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Pendant une semaine, en décembre 2018, deux réalisateurs ont traversé la France pour aller à la rencontre des gilets jaunes postés sur les ronds-points.
Pendant une semaine, en décembre 2018, François Ruffin et Gilles Perret ont traversé la France pour aller à la rencontre des gilets jaunes postés sur les ronds-points. D’Amiens à Montpellier, en passant par la Savoie, ils ont filmé les visages et les corps, les feux de palettes et les cabanes...
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""Le cinéma est l’art du présent, c’est-à-dire l’art de ce qui a été présent au moins une fois", écrivait Serge Daney dans La Maison Cinéma
""Le cinéma est l’art du présent, c’est-à-dire l’art de ce qui a été présent au moins une fois", écrivait Serge Daney dans La Maison Cinéma et le monde. Qu’il soit de fiction ou documentaire, un film restitue toujours son présent. Mais contrairement à la radio ou à la télé en direct, au live Facebook, YouTube ou Twitch, c’est un temps ramené à la vie, un présent fantôme et révolu pour le spectateur qui le découvre sur un écran. Pourtant, on pourrait dire que certains films sont plus au présent que d’autres, comme si les deux temporalités, celle de la prise et de vue et de la diffusion, ne faisaient plus qu'une. C’est le cas de J’veux du soleil, filmé en décembre dernier et qui nous parvient en ce début d’avril soit un délai exceptionnellement court dans lequel est contenu sa captation, postproduction et distribution en salles. Si l'on reprend la formule de Daney, le documentaire de Gilles Perret et François Ruffin enregistre quelque chose qui a été présent au moins une fois, mais, chose rare, il capture un événement qui lorsque nous le visionnons en salle est toujours parfaitement d’actualité, comme resté gelé dans notre présent à nous aussi.
Dans J’veux du soleil, François Ruffin fait un tour de France à bord de son vieux Citroen Berlingo et vient à la rencontre des Gilets jaunes regroupés un peu partout en France et s'invite dans le foyer de certains d'entre eux pour recueillir la violence extrême de leur quotidien. Comme dans Merci Patron! le député FI se démarque par son sens de l’empathie, sa qualité d'écoute et sa malice. Malgré les témoignages souvent terribles entrecoupés ici et là de séquences de BFM ou CNEWS d’une agressivité verbale inouïe, François Ruffin s’efforce de rester optimiste et n’hésite pas à sortir quelques saillies humoristiques pour apporter de la légèreté et redonner le sourire à ses interlocuteurs. A l'image de son titre, le film n'est pas là pour broyer du noir et repose entièrement sur cette tonalité feel-good, elle-même portée par une BO solaire, de Douce France de Trenet à Voyage en Italie de Lilicub.
En offrant un regard neuf sur un événement que nombre de médias occultent, minimisent voire réprimandent, J’veux du soleil rend compte des enjeux politiques, sociologiques du mouvement et révèle au grand jour ses bouleversements. Le premier pourrait être qualifié de révolution anthropologique. La plupart des lieux de rassemblements des Gilets jaunes (autoroutes, ronds-points, péages) ont en commun d’être ce qu’appelle Marc Augé, des non-lieux. C’est-à-dire des territoires neutres, interchangeables, de passage et où l’humain demeure anonyme. Or ce qui est très beau dans la mobilisation des Gilets Jaunes et que montre J’veux du soleil, c'est la reprise de ces lieux par des hommes et des femmes puis de leur transformation en une place de rassemblement et d'échange, telle une agora de l'antiquité grecque. Le rond-point semble d’ailleurs retrouver son usage premier : un cercle dans lequel convergent et se réunissent plusieurs routes et destinées. Plusieurs intervenants expliquent que c'est grâce à ces espaces communs et ouverts à tous qu'ils ont pu enfin sortir de leur silence pour raconter et partager la misère qu'ils vivent chaque jour. Ne plus avoir honte mais déplacer celle-ci sur l'inactivité de ceux qui les gouvernent. En réinjectant la vie dans ses lieux autrefois morts, ses habitants ne sont non seulement plus anonymes mais ils semblent n’avoir jamais été aussi entendus, vus et vivants qu'en leur sein.
Plus inattendue, la deuxième réussite du mouvement que figure le film est d’ordre esthétique. Dans une scène, Ruffin et Perret sont accueillis dans un campement installé en plein milieu d'une autoroute et découvrent le visage d’un vieil homme, Marcel, peint sur un immense panneau de bois posé à la verticale. Sur ce mural qui aurait pu être signé par JR, les traits de Marcel creusés par le froid et la fatigue sont entourés d’une auréole d’icône. Les symboles de la peinture religieuse sont détournés afin d’ériger le vieil homme en martyr laïque, sorte de Christ moderne, victime de la violence sociale et économique de la politique d’Emmanuel Macron. Si toute révolution s’exécute aussi par l’image, le mouvement trouve dans cette installation murale l'un de ses étendards les plus saisissants et en même temps offre au film l'une de ses scènes les plus poignantes.
Il faut donc souligner le courage et l'intelligence du regard de ce premier film de cinéma sur le mouvement des Gilets jaunes qui ne cherche pas à englober toute la complexité de la mobilisation (le film dure 1h10), mais à la restituer à sa manière, de façon inédite et dans un temps présent. Indirectement, J’veux du soleil invite bien-sûr d'autres cinéastes à poursuivre le travail, à compléter et enrichir ces premières images forcément incomplètes mais forcément salutaires."
"Le cinéaste “césarisé” de Merci Patron ! et le réalisateur du documentaire militant à succès La Sociale partent en voyage. Le second filme
"Le cinéaste “césarisé” de Merci Patron ! et le réalisateur du documentaire militant à succès La Sociale partent en voyage. Le second filme le premier à la rencontre des gilets jaunes sur leurs ronds-points dès novembre 2018. L’ambiance, on s’en doute, est potache. Ruffin est un élu de la République, représentant du peuple français en son Parlement. Mais il accomplit aussi ce rôle en se livrant à des performances ludiques, montrant l’écart entre le “peuple” et des élus. Et ici d’expliquer en se marrant, avant générique, qu’il est en contravention avec la loi européenne, parce qu’il n’a pas de gilet jaune dans son véhicule. Le cadre est ainsi rappelé au bénéfice du spectateur qui serait passé à côté de la séquence médiatique en cours. Deux questions sont posées d’emblée, comme le motif du voyage. Le générique donne à voir successivement des images joyeuses, festives et pacifiques de gilets jaunes, et des prises de paroles politiques et médiatiques dénonçant leur violence haineuse et le danger que ceux-ci représenteraient pour la démocratie et ses valeurs. On est interpellé par un tel contraste. Serions-nous manipulés ? Et Ruffin embraye alors. Il a des amis, des connaissances, un entourage idéologique qui considère que le mouvement des gilets jaunes est facho. Le mot est lâché. Il faut aller vérifier. Et évidemment, ceux que rencontrent Ruffin et Perret ne sont pas des “fachos”, mais des “gens”. La machine est en route, on entend le clignotant alors que l’on voit la voiture tourner à gauche et ralentir à proximité du premier rond-point. Le film peut vraiment commencer.
Et il y a les gens. Les gens qui sont là, présents, immortalisés dans leur force et dans leur fragilité, qui chantent, dansent, s’aiment, pleurent et se racontent. Les deux cinéastes pénètrent avec délicatesse dans l’intimité de ces gens qui crient au monde leur souffrance ou leur ras-le-bol face à un sentiment vécu de précarité sociale à la fois individuelle et généralisée. Des gens qui s’exposent sur les ronds-points, devant les caméras, en quête d’un lieu qui leur assurera que leur témoignage sera reconnu comme de valeur. Perret et Ruffin leur offrent ce lieu, en recueillant des paroles parfois si difficiles à exprimer, en rendant hommage à leurs corps soumis à rudes conditions, et néanmoins toujours vaillants, qui sont le lieu premier d’expression de leur parole. Ils élaborent tout au long de leur road trip périurbain une véritable entreprise de recueil de récits de vie dans lesquels le mouvement contestataire est pris sur le vif. Les gilets jaunes rencontrés sont en effet bien loin les fachos anarcho-putchistes qu’ont pu présenter certaines images des violences commises lors des manifestations. Certains semblent entrevoir la première lueur de quelque chose de beau. Et à les écouter on se rappelle la différence entre un acte de langage et des éléments de langage.
En mettant ainsi en jeu leurs noms et leur notoriété, Perret et Ruffin assurent au film un certain succès. Ils courent les avant-premières à la rencontre des publics, permettant peut-être encore une fois à des gens de s’entendre, de se rencontrer, à l’entrée ou à la sortie d’une salle d’art et d’essai.J’veux du soleil est un geste politique global, à l’instar de L’an 01 de Gébé, qui fait œuvre de témoignage militant pour l’histoire en préservant la parole de gilets jaunes au-delà de l’actualité, et qui fait œuvre d’art en révélant sa poésie."
La gauche au sujet de
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