" Bambi n’est pas un faon. Bambi est une dame sacrément distinguée qui, à 77 ans, se tient toujours bien droite dans ses chemisiers délicats et parle un français ciselé («Elle m’est échue plus tard», à propos d’une armoire). Bambi est un formidable portrait signé Sébastien Lifshitz.
Si l’on précise qu’elle a 77 ans, c’est qu’elle ne les fait pas, et que son histoire est encore plus saisissante au regard de l’époque dans laquelle elle s’est inscrite. Née Jean-Pierre Pruvot le 11 novembre 1935, Bambi fait partie des pionniers, parmi les transsexuels à s’assumer comme tels. Sachant que l’affaire, dès le départ, s’annonçait très compliquée : ses parents étaient un couple de Français d’Algérie. «Mais pourquoi ne vas-tu pas jouer à la voiture à pédales, tu ne veux donc pas conduire comme ton père ?» revenait en boucle, tandis que l’enfant obèse s’obstinait à vouloir coudre ou tricoter auprès de ses mère, sœur, tante (...)
C’est de fait une constante : si Bambi a souffert, le pathos ne prend jamais les rênes du film et, bien plus que l’enfermement initial, c’est l’affranchissement et l’épanouissement qui restent en mémoire. Bambi ne fait jamais pitié, que ce soit maintenant ou sur les documents d’époque. A Paris, elle a mué en blonde gracile aux airs de Martine Carol, mais c’est sa force qui saisit, son côté rouleau compresseur en douceur, en fourreau et faux cils. Bambi ploie mais ne rompt pas et, fine, Bambi n’en fait qu’à sa tête très bien faite (...)
Sébastien Lifshitz (la Traversée, Wild Side, les Invisibles…) a ce talent, constant, de considérer ses personnages avec bienveillance sans les materner pour autant. Une dignité réciproque en découle, qui n’empêche pas le frisson. Quand Bambi et Ute se promènent dans la forêt par exemple. Ute, c’est le grand amour de Bambi.(...) Lors de la Berlinale 2013, Bambi a obtenu le teddy du meilleur documentaire. Un prix du cinéma LGBT (lesbiennes, gays, bi et trans). Ne pas s’y fier, Bambi dépasse toutes les chapelles."
Sabrina Champenois
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Bambi