Romain Goupil fait le point
VIDEO | 2015, 20' | De sa naissance, Cité Montmartre, aux Jours venus, Romain Goupil revient à soixante ans passés1
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Thomas, soixante-huitard déçu, décide de reprendre le combat pour l'amour et la vie. Le problème c'est qu'il croise plutôt ses amis au cimetière qu'au café...
Thomas, 47 ans, est un soixante-huitard déçu. Marié à la douce Hermeline, il s'occupe d'édition sans trop de conviction. Lorsqu'il décide de se battre pour l'amour et la vie, il s'aperçoit qu'il voit davantage ses amis au cimetière qu'au café. Difficile alors de ne pas céder à la mélancolie. Heureusement, il y a les vieilles copines, les enfants et... Hermeline qui aimerait le voir plus souvent.
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Tout commence par un enterrement, Sous la pluie. Triste, très triste. Dans l’assistance on reconnaît des têtes, Cohn-Bendit, Glucksmann, Pl
Tout commence par un enterrement, Sous la pluie. Triste, très triste. Dans l’assistance on reconnaît des têtes, Cohn-Bendit, Glucksmann, Plenel. Sur le cercueil une couronne, et une banderole : « Révolution ». On s’embrasse, et Thomas lève le poing : « A mort la mort ! ». Thomas, c’est Romain Goupil, connu pour quatre films déjà (le premier « Mourir à trente ans », a obtenu à Cannes la caméra d’or, en 1982) et son engagement de militant. Ici auteur-interprète, il a à l’évidence voulu, cette fois, parler directement de lui, de ses amis les anciens combattants, de ses amours, de ses regrets, de ses peurs. Parce qu’il va bientôt avoir cinquante ans, que les illusions de mai 68, c’est loin, et que l'on meurt beaucoup autour de lui, du sida, de la drogue, d’accident. Comment lui en vouloir ? Mais comment, aussi, ne pas trouver son film très narcissique ?
Après l’enterrement, la dérision ; Thomas retrouve ses copains dans une réunion des «militants anonymes». Comme les alcooliques, ils essaient de se désintoxiquer, chacun avouant avec beaucoup de honte ses rechutes, sa participation, encore et malgré tout, à une petite manif, genre « Des sous pour la sécu ! »... C’est potache, et drôle. Au moins, Thomas ne se prend pas trop au sérieux. Et puis il y a les femmes. La légitime, (l’adorable Marianne Denicourt) avec ses enfants délicieusement bohèmes, et toutes les autres, les anciennes copines, les collaboratrices de la maison d’édition où Thomas, quand il a le temps, vient travailler. Elles se connaissent toutes, elles sont toutes amies, et ce sont des amies qui les incarnent, Brigitte Rouan, Anne Alvaro, Christine Murillo.
« L’amour, le risque, le désir », un brin de fantasmes, sous le signe, encore, de la mort, et le rire, pour oublier les horreurs de la vie qu’on n’a pas pu, pas su changer. Et l’amitié, et la fraternité, pour survivre à la mort... Ce film d’adolescent qui sait qu’il n’en est plus un est, à la fois, drôle, nostalgique, poignant et irritant. Selon son humeur et, sans doute, son histoire personnelle, chacun choisira...
Romain, chiffre V : A mort la mort !, le cinquième film de Romain Goupil, 48 ans, ex-trotskiste, ex-assistant de Godard et ex de nombreuses
Romain, chiffre V : A mort la mort !, le cinquième film de Romain Goupil, 48 ans, ex-trotskiste, ex-assistant de Godard et ex de nombreuses camarades de lutte, ausculte, entre romantisme et dérision, une génération... qui manifeste d’abord au pied des tombes. Car si, en mai 68, les institutions étaient mortelles, désormais, les copains le sont aussi. « Fils des Trente Glorieuses, artisans des mutations de la société, protégés du chômage et du sida, nous nous croyions éternels », lâche le cinéaste. Les ravages de la came et du terrorisme font chavirer ses convictions. 1996 et six décès d’affilée les coulent. Goupil voit des parents enterrer leurs enfants. La boue des cimetières tacher son pantalon. Le temps lui manquer pour en changer. Le fou rire le prend.
Et le sauve. Travail de deuil désopilant, A mort la mort ! invente, sur le modèle des réunions des Alcooliques anonymes, la confession de militants repentis : « Ce matin encore, j’ai failli faire un discours. » 11 réfléchit aux modes d’action - délation (appel aux flics) ou répression (bon coup de grole) ? - contre Fenec, dinosaure timbré qui harcèle les filles de la bande et érafle les murs de slogans menaçants. Plante son décor dans une maison d’édition gauchiste à bout de souffle. Moque les postures et les impostures de Thomas (Romain Goupil), qui vit avec Hermeline (Marianne Denicourt), mais couche également avec ses « vieilles » maîtresses.Thomas, charmeur, exaspérant, soucieux d’aimer à égalité. Incurablement fidèle dans son infidélité et double de Goupil. « J’ai endossé le rôle parce que je n’aurais jamais supporté d’entendre un comédien qui ne l’avait pas vécu blasphémer sur “Mai 68, date d’ouverture du premier McDo” », avoue le réalisateur.
Ces enterrements - où tous pleurent et s’étreignent -hantent l’œuvre de Romain Goupil. Morts choisies (Mourir à 30 ans), décidées (La Java des ombres), inéluctables et doublées de l’inacceptable agonie de Sarajevo (Lettre pour L...). Pendant deux ans, le cinéaste a fait, par le biais de sa caméra, le télégraphiste entre les Sarajéviens exilés et leur famille.
« Et puis, en 1994, sous les bombardements, raconte-t-il, je me suis mis à filmer des moineaux. Ils volaient de branche en branche et symbolisaient la résistance. Je tente, depuis, d’expliquer pourquoi je me bats. » A mort la mort ! - qui, « par égard pour le public », s’amuse Goupil, clôt un triptyque commencé avec Mourir à 30 ans - jaillit en réaction à la flopée de films sociaux « tournés dans le Nord ». Suivez son regard. Et passe le témoin de la révolte à la génération suivante.
« Nous étions les héritiers de 1789, estime Goupil. Ils sont ceux de 1989 et de la chute du mur de Berlin. Nous nous exonérions de tout grâce à une vulgate marxiste confortable. De l’Europe au Tribunal pénal international, il leur reste du pain sur la planche. »Au terme d’A mort la mort !, le réalisateur réactive ses réseaux militants pour les mettre au service du plaisir. Car son « autofiction » défend la vie, le désir de rester ensemble et l’impérieuse nécessité de ne pas se renier. « Fenec, comme beaucoup, accuse les soixante-huitards de s’être compromis, martèle le réalisateur. En quoi Weber, Cohn-Bendit, Bensaïd, Glucksmann ou Plenel [qui tous, ici, jouent leur propre rôle] ont-ils trahi ? Ils persistent à changer le monde hors de la violence révolutionnaire. »
Romain Goupil, lui, filme les réfugiés kosovars en Albanie, puis renonce à une fiction finalement « indécente ». Il torpille la politique de Lionel Jospin sur les sans-papiers. Thomas jusqu’au bout des poings et agitateur-né.
A mort la mort !, sorte de troisième opus du triptyque Mourir à 30 ans et Lettre pour L…, est un cri de conjuration lancé du haut d’une tom
A mort la mort !, sorte de troisième opus du triptyque Mourir à 30 ans et Lettre pour L…, est un cri de conjuration lancé du haut d’une tombe par le réalisateur entouré de ses amitiés fidèles Cohn-Bendit, Edwy Plenel, Glucksmann… , un cri dérisoire et tonifiant.
Marié et auteur d’une flopée d’enfants, Thomas - alias Romain Goupil - campe un érotomane irrésistible, qui ne cesse de se déshabiller, de montrer son sexe à tout-va, de coucher avec ses anciennes maîtresses-camarades de lutte, d’en séduire de plus jeunes, dans une décontraction totale et un plaisir intact. Autour de lui, c’est l’hécatombe. Ses amis se suicident, meurent du sida, de la dope ou de crise cardiaque, les cimetières résonnant du ramage de Brigitte Fontaine sont devenus les derniers points de rencontre, ayant remplacé les réunions de cellule. Le film commence d’ailleurs dans une salle réunissant d’anciens militants qui, tels des Alcooliques Anonymes, tentent de se désintoxiquer de leur dépendance politique passée en refusant toute manifestation et appartenance à un groupe.
On meurt donc beaucoup dans l’entourage proche de Thomas, un vrai carnage, mais on y baise tout autant, avec tendresse et voracité. Les amours passées n’ont jamais quitté le présent de Thomas qui, comme Goupil, ne sait pas “désaimer les femmes qu’il a aimées”. Le film, qui pourrait être un pensum nostalgico-mortifère, est tout le contraire grâce à la personnalité de Goupil, à son charme de baratineur dionysiaque et à une voix de basse très érotique, grâce au recul salvateur vis-à-vis de lui-même qui lui permet de tailler le “commémoratif” en pièces à coups d’ironie ludique, de sarcasmes, d’humour noir décapant.
Devant la fatalité et l’absurdité de nos vies de mortels, pas question de pleurnicher ni de s’appesantir sur le passé, il faut vivre, sans états d’âme. Le mot d’ordre est désir et instantanéité de la satisfaction des corps. Sa “régulière”, Ermeline (Marianne Denicourt, parfaite de naturel et de sensualité dans ses jeans à la Birkin), est d’une compréhension et d’une complicité à toute épreuve sans être dupe, et on se doute qu’elle jouit des mêmes escapades de son côté. La fidélité en amour passe par un facteur multiple et l’unique n’est pas de mise ici.
Goupil filme avec une grande liberté, une magie opère tout du long. Multipliant les digressions narratives, pratiquant l’autodérision à tour de bras, il fendille l’unité du groupe par Fenec, personnage égaré et disjoncté, qui souffre d’une fixation névrotique, suit, épie et menace ses amis par messages téléphoniques interposés ou en collant sur les façades des slogans de 68 sur Post-it.
Entre le bureau de sa maison d’édition plongé dans la pénombre telle une caverne et l’appartement lumineux traversé d’enfants, Thomas saute de tombe en lit, sans reniement. La scène finale (dont les plans dans la cour d’immeuble renvoient aux premiers plans de Mourir à 30 ans), dans laquelle Thomas joue au mariage avec sa femme sous les acclamations d’une foule d’amis perchés aux balcons et sous les accords de l’accordéon d’Higelin, clôt le film en beauté.
A mort la mort ! est un magnifique hymne à la jouissance.
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