" (...) Mais qu'est-ce qu'un film bien ? Jusque-là, Goupil (La Java des ombres, Maman) illustrait la question sans jamais se la poser. Il servait sa génération, armée perdue, qui - du suicide au terrorisme - vit basculer ses vues. Comme dans Mourir à 30 ans, l'ex-trotskiste brasse les archives, le reportage, la fiction, visite ses utopies, embaume ses illusions. Quelquefois, l'image se raye : " J'ai pris le parti de l'écorcher. Ras le bol du ciné cliniquement purifié ! ".
" Est-ce que notre histoire était bien ? " demande-t-il. En tout cas, elle semblait drôle, intense, fébrile. Assistant de JLG sur Sauve qui peut (la vie), Goupil bricole du Godard malicieux : " Si j'avais une ambition, ce serait sans doute la sienne : ne jamais cesser de chercher. " Françoise Prenant, monteuse (et comédienne dans Une femme en Afrique, de Raymond Depardon), incarne L. ; Goupil, lui, se charge de lui-même. "Déjà que je lance aux gens : "Je vous emmerde !" La moindre des choses, c'est qu'ils puissent me répondre : "Nous aussi, mon vieux." " Car, en racontant son histoire, une histoire d'amour, Goupil se heurte à l'Histoire, qui rend lâche et sourd.
Il dérive dans un hôpital de Moscou, où le communisme n'a plus de lit. Hante un Berlin démuré. Ecoute la leçon de cinéma d'un Palestinien de Gaza : " Avant d'enregistrer ta première image, prends la mesure de ce qui se passe. " Il marque un temps et souffle : " Peut-être qu'il faudrait filmer le moins longtemps possible. " (...)
Il gagne Sarajevo, "où l'on ignore son sort. Où l'étreinte et l'engueulade se vivent plus fort ". Ici, la seconde vaut la seconde. " Un soir, Alenka Mandic, la L. de Sarajevo [L., l'éternelle, change à chaque pays], a brisé son miroir. Machinalement, je lui ai promis sept ans de malheur. Elle a souri : "Quelle merveille ! Tu dis que, dans sept ans, je serai toujours en vie..." ". (...) "
S. G.