" On se souvient de L'Age des possibles, le film que Pascale Ferran réalisa en complicité avec les jeunes comédiens du Théâtre national de Strasbourg et qui rafla plein de prix. Depuis, l’exercice s’est poursuivi dans la capitale alsacienne avec Nicolas Philibert et Qui sait ?, troisième édition de cette série...
Entre les deux, donc, Culpabilité zéro, un film très attachant de Cédric Kahn qui, après Bar des rails en 1992, avait précédemment réalisé pour la collection d’Arte « Tous les garçons et les filles de leur âge », le téléfilm Bonheur devenu, version cinéma, Trop de bonheur et prix Jean-Vigo 1994.
Pascale Ferran avait choisi d’être de plain-pied dans la réalité de ces jeunes comédiens, elle construisait son scénario à partir de leurs vies, de leurs interrogations. Elle écrivait les dialogues à partir de leur façon de s’exprimer. L’une des questions centrales du film était donc celle de l’engagement, aujourd’hui. Cédric Kahn y revient à sa façon. Par exemple, par le biais des membres d’une sorte de cercle révolutionnaire auquel adhérait l’un des personnages du film, disparu. Mais l’univers engagé de ces jeunes, lié aux bas-fonds et aux femmes fatales du coin, reste bien trouble, aussi glauque que sectaire, et on se demande si l’utopie révolutionnaire, aujourd’hui, passe par le grand soir et la levée d’un impôt…
Peu importe. L’option du cinéaste, qui bâtit une intrigue dramatique classique, un jeu de pistes policier entre cathédrale et canaux, est visiblement romanesque. On nage en plein romantisme morbide. Et ce n’est pas la moindre des qualités de ce film noir, tendu, avec charme, accélérations et ruptures de rythmes, que d’avoir poussé son parti pris jusqu’au bout."
Magali Jauffret