À la fois opérateur et réalisateur (il possède les deux diplômes), il tourne une dizaine de courts métrages de commande, genre alors très pratiqué en Pologne, jusqu'à son moyen métrage Les Hommes de la Croix-Bleue (1955), documentaire très personnel sur les sauveteurs en montagne.
Son premier film de fiction, Un homme sur la voie (1956), critique à peine voilée du système et de la bureaucratie – le pays est encore dans l'orbite de l'URSS et ne connaîtra qu'à partir d'octobre 1956 une forme de libéralisation timide -, qui l'introduit immédiatement dans le peloton de tête des nouveaux cinéastes polonais, avec Wajda et Kawalerowicz. Il enchaîne avec Eroica (1958), long métrage composé de deux parties (Scherzo alla pollacca et Ostinato lugubre), retour sur la guerre et l'Occupation traitées, à l'encontre du titre, de façon peu héroïque, entre le dilettante varsovien qui, d'une conquête féminine à l'autre, participe à l'insurrection de la capitale, louvoyant au gré des combats auxquels il tâche de ne pas participer, et le prisonnier considéré comme un héros légendaire, le seul à avoir pu s'enfuir du camp, alors qu'il est simplement caché dans le grenier du dortoir et ravitaillé par un camarade.
La vision est décapante, dans un cinéma des pays de l'Est dans lesquels la guerre, récente, est encore représentée sous un aspect iconique qui interdit toute approche non-conventionnelle (mais le cinéma de l'Ouest est, à la même époque, prisonnier des mêmes schémas narratifs). De la veine à revendre (1960) va accentuer le décalage : le portrait du citoyen opportuniste, qui traverse toutes les périodes en s'adaptant à la situation génarale de la façon qui lui semble la plus habile – et qui, en définitive, échoue systématiquement, ses tentatives se retournant contre lui à plus ou moins long terme – reste une satire exemplaire de l'inconscience politique, d'une légèreté et d'une audace rares.
Dans La Passagère, qu'il commence à tourner en 1961, il revient de nouveau sur la guerre et ses séquelles. La confrontation d'une rescapée d'Auschwitz et d'une ancienne kapo annonce d'autres films qui, eux, n'hésiteront pas à jouer sur des ressorts dramatiques moins nobles. Munk délaisse tout esprit de dérision, traitant son sujet avec force et délicatesse. Mais il trouve la mort dans un accident de voiture et le film sera achevé par Witold Lesiewicz, avec qui Munk travaillait depuis ses débuts. Tel qu'il est, le film demeure un court (62') chef-d'œuvre, qui conclut par un sommet la trop brève trajectoire d'un des plus secrets des réalisateurs polonais.
Jean Delmas