Méconnu, bien qu’apprécié par ses pairs, il aura toujours dû se battre pour financer ses films. Les difficultés qu’il a rencontrées pour tourner expliquent pourquoi sa filmographie ne comporte que 4 moyens et longs métrages, et de nombreux courts métrages.
Bill Douglas naît en 1934 à Newcraighall, un petit village touché de plein fouet par la crise minière. De son enfance marquée par le labeur et la pauvreté, il tirera la matière pour sa Trilogie. Sa seule échappatoire à cette grisaille est « l’autre monde » qu’il découvre dans un cinéma de quartier. Il paye ses billets grâce aux consignes de bocaux de confiture.
« Je détestais la réalité. Bien sûr, je devais aller à l’école, de temps en temps. Et je devais rentrer à la maison pour faire ce que chacun a à y faire. Mais le prochain film à voir et comment entrer dans la salle étaient mes seules préoccupations. »
Bill fait son service militaire dans la Royal Air Force en Egypte. Il y rencontre celui qui restera son ami tout au long de sa vie, Peter Jewell. De retour en Grande-Bretagne, ils restent en contact. Ils prennent un appartement quand Bill déménage à Londres à la fin des années 50 pour se consacrer à l’écriture et jouer la comédie en intégrant la Theater Workshop Company, dirigée par Joan Littlewood. Il obtient quelques succès à la télévision et au théâtre, mais il trouve le rôle de sa vie en tant que réalisateur. Il réussit à intégrer la London Film School en 1968 et reçoit son diplôme avec les honneurs en 1970, tout en réalisant de remarquables court-métrages tout au long de ses études.
La même année, il obtient 4.500 £ du British Film Institute et retourne à Newcraighall pour y tourner Mon enfance (1972), le premier volet de ce qui deviendra ensuite une trilogie, avec Ceux de chez moi (1973) et Mon retour (1978) - une trilogie qui remportera un grand succès dans les festivals internationaux ainsi qu’auprès de la critique. En la réalisant, il dit avoir voulu partager avec d’autres une expérience sur sa famille.
Ce bouleversant récit nous raconte le douloureux passage de l’enfance à l’adolescence de Jamie, dans la pauvreté d’un village minier écossais de l’immédiat après-guerre, jusqu’à son départ, dans les années 50, pour l’Egypte, à la découverte de son identité. Bill Douglas développe dès son premier film une esthétique particulière, très personnelle. A travers ce travail stylisé sur le noir et blanc, cette économie de mots, cette expressivité des visages, il retrouve la puissante beauté des grands films muets. Chaque plan est travaillé telle une image du passé sortie d’un rêve, évocation d’un souvenir très aigu, et, bien que son ambition n’ait pas été de faire un film social, le besoin qu’a eu le cinéaste de dire précisément toute la vérité sur cette époque inscrit son oeuvre dans l’histoire du cinéma britannique, aux côtés des premiers films de Ken Loach et de Stephen Frears.
Malgré le succès d’estime remporté par la Trilogie, Bill Douglas rencontre des difficultés à financer son projet suivant et doit trouver d’autres moyens de gagner sa vie. A partir de 1978, il enseigne à la National Film and Television School, où il sera une figure marquante pour les élèves.
Ce n’est qu’en 1987 que sort ce qui sera son dernier film, Comrades, une fresque épique de 3 heures sur le martyre d’ouvriers agricoles tentant de créer un syndicat dans l’Angleterre du 19e siècle.