" Noir et blanc crayeux. Du 16 mm, avec du grain. On connaît bien ce type d'images, on a baigné dedans à la fin des années 1980, durant la vogue du cinéma indépendant new-yorkais. Mais si Alex Ross Perry, un nouveau venu (c'est son deuxième long métrage), trace sa route dans le sillage de Jim Jarmusch, il s'en distingue par une logorrhée jubilatoire : entre Woody Allen pour la psychanalyse et Jerry Lewis pour la férocité...
La pipelette, c'est J.R. Une chipie narcissique (Carlen Altman, une brune au charme très seventies), qui rêve de gloire — comédienne ou Miss Météo : elle n'a pas choisi —, mais qui, pour l'instant, a surtout le profil de la parfaite « loseuse ». Son copain, prof de fac, l'a larguée et elle vient chercher son jeune frère, pour l'aider. Colin est à peine plus sympathique que sa frangine, vu son apathie teintée de misanthropie... Tous deux prennent donc leur voiture et quittent New York. Ils ont l'air d'un couple. Presque d'un vieux couple qui s'agace mutuellement. C'est surtout elle qui cherche des poux à son frère, lequel réagit, mais mollement, ayant rarement le dernier mot. Le temps du voyage, ils s'interrogent sur leurs parents, partagent quelques souvenirs d'enfance. Une complicité tendre perce, parfois... Curieusement, c'est leur confrontation au monde extérieur qui les rapproche. Car, en chemin, ils croisent des énergumènes encore plus mesquins qu'eux : ce tenancier de motel qui n'accepte que les couples mariés et leur demande, pour vérifier qu'ils sont bien ensemble, de s'embrasser. Ou ces anciens camarades d'école auprès desquels Colin subit une série de brimades...
Le frère et la soeur vont évoluer, mais constamment de façon inattendue. Alex Ross Perry, qui est à tous les postes (acteur, réalisateur, monteur, producteur et scénariste), réussit un film insolite. Dérangeant. Et insolent. Avec un dénouement surprenant — et néanmoins logique — qui ajoute à la transgression."
Jacques Morice
