Serge Le Péron : Wiseman, le documentaire comme technique de guerre ?
Le critique de cinéma Serge Le Péron établit un lien entre la mise en scène de Frederick Wiseman et les tactiques1
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Après neuf semaines de classes, appelés et engagés de Fort Knox sembleront sortis d'un même moule, prêts à servir au Viêt-nam. Wiseman filme leur entraînement.
Les neuf semaines de classes, d'entraînement d'appelés et d'engagés à la base militaire de Fort Knox (Kentucky) : parcours du combattant, tir au M16, combat à la baïonnette, gaz de combat, charges, marches de nuit, préparation idéologique. Pas une minute n'est perdue pour faire d'adolescents civils tout juste sortis du collège, dépareillés et passablement désordonnés, de solides soldats aguerris et prêts à opérer sur le terrain, en l'occurrence au Viêt-nam. Par touches successives, les recrues prennent le pli, rentrent dans le rang : lors de la parade finale, indifférenciées, elles semblent toutes sorties du même moule.
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" Tous les films de Wiseman jouent sur la contradiction entre le reportage, c'est-à-dire la saisie d'images et de sons dans un ici et mainte
" Tous les films de Wiseman jouent sur la contradiction entre le reportage, c'est-à-dire la saisie d'images et de sons dans un ici et maintenant à jamais passé, aboli, au moment même où il s'effectue, et l'institution, c'est-à-dire la reproduction à l'identique d'un fonctionnement qui se rêve éternel.
Dans le cas de Basic Training, qui décrit l’instruction militaire que reçoivent les jeunes recrues à Fort-Knox, Kentucky, cette contradiction est redoublée par l'abîme qui sépare les officiers et sous-officiers instructeurs des soldats qu'ils sont chargés de former. Ce qui est, pour les uns, routine et répétition, formules toutes faites et calembours ressassés, retentit dans l'âme des autres comme une expérience inédite.
En voici un, que les difficultés d'entrer dans la vie militaire (collective) ont conduit au bord du suicide ; nous imaginons qu'il s'agit, dans son existence, d'une forte rupture, d'un choc. Le pasteur du régiment, qui le reçoit et qui l'écoute, combien de jeunes suicidaires a-t-il à son tableau de chasse ? Combien de milliers de phrases semblables a-t-il, dans des circonstances analogues, prodiguées ?
L'autre agrément du film vient de ce que l'instruction militaire, c'est rigolo. Il y a du guignol dans l'apprentissage du maniement des armes ou du combat rapproché par groupe de trente (pourvu qu'on soit le trente et unième : le spectateur) ; du guignol en grand, du guignol foisonnant. Et du guignol qui fait peur, quand on enfourne, masques à gaz sur le nez, les recrues dans une chambre à gaz ; puis que les officiers (ou les sous-officiers) les leur font enlever (tout en gardant les leurs), pour qu'ils voient ce que c'est, comment ça fait, la guerre moderne, la guerre qui fait vomir et qui fait pleurer avant de tuer. (Le film a été tourné en 1971. C'était l'époque où, pas tout à fait défaite, l'armée américaine rôdait encore en Indochine, et faisait semblant de croire qu'elle était invaincue, et invincible ; conviction déjà défaillante.) "
" Un autobus débarque des conscrits au camp de Fort Knox, Kentucky. Chambrées, uniformes, mensurations, " boule à zéro ", carte d'identité m
" Un autobus débarque des conscrits au camp de Fort Knox, Kentucky. Chambrées, uniformes, mensurations, " boule à zéro ", carte d'identité militaire, vaccinations à la chaîne. Un sergent hurle des informations. Réponse obligatoire : " Yes, Sergeant ! ". La " suite logique " de High School ? On aperçoit quelques appelés noirs.
Au tournant des années soixante-soixante-dix, le service militaire n'a pas encore été supprimé aux Etats Unis. Le contexte politique et social est marqué par les luttes contre la ségrégation raciale et les protestations contre la poursuite de la guerre au Viêt-Nam.
Le commandant de la place : " Votre pays a besoin de vous !…" Plus tard, l'avertissement d'un sous-officier est explicite : " Si vous êtes contre la guerre, c'est trop tard ! ".
Marches, contre-marches, " pompes ", exercices de tir, les mines, les gaz de combat. Un appelé reçoit la visite de sa famille. " L'armée va faire de toi un homme, un vrai soldat ! " dit fièrement la mère.
Un soldat noir a refusé de monter la garde : cour martiale. Un blanc lui rappelle la règle : " A l'armée, on exécute les ordres d'abord, on les conteste après ! Tu dois défendre ton pays ! " Le noir : " Comment peux-tu dire que c'est mon pays ?"
Quelques semaines plus tard : clairon, défilé militaire impeccable, remise de décorations. Public familial. Pour ces conscrits, le " basic training " est terminé. Fanfares. Drapeaux.
Wiseman : "…Basic Training est encore plus démoralisant que je le croyais... On sait faire ressortir ce qui était déjà là... Les recrues voulaient toujours plus d'entraînement au combat..." "
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