Stanley Kwan : " Une réflexion sur l'essence du cinéma "
Dans Center Stage (son chef-d'oeuvre ?), le cinéaste reconstitue la vie d'une star à l'aune de sa propre expérienc1
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Inspiré du destin tragique de la star Shanghaiaise Ruan Ling-yu, Center Stage révéla Maggie Cheung.
Inspiré du destin tragique de la star Shanghaiaise Ruan Ling-yu, Center Stage révéla Maggie Cheung, lui offrant sa première récompense internationale. Mêlant images d'archives, reconstitutions et interviews au présent, ce mélo sublime nous entraîne sur les traces d'une actrice mythique. Pour la première fois en version intégrale...
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" Le nom de Ruan Lingyu n’évoque rien pour vous ? Vous n’êtes pas seul dans l’ignorance, pourtant il est celui de la première star du cinéma
" Le nom de Ruan Lingyu n’évoque rien pour vous ? Vous n’êtes pas seul dans l’ignorance, pourtant il est celui de la première star du cinéma chinois, vedette de plusieurs dizaines de films dans les années 20 et 30, objet alors d’un véritable culte, disparue à l'âge de 25 ans, en 1935. Le film de Stanley Kwan, découvert il y a quatre ans au Festival de Berlin, dessine de la star un portrait très attachant : Maggie Cheung et Tony Leung y interprètent leur propre rôle, à la tête d’une équipe de cinéastes venue à Shanghai pour un film sur Ruan Lingyu.
Effets miroir, nostalgie, regard sur le siècle du cinéma, Center Stage est un beau film."
" Dès la première séquence « d'époque » (dans un sauna), la mise en scène déstabilise les académismes du genre. Elle joue de la lenteur des
" Dès la première séquence « d'époque » (dans un sauna), la mise en scène déstabilise les académismes du genre. Elle joue de la lenteur des mouvements d'une caméra qui souvent semble errer parmi des personnages qu'elle ne connaîtrait pas, à la recherche de ce qui se passe d'important dans la scène, ou au contraire assume avec les personnages une connivence qu’on ne se soucie pas de faire partager au spectateur, créant une tension et une curiosité au sein de situations banales. Elle s'appuie sur des cadrages qui suggèrent autant qu'ils montrent, sur des éclairages et des angles de prise de vues qui contredisent la situation montrée - dramatisant l'ordinaire, dédramatisant les instants exceptionnels. Elle profite de la beauté des décors et des costumes (occidentaux) des années 30, jouant sur une stylisation qui « assèche » le folklore ou au contraire l'exaspère, à proportion de ce que ce monde avait de factice.
Le scénario, puis le montage au rythme envoûtant composent un film fait d'instants disjoints, pas toujours en ordre chronologique, où se mêlent scènes reconstituées, extraits de films des années 30, entretiens avec des témoins encore vivants ou le biographe de la vedette, aperçus du travail du réalisateur et de l'actrice d'aujourd’hui. Cet assemblage complexe permet une arborescence de lignes thématiques, autour de symétries et d’oppositions presque infinies, entre vie privée et vie publique, années 30 et années 90, répression misogyne moralisatrice et éthique personnelle, industrie et art du film. Cet ensemble est rendu plus complexe par la place accordée à la situation politique, aux conflits de castes et d’aires culturelles en Chine, ou au miroir déformant où la star d’alors, Ruan Lingyu, qui va mourir, est reflétée par la star d'aujourd’hui, Maggie Cheung, qui naît sous nos yeux.
La richesse narrative de Center Stage ne pourrait exister sans l'admirable incarnation de son interprète principale, confrontée à une épreuve majeure pour une comédienne : figurer à l'écran aux côtés de son modèle, qui plus est reconnu comme la plus grande star de son temps. Loin de s'affronter à celle-ci et de chercher à la dominer. Maggie Cheung joue avec générosité de ce qui la rapproche de Ruan Lingyu comme de ce qui les singularise, pour composer ensemble un portrait plus riche, formidablement émouvant."
"Une histoire vraie. Un conte de fées qui finit mal. Un film d’une infinie délicatesse, tendre, tout en arabesques et couleurs d’aquarelle.
"Une histoire vraie. Un conte de fées qui finit mal. Un film d’une infinie délicatesse, tendre, tout en arabesques et couleurs d’aquarelle. Stanley Kwan est chinois, mais sait tout du cinéma d’ailleurs. Mille ans plus tôt, il aurait dessiné ses images au flanc de porcelaines blanches bleutées, vert émeraude.
Dans les archives cinématographiques de Shanghaï, il a retrouvé des bandes de Celluloïd datées des années 30, à demi effacées où, comme une ombre légère, évoluait une comédienne divine de réserve et de sincérité, Ruan Lingyu. Fasciné, il a entrepris de reconstituer à l’écran la carrière et la vie brève de la star qui traversa notre ciel comme une lointaine comète. Le résultat est merveilleux au sens féerique du terme.
Center Stage est un acte d’amour pur. Stanley Kwan s’est bien entendu servi des quelques fragments d’époque encore déchiffrables, mais il les a insérés, sans solution de continuité, dans un scénario qui relate l’existence de son héroïne aussi bien dans le quotidien que dans les fictions qu’elle interpréta. Il n’a pas cherché à faire la différence : il évoque une sensibilité, une âme.
Maggie Cheung incarne Ruan Lingyu. Elle en a le charme surnaturel, la mélancolie verlainienne, la grâce un peu triste. Elle n’est pas une présence qui s’impose mais un parfum qui passe. Et ses partenaires jouent discrètement, presque en retrait, même si leurs personnages entraînèrent la jeune femme vers le bonheur et la mort. D’ailleurs elle n’est pas morte, elle s’est évaporée.
Un film qu’il ne faut pas manquer si on a du goût pour la poésie qui, telle la musique, s’insinue jusqu’au fond du cœur."
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