Belmont et merveilles : redécouvrir l'auteur d'Histoires d'A
Auteur de la première adaptation cinématographique de L'Ecume des jours mais encore du brulôt Histoire d'A, Charle1
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A... pour Avortement. En 1973, c'est encore un crime. Censuré, discuté, contesté, Histoires d'A reste l'un des plus célèbres documentaires des années 70.
A... pour Avortement. En 1973, c'est encore un crime, puni par la loi... Tourné en mode guérilla de l’intérieur du mouvement de désobéissance civile du Mouvement pour la Liberté de l’avortement et de la contraception, Histoires d'A reste l'un des plus célèbres documentaires des années 70. Censuré, traqué par la police, discuté, contesté... il témoigne d'un cinéma militant, politique et social, dont le féminisme libertaire revendique notre droit à tous de devenir des adultes responsables. Le film est ressorti en 2022 dans une version restaurée.
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" L’avortement, décidément, vaut bien des tracas à ceux qui sont chargés de faire appliquer les lois, si désuètes soient-elles. Qu’il s’en p
" L’avortement, décidément, vaut bien des tracas à ceux qui sont chargés de faire appliquer les lois, si désuètes soient-elles. Qu’il s’en pratique tous les jours — plus ou moins clandestinement — passe encore ! Mais qu’on y consacre un film, qu’on l’interdise et qu’il soit malgré tout diffusé, voilà qui dépasse l’entendement. Cela s’explique pourtant aisément. Il faut, en effet, se souvenir de l’importante mobilisation d’une partie de l’opinion en faveur de la liberté de l’avortement qui a abouti à ces centaines d’interruptions de grossesse qui ont lieu chaque semaine à partir de permanences bien connues et dont certains journaux, comme Actuel, ont même publié les adresses. Ces militants sont les mêmes qui assurent aujourd’hui le succès d’Histoires d’A. Rarement film aura bénéficié d’un réseau de distributeurs aussi nombreux et bénévoles."
Bruno Frappat, 22/02/1973" Ainsi, Histoires d'A, depuis plus d'un mois, est un enjeu politique stratégiquement important pour les luttes en France aujourd'hui ; mai
" Ainsi, Histoires d'A, depuis plus d'un mois, est un enjeu politique stratégiquement important pour les luttes en France aujourd'hui ; mais il se trouve qu' Histbires d'A est, également un enjeu pour la pratique des films politiques. Si, depuis 1967, avec Z de Costa Gavras, il y a une recrudescence des films politiques sur le marché commercial et dans les circuits parallèles, Histoires d'A me semble le premier de tous ces films à être non seulement « juste » par ce qu'il montre, mais « juste » aussi par son impact et son mode de présentation au public.
En effet, Histoires d'A devait sortir à la fois dans un circuit commercial et dans un circuit militant. On sait que pour l'instant, le film n'est pas autorisé à sortir dans le circuit commercial, malgré son obtention du visa de censure. Mais au départ, cette « double diffusion » résolvait la contradiction dans laquelle sont pris actuellement les films politiques : soit sortir officiellement' dans le circuit traditionnel avec l'avantage d'être vuspar le plus grand nombre, mâîs sans travail simultané d'information et de discussion, soit sortir ponctuellement dans des lieux précis tels les foyers de travailleurs, les MJC, les maisons de la culture, les lycées, les facultés, lesusines en grève, les grands magasins, etc, ce qui comporte le grand avantage politique de faire avant la projection un travail d'enquête sur le lieu de diffusion, en sachant ainsi sur quels aspects il faudra insister, informer davantage. Ce type de diffusion est évidemment plus efficace, puisqu'il instaure systématiquement le dialogue, pallie les points obscurs, bref insère les films en termes de lutte . directement dans la réalité sociale, au lieu de les « parachuter » dans les salles selon la loi du profit, et de les placer au rang de « purs spectacles, purs divertissements » (...)
Dès les premières images du film, la lutte pour l'avortement et la contraception est située dans son contexte historique. Déjà plusieurs procès : Bobigny, Angers..., images de luttes, manifs, Avril-Mai 73, peu après la lutte contré la loi Debré, période de durcissement du pouvoir, intensification de la répression, images de luttes, affrontements avec les flics.
Histoires d'A est aussi un cinéma de connaissance. Plus de gratuité (onéreuse} des images, maïs une fonction bien précise : apprendre. L'avortement n'est pas douloureux, n'est pas une opération, est moins dangereux qu'un accouchement ; les images et les sons de ce film sont mis au service de cette tâche didactique. On fait des gros plans sur un spéculum, et non sur des visages « richement expressifs ». Pas d'émotions psycho-logisantes pendant la scène de l'avortement, qui laisseraient de côté le propos scientifique et politique, mais les sentiments sains d'un sourire de la femme à son mari, et vice-versa. On ne montre pas un côté « drame humain », mais l'exposition de problèmes réels, sociaux et politiques que soulève une société capitaliste au lourd passé romantique et moralisateur dans le domaine sexuel, qu'exprime allusivement mais pertinemment l'image d'un tableau de femmes telfes qu'on les représentait (souhaitait) à la fin du XVIIie siècle.
Film scientifique (donc d'emblée politique) par son propos, mais aussi — et c'est là le « nouveau » - par sa démarche. En effet, pas de longs discours linéaires et « neutrement » descriptifs, pas d'ecclectisme libéral, mais à chaque fois, une prise de partie systématique dévoilant les implications politiques par un travail d'analyse. Ainsi, pas de voix off plaquant des solutions, maïs des réponses, des. discours qui se cherchent, se corrigent, s'annulent, se contredisent, nous arrivent de l'image de discussions que l'on voit. Une technique de montage dialectique rapproche les contraires, revient en arrière, fait des inserts allusifs, décale les sons, ajoute une musique au service du sens et des images, se fait enchevêtrer les discours et les affiches contradictoires, sur lesquels le spectateur est obligé de faire un choix, de prendre parti lui aussi, de juger, de trancher.
Pas de réalisme dramatique mystificateur, mais des références précises, une réalité de luttes concrètes que le spectateur connaît, perçoit tous les jours. Souvent même le film « parle » avec humour, par exemple intercalant des rugissements de lions entre deux discours phallocratiques. Bref, c'est un film qui fait un spectateur intelligent, jamais sous-estimé, et qui, d'ailleurs, n'est jamais passif.
Faire politiquement du cinéma politique », c'est ce que réclamaient Godard et Gorin lors de la sortie, de leur film Tout va bien. Je crois que l'on commence à comprendre ce que cela signifie. Trop souvent les films politiques ne sont pas faits politiquement, c'est-à-dire en pensant aussi'la politique au niveau de leur discours spécifique : le cinéma. Aussi, arrïve-t-on souvent à cette contradiction navrante et néfaste : un discours révolutionnaire exprimé dans une forme cinématographique idéaliste, obscure, renforçant certaines impressions ou attitudes, comme par exemple l'individualisme, l'identification narcissique ou la présentation d'une réalité sans lutte, etc.
Au contraire, Histoires d'A me semble avoir été réalisé avec aussi un souci formel, et non coupé de son contenu : sa forme n'est non pas « belle » en plus, mais c'est parce que l'on a fait par exemple un travail dialectique au montage, que son contenu politique et idéologique est d'autant plus fort, plus convaincant, plus scientifique.
Historique, Histoires d'A l'est non seulement par son souci de refléter l'histoire, mais encore parce que l'on peut le juger comme fait notoire par son « nouveau », et peut-être aussi et surtout parce qu'il nous vient directement de l'Histoire, celle qui travaille et évolue, celle qui de jour en jour se transforme."
" Ce n'est pas un film, c'est un manifeste, une arme, un crî. C'est dire qu'il ne s'embarrasse pas de nuances, qu'il est plus fait pour irr
" Ce n'est pas un film, c'est un manifeste, une arme, un crî. C'est dire qu'il ne s'embarrasse pas de nuances, qu'il est plus fait pour irriter que pour convaincre, pour forcer les verrous de la loi sur l'avortement que pour plaider une cause qui divise l'opinion publique.
Charles Belmont était déjà l'auteur d'un film intelligent et courageux sur la médecine, Rak, dans fequel il affirmait qu'un malade ne devient pas, du seul fait de la maladie, un débile, abandonné au médecin-sorcier, mais reste un être conscient, responsable de son corps, de sa vie et même de sa mort. On ne s'étonnera pas qu’Histoires d'A défende la même position en ce qui concerne les femmes et la maternité. Mais, cette fois, l'auteur renonce aux facilités de la fiction. Il nous épargne en même temps les apitoiements plus ou moins hypocrites que provoquent habituellement les histoires de « bonnes femmes ».
Film-document, Histoire d'A commence par la description rigoureuse et complète d'un authentique avortement pratiqué selon la méthode Karman, dite par aspiration : un jeune couple écoute attentivement les explications que lui prodigue le praticien avant de procéder à l'opération. Tout est fait pour démontrer ici qu'un avortement peut être plus facile, plus rapide et plus indolore qu'une extraction dentaire. Accessoirement, c'est l'occasion d'expliquer à une femme comment elle est faite « à l’intérieur ». Enfin d'envisager avec le couple (qui a déjà procréé trois enfants) la méthode de contraception qui lui convient le mieux.
Le film de Charles Belmont n'a pas peur d'être didactique : il s'agit de dépouiller le mot avortement de son contexte dramatique, voire mélodramatique, et de détruire les peurs ancestrales. Pas de polémique sur le point de savoir si l'avortement est admissible ou non. Histoires d'A est au-delà de la frontière qui sépare adversaires et partisans de la loi de 1920. C'est une plongée dans un monde, assez irréel, d'ailleurs, où l’avortement sans douleur et sans honte — sinon remboursé par la Sécurité Sociale — est un fait. C'est la force du film de se dérober à toute querelle sur le fond du problème et de « faire comme si... » il n'y en avait plus. Sa faiblesse, c'est de paraître finalement faire peu de cas de toutes ces femmes pour lesquelles il milite: qu'on leur épluche l'utérus ou qu'on les écoute — un peu distraitement parfois — revendiquer leur liberté, elles restent des objets : objets de démonstration ou porte-slogans. C'est particulièrement net pour Aïcha, utilisée dans le film comme un véritable lance-flammes, et dont on ignore l'histoire personnelle. Les autres, moins douées pour le discours, tombent dans l’oubli. Ce parti pris de dépersonnalisation fait d'Histoires d'A un film à double tranchant, utilisable aussi bien pour les partisans que pour les adversaires de la libéralisation* de l'avortement."
" Visa d’exploitation refusé en novembre 1973 par M. Maurice Druon, ministre des affaires culturelles ; visa d’exploitation accordé, en oct
" Visa d’exploitation refusé en novembre 1973 par M. Maurice Druon, ministre des affaires culturelles ; visa d’exploitation accordé, en octobre 1974, par M. Michel Guy, secrétaire d'Etat à ia culture...
Pendant un an, Histoires d'A,de Charles Belmont et Mariede Issartel, film d’information médico-sociale en faveur de la liberté de l'avortement, tourné avec l'aide financière du Groupe d'information, santé (GIS), aura été un « film à histoires », porté à Paris et en province par une diffusion militante. Deux cent mille spectateurs avant sa sortie commerciale.
Mais comment faut-il voir Histoires d’A ? Toute la polémique s'était engagée autour d'une séquence représentant un avortement pratiqué selon ia méthode Karman (dite d'aspiration) sur une jeune femme déjà mère de trois enfants et enceinte de huit semaines, séquence qui tombait sous le coup de la loi de 1920 pour « images enregistrées d'un délit réellement commis »et « propagande en faveur de l’avortement». Or cette séquence n'est qu’un élément, le point de départ d’un film documentaire qui se refuse justement à la « propagande » pour dénoncer (es états de faits scandaleux qui obligent chaque année, en France, des milliers de femmes à recourir à l'avortement clandestin.
En présentant comme un phénomène normal, parce que clairement expliqué, abordé sans peur, en toute liberté de choix indidivuel et sous contrôle médical, les images d'une grossesse interrompue par la méthode Karman, Charles Belmont et Mariette Issartel, dédramatisent, déculpabilisent l'avortement, - solution de désespoir.
Cela montré, leur film ne quitte pas un terrain social bien défini par un reportage en milieu ouvrier. Cette deuxième partie se présente comme aurait pu se présenter (faut-il écrire aurait dû ?) une enquête sérieuse de télévision. Car on mesure, à quelques scènes de comportement, quelques discussions dans un langage maladroit, incertain, la grande misère morale des femmes du peuple à leur foyer de H.LM. Sous-informées, culturellement sous-développées, chargées d’enfants pas tous désirés, soumises à l’incompréhension et aux préjugés de maris- pères de familles qui se font les juges de la sexualité de leurs épouses ou de ieurs filles (mais ils souffrent du même sous-développement), ces femmes sont les preuves concrètes du bien-fondé de la démonstration faite par Histoires d'A : nécessité d'un changement radical de la loi répressive de 1920 et d'une véritable information sur la contraception (dont l'avortement ne doit pas être un substitut), pour transformer les perspesctives de vie de la classe ouvrière» la plus concernée.
Evidemment, ce film est, par moments, maladroitement construit et schématique. Evidemment, certaines de ses considérations ne peuvent que heurter une partie du corps médical. Il donne la parole à ceux qui ne l’ont jamais et qui ne s’expriment pas comme des intellectuels ou des éducateurs. C'est ce qui apparaît maintenant qu’il s'offre dans les salles aux « non-spécialistes » de l’avortement et de la contraception. C’est cela, pour le grand public, l’événement."
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