Miguel Gomes, conteur moderne du Portugal
VIDEO | 2015, 16' | Dans un aller-retour permanent entre fiction et documentaire, pris entre l'envie de raconter d1
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Fiction/documentaire où Schéhérazade raconte les inquiétudes qui s'abattent sur le Portugal...
Fiction/documentaire où Schéhérazade raconte les inquiétudes qui s'abattent sur le pays : "Ô Roi bienheureux, on raconte que dans un triste pays où l'on rêve de baleines et de sirènes, le chômage se répand. La forêt brûle la nuit malgré la pluie et hommes et femmes trépignent d’impatience de se jeter à l'eau en plein hiver. Dans ce pays où les choses ne sont pas ce qu'elles semblent être, les hommes de pouvoir se promènent à dos de chameau et cachent une érection permanente et honteuse ; ils attendent qu’arrive enfin le moment de la collecte des impôts pour pouvoir payer un sorcier qui…" Et le jour venant à paraître, Shéhérazade se tait. Table des matières : Les Travaux du Réalisateur, des Constructeurs navals et de l’Exterminateur de guêpes / L’Île des Jeunes Vierges de Bagdad / Les Hommes qui bandent / L’Histoire du coq et du feu / Le Bain des Magnifiques (Récit du Premier Magnifique – Récit des Deuxièmes Magnifiques – Récit du Troisième Magnifique)
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" L’inquiet raconte l’histoire d’un cinéaste (Miguel Gomes en personne) qui a décidé d’ab
" L’inquiet raconte l’histoire d’un cinéaste (Miguel Gomes en personne) qui a décidé d’aborder deux sujets en même temps – la lutte pour leurs emplois des ouvriers du chantier naval de Viana do Castelo et la disparition des abeilles, victimes des guêpes – et qui se rend soudain compte que c’était une très mauvaise idée parce qu’il ne va pas y arriver. Il s’enfuit aussitôt du tournage (scène très drôle), dans un geste à la Moretti. Son assistante, Shéhérazade (personnage de fiction), prend sa suite…
C’est sur ce début à la Huit et demi, sur cet échec initial du cinéaste (du cinéma ?) à rendre compte de la réalité, que Gomes va tisser le récit de son film et c’est très important : puisque les choses sont impossibles à mettre en scène, montrons-les. Ce film ne sera pas le film d’un réalisateur, mais le simple enregistrement du réel – c’est évidemment un mensonge romanesque, une licence poétique. Ce faux recul en arrière de l’artiste, assez pasolinien (La Ricotta), fait tout le sel, le génie de L’Inquiet. Désormais, puisque tout est perdu, tout devient possible.
Les Mille et Une Nuits, ce film qui ne verra jamais le jour (“l’impossibilité d’un film”), sera forcément le film le plus libre qui soit. Constituées de petits chapitres tragi-comiques indépendants comme son homonyme littéraire, Les Mille et Une Nuits de Gomes vont prendre le tour d’un récit picaresque (avec ce ton souvent sarcastique qui le caractérise), où les animaux parlent, une “forêt brûle la nuit malgré la pluie”, les hommes ne bandent plus ou trop, une baleine explose et libère une sirène, un marabout africain vient brouiller les négociations entre les grands dirigeants européens et le gouvernement portugais, un garçon est écartelé entre deux filles : une pompière et une pyromane, etc. (...)
Ce cinéma-là est évidemment politique et poétique, mais d’une manière différente de celle du cinéma (par ailleurs magnifique) d’un Sylvain George, totalement documentaire, où la poésie naît directement du discours et du filmage. Les registres ici changent (sous-titres, voix off, incrustations, scènes muettes, retour dans le passé, etc.) mais sans se confondre. C’est de cette hétérogénéité formelle que naissent le charme et la beauté du film. D’une variété nécessaire pour rendre compte de l’époque, de la société portugaise, du monde, ici et maintenant. Avec une scène finale aussi émouvante que galvanisante – sans doute parce que ce geste collectif est synonyme de solidarité, de fraternité et de joie : des ouvriers en grève qui, le 31 décembre, vont tous ensemble se jeter dans l’océan en riant."
" Qui est donc cet inquiet que le titre singularise ? Le peuple portugais sans doute – c’est le sujet même du f
" Qui est donc cet inquiet que le titre singularise ? Le peuple portugais sans doute – c’est le sujet même du film, sujet au sens de qui parle – mais aussi, peut-être, plus spécifiquement Miguel Gomes lui-même qui se met ici en scène, abattu et angoissé, en préambule d’une inquiétante préface. L’état catastrophique du Portugal, soumis aux injonctions économiques européennes, le plonge dans un abîme de perplexité quant à sa responsabilité de cinéaste : comment continuer à réaliser des films alors que la pauvreté gangrène chaque jour de plus en plus son pays ? Première impuissance, artistique mais aussi politique. (...)
La forme du film est ainsi constamment en mutation, avec une caméra qui peut à la fois embrasser une foule entière comme se concentrer sur un unique visage. Gomes utilise aussi mille inventions, tout aussi musicales que graphiques. Ainsi de la séquence du triangle amoureux ravagé par les flammes de la jalousie – séquence par ailleurs magnifique où des enfants jouent à s’aimer comme des adultes et dans laquelle Gomes manie avec une rare singularité l’inscription sur l’écran des textos échangés entre les jeunes adolescents. En réenchantant alors la campagne portugaise, L’Inquiet ne choisit jamais la voie simple du documentaire ou de la fiction purs et durs : Gomes préfère travailler le réel et l’imaginaire en les faisant se rencontrer dans leur impureté intrinsèque. Ce qui n’est pas sans créer des étincelles, une alchimie mystérieuse. Un feu d’artifice."
"Un film politique n’est pas forcément une « gifle » ultra-réaliste ou une dissertation « n&eacut
"Un film politique n’est pas forcément une « gifle » ultra-réaliste ou une dissertation « nécessaire » sur un sujet d’actualité. Miguel Gomes le sait bien, qui fuit à toutes jambes ce brouhaha trop naturaliste à son goût, ou au contraire trop théorique (« l’abstraction me donne le vertige », dira-t-il lui-même dans une mise en abîme pleine d’auto-dérision), pour se réfugier dans le romanesque le plus baroque. Mais sans se boucher les oreilles pour autant : le réalisateur de Tabou a beau épouser ici la structure gigogne du célèbre conte oriental dans un rutilant écrin coloré (nuée de néons captées par le chef op’ de Apichatpong Weerasethakul), sa Shéhérazade n’affabule pas complètement. Au contraire, elle butine généreusement l’époque, le micro et le macro s’embrassent à l’écran tout comme la fiction et le documentaire, passant de faits divers cocasses relevés dans la petite ville de Resende (un coq jugé trop matinal au cœur d’un procès, les « flammes de jalousie » d’une amoureuse pyromane) à la crise économique en Europe (bouleversants témoignages de chômeurs, hilarante parabole sur l’austérité avec le Viagra comme possible « plan de redressement »). Parfois, le son se dérègle ou ne correspond plus à l’image. On voit par exemple un chantier naval menacé tandis que la voix-off s’alarme d’une invasion de guêpes, et inversement. Pourtant, pas de cacophonie : le cinéaste portugais est passé maître dans l’art de la correspondance baudelairienne. Ses associations d’idées poétiques et politiques font de ses inquiétudes un spectacle flamboyant."
Eric Vernay" Il y aurait une théorie à tirer, un jour, de la mystérieuse prodigalité de l’art cinématogr
" Il y aurait une théorie à tirer, un jour, de la mystérieuse prodigalité de l’art cinématographique portugais. De ce cinéma de stylistes solitaires, en constante tension critique avec l’idée nationale, et qui se passent de génération en génération le flambeau de la liberté, de l’insolence, de la beauté. Manoel de Oliveira, Joao César Monteiro, Pedro Costa, pour ne citer qu’eux, ont ainsi couvert le XXe siècle.
Apparu au XXIe, le dernier-né du miracle lusitanien – un ex-critique de cinéma de 43 ans aux manières dolentes et à l’air goguenard – se nomme Miguel Gomes. En l’espace de trois films (La Gueule que tu mérites, 2004 ; Ce cher mois d’août, 2008 ; Tabou, 2012), il nous incitait déjà à nous demander s’il n’avait pas rejoint ses prédécesseurs sur le plan de la folie invétérée, de l’invention des formes et du dandysme interstellaire. Suspendue, la question a été tranchée lors du récent Festival de Cannes, où le nouveau film de Gomes, capté par la Quinzaine des réalisateurs, a électrisé bon nombre de spectateurs. La chose – monstrueuse eu égard à l’état d’esprit d’une profession qui ne supporte à peu près plus rien qui puisse lui faire perdre un spectateur – est un triptyque de trois longs-métrages dédié au Portugal tel que la crise économique vient de le ravager. Rien d’une sinécure en termes de vente et d’exploitation. Quant à son identification, il faudra également se lever de bonne heure. Pas à proprement parler un documentaire. Pas à proprement parler une fiction....(...) L’Inquiet pose les bases d’un triptyque où le documentaire et la fable sont constamment mis en tension."
Il était une fois un cinéaste, l’un des plus courus de la cinéphilie du moment, qui attisait la curiosité
Il était une fois un cinéaste, l’un des plus courus de la cinéphilie du moment, qui attisait la curiosité. Spécialiste des projets ovnis, il cherchait quoi faire pour son nouveau projet, suite à l’enthousiasme qui avait accueilli son dernier film, Tabou. Son pays, à l’extrême ouest du continent, était en proie à la crise mondiale, doublée d’une crise européenne, triplée d’une gestion politique nationale écrasante. Il décida d’en faire un long-métrage. L’aventure et le tournage avançant, il sut que d’un seul film, il en tirerait trois. Car les idées se bousculaient dans sa tête. Les envies débarquaient à foison. Les rencontres avec ses compatriotes l’inspiraient. Résultat : Les Mille et Une Nuits, trois films, six heures.
Sur la lancée du premier tome (L’Inquiet), le second, Le Désolé, continue d’explorer la réalité contemporaine et concrète du Portugal. Les rapports de force dans la cité, entre les classes, les origines, les personnes, sont au cœur du débat, notamment dans une séquence impressionnante de tribunal populaire. Où une juge (géniale Luisa Cruz) en vient aux larmes face à la foule d’un amphithéâtre en plein air. On y croise aussi un tueur en fuite, et les habitants d’un immeuble banlieusard et fantomatique, où a disparu un chien. Le burlesque se mêle au réaliste, l’allégorique à l’inquiétant. Le mélange des genres intrigue, bouscule, détonne. Gomes filme son pays comme un immense terrain de jeu, où la loi et les hors-la-loi coexistent pour leur survie.
Dans L’Enchanté, Schéhérazade (magnétique Crista Alfaiate), narratrice de la trilogie, mène physiquement l’aventure. Elle fait de la grande roue, où elle papote avec le roi, et croise un bellâtre blond, au look de surfeur mythologique, connu pour ses performances reproductrices (excellent Carloto Cotta).
La poésie luxuriante et délirante reprend le dessus dans cette troisième partie, où Marseille sert de décor vivant aux légendes. Avec anachronisme parfois dans les arrière-plans, le cinéaste enchante et amuse. Et surprend lorsqu’il s’attache dans un long segment aux pinsons en cage et à leurs maîtres, qui se mesurent lors d’entraînements décapants et de concours de chants d’oiseaux. Gomes croit dur comme fer dans le cinéma.
À sa puissance esthétique, poétique, philosophique. Il sait aussi combien la construction fictionnelle reste le meilleur miroir du réel. Avec amour pour son pays, il témoigne, accompagne et rend justice à son peuple, à ses petits métiers, aux gens « d’en bas ». Bricoleur en quête de défis, il réussit, avec ces deux derniers volets clôturant son triptyque, un puzzle barré et pertinent, sans aucun souci de vraisemblance. Un trip auquel on adhère, dont on s’éloigne, auquel on revient. C’est de l’art qui bouge, qui zigzague, qui ose, qui interloque, qui embarque. C’est une proposition unique.
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