" Ayant tourné à Nantes, cité marquée une fois pour toutes du sceau de Jacques Demy, Pascal Thomas en cinéphile délicat a bien entendu évité la citation et le passage Pommeray. Ce qui ne l’empêche pas de réaliser un film enchanté où à plusieurs reprises le dialogue frôle le duo, et le mouvement, la chorégraphie. De même pour l’intrigue, comédie effrénée et surpeuplée qui n’oublie jamais un arrière- monde de profonde mélancolie. Comme la Loire « qui nest jamais là où on l'attend ».
Monde parallèle. Le mercredi étant le jour des enfants, la folle journée de Pascal Thomas est d’abord la leur. Vingt-quatre heures dans la vie de quelques zozos de plus ou moins dix ans que l’oisiveté scolaire incite à quelques facéties plaisantes (kidnapping, fugue, glande) et à une corvée fondamentale s’occuper des parents (...)
Pascal Thomas se penche sur l’enfance mais n’y tombe jamais, évitant ainsi quelques désastres consubstantiels aux films « à enfants »: le pittoresque publicitaire, le gâtisme régressif ou le cirque des singes savants.
Pour lui, l’enfance est bel et bien un monde parallèle dont il se garde de percer les mystères bien qu’il adore en suçoter les boules de gomme. Pour preuve, une des plus belles échappées du film: la virée de quatre gamins à bord d’une péniche à vapeur, sorte d’Atalante des enfants où soudain, tout de grâce, c’est le monde qui frémit et ses utopies encourageantes: « Tu sais ce qui serait bien plus tard? Ce serait de vivre ensemble sur un bateau. »
C’est plutôt du côté des grands (en taille) que l’on retrouve la patte griffue de Thomas: drôle de zèbre, ouistiti amusant, Babar balourd, perruche hallucinée, folle vache. Quand Thomas épingle, ça pique (cf. le Chaud Lapin ou la Dilettante).
Impromptus. Mais cet exercice de zoologie amusante est heureusement plus compliqué qu’il n’y paraît. S’il a le don de retourner le gant des clichés (un commissaire de police plus gardien d’enfants que gardien de la paix), il sait surtout transformer ces inversions en impromptus cinématographiques: le plus souvent pour le plaisir d’en rire (...)
Mais Pascal Thomas, tendre rêveur, a cependant les pieds sur terre. Et voilà que nous cueille, surprise an goissante, une gamine qui, littéralement tragique, assiste à la mort de sa mère.
Au bonheur du film, les acteurs sont au paradis: Vincent Lindon, papa cool exténuant de justesse, Olivier Gourmet, flic débordé idoine, ou Isabelle Carré, femme en perdition qui effectivement « a le visage aussi changeant que le ciel de Nantes ».
Et les autres, les maris, les femmes, les amants et les enfants qu’il est impossible de tous citer mais qu’il convient de tous embrasser avec une petite prime d’affection pour Armelle, cleptomane « révolutionnaire » de premier ordre. Sans se délier, Mercredi folle journée se termine sur un point d’exclamation: une jeune femme qui soigne une crise d’hypoglycémie la tête en bas, les pieds en l’air, sur le capot d’une Fiat 500 aussi rouge qu’improbable. « Je suis bien, là! »y dit-elle. Et nous donc! "
Gérard Lefort, 28/03/2001