Pierre Le Bret le reconnaît lui-même: en réalisant ce film, sous-titré Hold-up pour le bonheur, il s'est inspiré d'un fait divers réel (août 1977) et il en profite pour rendre hommage à tous les grands films qui ont traité de ce sujet: la cavale désespérée d'un homme et d'une femme après un casse. On pense bien sûr à Bonnie and Clyde d'Arthur Penn, mais surtout (et la liste est longue) à Pierrot le fou (génialissime Jean-Luc Godard), Les Amants de la nuit de Nicholas Ray, J'ai le droit de vivre de Fritz Lang, Gun Crazy de Joseph H. Lewis (ressorti récemment) ou encore le superbe Badlands de Terence Malick. Que des chefs-d'œuvre !
Il n'était donc sans doute pas évident de se confronter à pareille concurrence. Pourtant, Pierre Le Bret a eu ce courage et il faut dire qu'il ne s'en sort pas trop mal. Dans la mise en scène d'abord qui, justement, adopte une sorte de linéarité et de mise en espace très sobres.
Dans le récit aussi, qui ne prend aucun parti et qui présente les protagonistes comme des êtres humains parmi d'autres, "un homme comme les autres hommes" selon la devise sartrienne. Par le jeu des acteurs encore, puisque les deux héros sont magnifiquement interprétés par Vincent Ozanon qui vient du théâtre (on l'a vu notamment chez Olivier Py) et Florence Loiret qu'on a découverte dans Seule, le court métrage de Erick Zonca qui sert un peu de brouillon à La vie rêvée des anges et qui nous montre cette jeune actrice plus fine et plus émouvante qu'Elodie Bouchez, maintenant un peu trop caricaturale (même si elle crevait l'écran, il faut bien le dire, dans cette Vie rêvée des anges).
On y découvre aussi la composition de Rémy Ventura, auteur compositeur interprète marseillais, dans le rôle un peu folklo d'un marinier à la Pagnol, mais très crédible (même l'accent, ce qui est rare au cinéma). Et le film permet aussi de mettre en scène la dernière apparition, remarquable, de Gérard Blain en prêtre, obligé de marier, sous la contrainte, notre couple en cavale.
On remarquera aussi le travail de l'image qui sait choisir cadrage et couleurs pour donner à ce film une sensation de fuite mêlée d'enfermement dans la folie qui ne nous laisse pas respirer. Jusqu'à cette dernière image, hommage au bleu rimbaldien et au visage de Belmondo dans Pierrot le fou, le bleu de la mer Méditerranée sur lequel le visage d'Hélène se découpe tandis qu'elle répand les cendres de son aimé dans le vent et les flots. "La mer, toujours recommencée." "Elle est retrouvée quoi ? L'éternité. C'est la mer allée avec le soleil ". Rimbaud à l'appui, encore une preuve que l'amour et la mort sont indéfectiblement mêlés.
Jean-Max Méjean