André Sacla : " Kant, c'est la personne qui habite en face"
Le scénariste explique, aux côtés du réalisateur Philippe Collin, comment s'élabore une pensée philosophique à tra1
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A Koenigsberg, les jours du philosophe suivent un rituel minutieux. Mais avec l'âge les forces abandonnent Kant, le quotidien est menacé et le temps s'affole.
A Koenigsberg en Prusse, en 1804, le célèbre Emmanuel Kant a construit sa vie selon un minutieux emploi du temps. Jamais il ne voyage et chaque jour il fait comme tous les jours ! Mais voilà... les forces abandonnent le vieil homme, le quotidien est menacé et le temps s'affole contre ce qui le mesurait. D'après Thomas de Quincey, une évocation rigoureuse, sous-tendue par un esprit burlesque, qui offre le portrait surprenant d'un homme en un film devenu précis métronomique de décomposition active.
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" Dans sa Vie des philosophes, Diogène Laerce avait mis au point une méthode qui, bien loin de trancher entre la vie et l'oeuvre, considérai
" Dans sa Vie des philosophes, Diogène Laerce avait mis au point une méthode qui, bien loin de trancher entre la vie et l'oeuvre, considérait au contraire que quelques anecdotes de la vie valaient bien certains aphorismes de la pensée. Exemple: le suicide d'Empédocle (philosophe des profondeurs) dans l'Etna (abîme sicilien et volcanique). A son échelle cinématographique, la même idée anime Philippe Colin pour son exploration des Derniers jours d'Emmanuel Kant inspiré d'un court texte de Thomas de Quincey (réédité ces temps-ci aux éditions Ombres).
Soit donc quelques jours de cette année 1804 où l'inventeur de l'impératif catégorique et autre dialectique transcendantale leva le pieds pour rejoindre le ciel des idées pures. A l'instar du texte de De Quincey, Philippe Colin rapporte des petites obsessions du géant de Königsberg: fameuses comme sa manie des horloges et ses promenades à heure fixe, ou moins connues comme cette sorte de sac à fermeture pré-Eclair qui lui servait de couchage. Comme la fin de Kant est proche, ces disciplines d'acier battent de l'aile: évanouissements, absences, retards, etc. Mais Philippe Colin n'alimente pas pour autant l'hypothèse rance d'une synonymie entre philosophie finissante et gâtisme montant.
Son portrait en noir et blanc instile au contraire que la déraison, le dérèglement, voir la folie, n'étaient pas des parasites extrinsèques à la pensée du philosophe et destinés à lui nuire, mais au contraire des puissances entraînantes et positives de sa pensée même. C'est tout de même Kant qui, dans La Critique de la raison pure, écrivit: «il faut se méfier des rationalistes, ce sont les pires nomades». Effectivement, cf notre Descartes, un type qui se met à douter de tout, y compris de sa propre existence, ça laisse rêveur.
De vignettes en tableaux vivants (on songe aux épures des Straub-Huillet) qui s'estompent les unes les autres comme sur une ardoise magique, Philippe Colin se fait de la philosophie une idée vivace et vivante, une idée drôle par dessus le marché comme l'est par exemple la saynète où, trop penché sur son oeuvre et surtout sur une bougie, Buster Kant étouffe un début d'incendie dans son turban comme on chasse un insecte énervant. Cette puissance burlesque doit beaucoup à la modestie du filmage et surtout à la grande sobriété de David Warrilow qui incarne Kant.
Osons espérer que les profs de philo de terminale auront la bonne idée d'inciter leurs apprentis à voir le film de Philippe Colin. Histoire de leur suggérer que la philosophie n'est pas seulement une question d'école."
" ... Des vignette non en noir et blanc, mais en gris sur gris. très délicat et nuancé, pour capter par fragments le comportement d’un corps
" ... Des vignette non en noir et blanc, mais en gris sur gris. très délicat et nuancé, pour capter par fragments le comportement d’un corps et d’un esprit face à la mort qui vient. Un sens évident de l’élégance allié à un humour fin et caustique détaillent les manies, les élans, les moments d’attente, la quête de reconnaissance, la faim toujours inassouvie de sensations, et le recul face au monde qui va poursuivre sa marche.
Les intérieurs, les paysages, les silhouettes, les rituels sont baignés d’une aura qui se transmet d’une scène a l'autre, dans le double mouvement selon lequel se compose le film : à la fois une extension dans l' espace, où chaque élément a la même valeur qu’un autre et une progression dans le temps, qui avance vers un terme inexorable, lui même montré de la plus délicate maniere. Cette attention au moindre détail magnifié par un regard anoblissant, sans aucune rhétorique, évoque par moment les films de Robert Bresson. Mais un Bresson auquel manquerait l’enjeu central, qui ne serait pas ici la grâce mais la présence d’une intelligence supérieure, celle de l’auteur de Critique de la raison pure. "
" A travers cette suite de tableaux, Collin saisit la mise en scène scientifique d'un homme qui organise chaque geste et chaque attitude du
" A travers cette suite de tableaux, Collin saisit la mise en scène scientifique d'un homme qui organise chaque geste et chaque attitude du quotidien. Plutôt que de le montrer en train de réfléchir (ce qu’aurait fait n’importe quel tâcheron), il saisit simplement des mouvements et des durées qui portent en eux un travail de la pensée.
Cette rigueur coexiste aussi avec un soupçon d' esprit burlesque, comme dans un film straubien qui serait contaminé souterrainement par Tati. C'est surtout vrai dans la seconde moitié où le système kantien montre des signes de dérèglement. Le pilosophe, chute, mange voracement un bout de pain, se peinturlure le visage : autant d’accrocs minimes, difficiles à interpréter - est-il fou ? joue-t-il au fou ? Collin disperse des grains de sable pour enrayer la mécanique, sans pour autant miser sur une dramatisation. Son film se transforme progressivement en précis de décomposition active : il disjoncte de l’intérieur, discrètement mais sûrement. En perdant le contrôle de lui-même, Kant se libère alors d'un poids.
La mise en scène est à l’unisson de cet allègement : vers la fin, le film donne l'étrange impression de défiler de lui-même, sans autre maître à bord que le temps."
" La première apparition du philosophe dans le film est en fait celle d'une ombre portée ; la dernière est une silhouette dans le paysage, s
" La première apparition du philosophe dans le film est en fait celle d'une ombre portée ; la dernière est une silhouette dans le paysage, s’immobilisant en trompe-l'oeil comme une statue sur un piédestal. Deux représentations, deux formes. Deux idées, sans doute, qui sont à la fois celles que l’on peut se faire de lui, ici reprises un peu ironiquement, et celle du monde ordonné qu’il se fabrique lui-même, et dont il est l’une des figures. C’est la gageure de cette expérience cinématographique, admirablement ambitieuse, que de nous faire partager le monde intérieur d’un homme à travers l’extériorité de ses faits et gestes, sans recul ni intrigue, hors de tout psychologisme de convention, évidemment. On conviendra que le projet n’est pas commun ; il vaut que l’on se donne la peine d’y participer."
Vincent Amiel" Ce film sans concessions, constitué par une succession de notations en apparence insignifiantes, est une performance dans son parti-pris d
" Ce film sans concessions, constitué par une succession de notations en apparence insignifiantes, est une performance dans son parti-pris de refuser le pittoresque du décor d'époque et les facilités des citations (...) La rigueur des cadrages, qui met en évidence le dépouillement et l'austérité d'un mode de vie, la brièveté des dialogues qui fusent comme des maximes, la profondeur et le modelé que confère le noir et blanc en restituant une ambiance de gravure d'époque, réussissent le pari de prendre en charge ce que peut l'image quand elle s'aventure dans la philosophie."
Guy Gauthier"Filmant en noir et blanc, restituant magistralement le temps découpé et les gestes mille fois répétés de l'obsessionnel, avec une étonnant
"Filmant en noir et blanc, restituant magistralement le temps découpé et les gestes mille fois répétés de l'obsessionnel, avec une étonnante interprétation de David Warrilow, Philippe Collin nous communique la même émotion mais aussi la même tendresse que celle de De Quincey face au destin mortel de l'homme qui lui trace ses limites, fût-il le plus « élevé des penseurs ». Superbe."
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