des frères, des semblables, comme aux temps préhistoriques. Il n'y a plus de morale, plus de solidarité. C'est le règne de l'inhumanité au quotidien, l'avènement d'une nouvelle barbarie. Sursaut de lucidité du licencié : "Nous devrions nous battre ensemble au lieu de lutter seuls pour des miettes !"
Costa-Gavras a dû batailler ferme pour mener son film à bien. On sait qu'il est vain d'espérer tourner sans l'appui financier des télés, et celles-ci ne mettent pas volontiers la main au portefeuille pour voir régler le problème du chômage par un serial killer. Les auteurs ont donc eu partiellement recours à un type de narration calqué sur le thriller. Paradoxalement, les moments d'attente du tueur guettant ses victimes dans sa voiture ne sont pas les plus poignants. Costa-Gavras est plus convaincant lorsqu'il esquisse un portrait à la Fritz Lang de son justicier fou : mains moites, tremblant, vomissant, pleurant, métamorphosé en bête gémissante.
Outre le talent de José Garcia à camper ce personnage sans le rendre antipathique, on retrouve dans Le Couperet l'attachement de Costa-Gavras pour les histoires de famille. Ici, l'assassin est motivé par sa responsabilité financière et morale de mari et de père. Ses absences (physiques et mentales) déglinguent son ménage, il est traîné chez un conseiller conjugal, mais l'horreur suprême serait pour lui de perdre son statut de "papa héros".
Découvrir que son fils s'est compromis dans des vols attise en lui à la fois la hantise de voir les siens entraînés dans un engrenage et l'urgence d'une solidarité de clan. Le vrai sujet du film, c'est ce dilemme qui pousse un homme à agir comme un monstre pour s'éviter la culpabilité de voir la déchéance des siens dans la jungle sociale.
" Il tue, donc. Seul. Avec effroi, maladresse, opiniâtreté et stoïcisme. Mobilisant, dans le fond, les mêmes ressorts et les mêmes «vertus»
" Il tue, donc. Seul. Avec effroi, maladresse, opiniâtreté et stoïcisme. Mobilisant, dans le fond, les mêmes ressorts et les mêmes «vertus» que le héros de western acharné à défendre sa ferme et sa famille à coups de carabine contre les Indiens spoliés de leurs terres. On n'est plus dans la prairie pourtant, mais dans une Europe du Nord «paisible» et transfrontalière : le thriller de Costa-Gavras promène le spectateur dans un monde uniformisé de pavillons et d'intérieurs cosy, au confort beige, sournoisement vrillé par une violence létale. Celle du chômage et de l'individualisme.
Forcé de resserrer le roman implacable de Donald Westlake dont il s'est inspiré, Costa-Gavras en nourrit le questionnement moral par une sorte de subversion fantastique, distillée en filigrane. Les meurtres ne sont pas sanguinolents. Néanmoins, la réalité ordinaire est menacée d'un déchirement obscur, minée de fausses notes, comme l'accroche racoleuse des panonceaux publicitaires muets (from Toscani) qui traversent l'arrière-plan.
De même que Bruno, son personnage, y affronte ses pairs, Garcia le comédien, bien loin ici de ses rôles bouffons, croise le fer avec les acteurs (Tukur, Gourmet) qui auraient pu tenir sa place. Duels."
" Une ambiance qui évoque certes Houellebecq mais aussi L'Emploi du temps de Laurent Cantet (même double vie du personnage central, même gla
" Une ambiance qui évoque certes Houellebecq mais aussi L'Emploi du temps de Laurent Cantet (même double vie du personnage central, même glaciation des rapports humains), mais avec l'humour (très noir) en plus, et surtout, le cynisme comme étendard."
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