" (...) La mise en scène de Menzel s'efface constamment, ne cesse de faire semblant de s’intéresser à l'extérieur des personnages, attentive et lointaine quant à leurs gestes, tous empreints de la banalité quotidienne (et Un été capricieux pourrait n’être qu’une variation de plus sur des hommes un peu mûrs retrouvant leur — bien jolie — libido), s'intéressant à leur comportement qu'il examine jusque dans ses conséquences les plus absurdes pour nous faire sentir, par ce biais, la réalité de ces êtres laconiques, presque schématiques, dont il ne nous donne à voir que les apparences.
Apparences trompeuses, évidemment, qu’un geste en trop fait s'effondrer, où les rapports entre les personnages prennent brusquement un tout autre aspect, où ce que nous croyions établi une fois pour toutes, se retourne contre nous, sans crier gare, avant de retrouver, le plan d’après, la trop parfaite sérénité du quotidien, comme si les masques tombaient, pendant quelques secondes, et que l'on ait juste le temps de deviner la vérité des visages qu'ils recouvrent avant de les voir à nouveau disparaître. De là naît, quant à la réalité, un principe d'incertitude qui, sans être à proprement parler inquiétant justifie pleinement la bizarrerie de cet, été. De là naîtra aussi un humour non moins particulier, noir sans doute, mais cruel bien davantage, et parfois jusqu'au malaise comme la séquence où l'homme de Dieu dont l’oreille, à la suite d’une violente morsure, a été à moitié arrachée confie aux bons soins du maître nageur, afin que la chose ne puisse s'ébruiter, la tâche de recoudre, avec un hameçon, cet organe sanguinolent.
Malaise aussi, ces hommes tombant les uns après les autres dans les bras de cette fille qu’ils ne posséderont sans doute jamais et dont la trop grande disponibilité ne laisse pas d’inquiéter. Inquiétude que ne dissipe même pas le départ du funambule et de sa compagne et qui laisse le spectateur, tant, au bout du compte, ce film se révèle énigmatique quant à ses personnages et à leur devenir, perplexe, devant une histoire qui pourrait être signée Passer, pour ce qui est de ses apparences mais qui renvoie à un niveau cruellement désenchanté, dans la douceur de ses paysages. "
Tristan Renaud, 30/04/1969