Ossama Mohammed : "1001 Syriens, elle et moi"
C'est, assurément, l'un des plus beaux films du festival de Cannes 2014. Et l'un des très grands films de l'année.1
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Beyrouth aujourd'hui. La guerre est finie mais la plaie, elle, est toujours bien ouverte...
" Beyrouth est une ville formidable. On se croirait au centre de tout. À Beyrouth, entre 1975 et 1990, il y avait une guerre civile, c'est-à-dire tout le monde voulait exterminer tout le monde. Aujourd'hui, la guerre est finie. Elle s'est arrêtée, comme ça, après avoir gangrené nos vies. J'ai voulu filmer le vide qu'elle a laissé. Sa présence fantomatique. Cette plaie..." Documentaire au croisement de l'intime et de l'Histoire, "Seule avec la guerre" a été salué par la critique et a reçu de nombreux prix à travers le monde dont le Prix Albert Londres audiovisuel en 2001 et Léopard d’argent vidéo au festival de Locarno.
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" ... la cinéaste en personne parcourt sa ville, Beyrouth, pour y poser, avec une insistance qui flirte souvent avec le danger
" ... la cinéaste en personne parcourt sa ville, Beyrouth, pour y poser, avec une insistance qui flirte souvent avec le danger jusqu'à l'inconscience, les questions qui fâchent.
Nous sommes en 2000. Une guerre a eu lieu ici, qui a duré quinze ans, de 1975 à 1989 mais aucun monument n'en atteste l'existence. Le mot Guerre est comme devenu tabou. Personne ne veut se souvenir de rien. Il ne s'est rien passé (ou presque). Une guerre civile n'est pas une guerre comme les autres: le bon ennemi, celui sur le dos duquel tout un pays va essuyer ses mauvais souvenirs, ses lâchetés, ses propres crimes, ce bon ennemi est introuvable.
Les guerres intestines ne produisent pas de mémoire, pas de travail de deuil, pas d'Histoire mais un silence. Collectif... Difficile d'oublier ce garçon croisé dans Seule avec la guerre, à qui Danielle Arbid demande où se trouve un bâtiment qui fut un des postes clé de la guerre civile. Au lieu de dire qu'il ne sait pas, qu'il ne connaît pas, il répond qu'il n'y était pas. Qu'il n'a rien fait. On demande une adresse, un sens, une direction, et on récolte des justifications embarrassées.
Le film est tout entier dirigé contre cette violence-là, violence sourde d'un non-dit qui valide l'irresponsabilité de tous.
Ce n'est peut-être pas une photo que brandit Danielle Arbid dans Seule avec la guerre, mais un nom. Une sorte d'adresse mais introuvable pour dire une guerre vite oubliée. Ce nom contre tous ces souvenirs qui manquent. Ce nom a valeur d'image. Il est une photo, d'une certaine façon, puisqu'il fonctionne comme fonctionnait la photographie de Raddem: il fait preuve de ce que nous ne voulons pas voir.
On se disait alors que cette fille aimait bien introduire des éléments gênants dans ses enquêtes, qu'elle avait le goût des preuves, des pièces à conviction, et que de conviction elle ne manquait pas. Qu'elle était une emmerdeuse née, de celles qui font les bonnes documentaristes. Elle avait, en plus, quelque chose de la jeune fille en colère.
Drôle de sentiment, la colère: on nous apprend enfant que ce n'est pas joli joli, mais quand une cinéaste, et à fortiori documentariste, se laisse conduire par ses colères intimes cela devient une qualité rare, une qualité de cinéma. Les colères de Danielle Arbid sont pour ses films une force précieuse..."
" Officiellement terminée en 1991 après seize ans d'affrontements, de massacres, d'exactions, la guerre civile l
" Officiellement terminée en 1991 après seize ans d'affrontements, de massacres, d'exactions, la guerre civile libanaise hante la mémoire de Beyrouth. Faut-il oublier pour reconstruire ? Se taire pour que le spectre laisse enfin les âmes et la communauté en paix ? Et d'abord, c'était quoi cette guerre imposée aux jeunes des deux camps? (...)
Retour au pays pour la réalisatrice Danielle Arbid. Quand elle n'avait qu'une douzaine d'années (en 1982), elle défilait avec les enfants des écoles de Beyrouth à la mémoire du chef des phalanges, au cri de Notre sang, notre âme te sont offerts, Bachir ...
Dans les rues, devant les échoppes du marché, chacun vaque aujourd'hui à ses occupations, comme s'il ne s'était rien passé. Silence radio. Paradoxalement, quand la réalisatrice de «Seule avec la guerre» aborde le plan personnel, la gangrène bourgeonne, les traumatismes se révèlent insensiblement.
L'engagement, la culpabilité, la guerre en ses fantasmes, l'ennemi intérieur et la loi du Talion, le pardon et l'impunité, cette paix fragile dont personne n'explique le mode d'emploi traversent cette quête douloureuse écrite à la première personne, fondamentalement collective.
Dans les deux camps, Arbid pose inlassablement les mêmes questions aux anciens miliciens chrétiens et musulmans: pourquoi cette guerre civile ? Pourquoi son oubli commandité ?
Dans la ville qui fut le centre du monde, comme un vaste terrain d'expérimentation, aucun mémorial. Des traces de balles et de mortier. Une ligne de démarcation vivace dans les esprits, et ce «tourisme de guerre» où l'on vend un patrimoine: 400 dollars pour les lieux de massacre et de torture, où seul le diable oserait s'aventurer.
Quartier de Tall Zaahar. Est-ce ici qu'ont eu lieu les massacres ? Sourires fuyants. On ne sait pas. On n'était pas ici...
Danielle Arbid, à qui certains protagonistes reprochent de «n'avoir pas été là», tente de percer une brèche dans le magma. Attirance, répulsion pour son pays. Elle ramène à la surface toute la réalité d'une guerre qui perdure dans les esprits. La chape couve Beyrouth, ville-otage. On se tait, on reconstruit sur le sang versé. Ni sanction, ni pardon, ni dialogue. Le travail de mémoire n'a pas été fait. Seul le refus collectif de nommer."
" Curieux titre. Seule avec la guerre ? Peut-être, mais alors seule avec la guerre des autres. Elle ne semble être q
" Curieux titre. Seule avec la guerre ? Peut-être, mais alors seule avec la guerre des autres.
Elle ne semble être qu’un écran sensible sur lequel les émotions des autres rebondissent, font écho. Elle, elle se promène dans ces rues de Beyrouth qui furent le lieu de la guerre, un peu sa guerre, mais qu’elle a fuie et seulement sentie de loin. Une guerre qui a tranché sa ville en deux.
Elle vient les déranger, les grands, dans une après-guerre douloureuse et muette. Son propos semble encore celui d’une enfant, et elle a dédié le film à son père. Une enfant qui se mêle de ce qui ne la regarde pas : « Dis papa, pourquoi tu gardes ce revolver ? » Et ce sera la seule question qu’elle lui posera à lui.
Les autres, hommes et femmes du quartier, ils ont été déchirés, oui. Meurtris, oui. Meurtriers, oui. Qu’elle les laisse tranquilles, lit-on dans leur regard. C’est cette obstination agaçante, à aller remuer ce que le monde voudrait oublier, qui fait l’énergie -au bout du compte passionnante- de cette quête filmée.
Elle a des questions étranges, cette jeune fille qui offre son profil si aisément à la caméra. A pied dans ce quartier de Beyrouth qui vit s’affronter musulmans et chrétiens voisins, elle demande : Où se trouve donc la statue des martyrs ? N’y a-t-il pas un mémorial en projet pour les morts de cette guerre civile ? Et vous les femmes du quartier, vous ne verriez pas une statue symbolique, là, dans le coin ?
Les regards et les réponses en disent long sur ce que chacun a enduré et fait endurer aux autres. Qu’est ce que tu cherches ? Les traces sont là, les trous sur les façades. C’était une sale guerre, une guerre insignifiante. Elle nous a été imposée. Une statue symbole ?
Aucun mort ne peut représenter tous les autres. Chaque mort sort de sa maison, lui dit cette femme, éberluée de la naïveté de ce questionnement. La jeune cinéaste remue le quartier avec la caméra et son ingénuité. Et, enfouie dans sa mémoire, l’image du cousin milicien, torse nu, entouré de deux femmes. Les hommes et les armes. Celle du père. Elles hantent la jeune femme qui tombe sur des miliciens des deux camps. Aussi frappés l’un que l’autre, et de plein fouet, par cette guerre. L’un Rambo, l’autre Judas. L’un qui explique benoîtement « Ils m’ont dit : Les musulmans veulent nous anéantir ». L’autre qui avoue : « …Et après, j’ai fini par aimer le sang (…) le mal vient du sang ».
« Je ne fouille pas le passé, mais le présent, le mal qui est encore en nous », dit-elle. Ces hommes confient leur immense détresse à une petite sœur. Et c’est là le dispositif charnel du film, sans doute indicible pour la cinéaste. Elle ne veut pas les laisser seuls avec la guerre. Seuls avec leur guerre."
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