
Jean-Stéphane Bron : "Un miroir tendu à la Suisse"
VIDEO | 2016, 11' | Le réalisateur de Cleveland contre Wall-Street, a décidé de faire le portrait d'un homme dont1
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L’expérience Blocher, c’est l’histoire du leader politique le plus haï et admiré de Suisse.
L’expérience Blocher, c’est l’histoire du leader politique le plus haï et admiré de Suisse. C’est aussi l’histoire d’un face à face, étrange et singulier, entre un réalisateur et un homme de pouvoir. Une fable sur le pouvoir qui capture l’esprit d’une époque où, partout dans cette Europe en crise, se lève le vent des nationalismes.
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" Filmer l'ennemi sans prendre sa caméra pour un fusil. Sans lui river son clou à l'aide d'un montage ironique. Sans s'assurer le dernier mo
" Filmer l'ennemi sans prendre sa caméra pour un fusil. Sans lui river son clou à l'aide d'un montage ironique. Sans s'assurer le dernier mot à travers la voix off du commentaire. Comment faire ? C'est l'une des questions, passionnantes, qui portent ce portrait documentaire du Suisse Christoph Blocher, l'un des plus puissants leaders populistes et nationalistes européens.
Jean-Stéphane Bron, à qui l'on doit notamment d'avoir instruit le procès imaginaire des banquiers américains (Cleveland contre Wall Street, 2010), s'est donc jeté sciemment dans la gueule du loup. Comme Depardon suivait Giscard dans 1974, une partie de campagne, il accompagne Blocher de meetings en banquets, de trajets intimes en bains de foule. Pour comprendre son parcours, il se fait psychanalyste — il retrace l'irrésistible ascension d'un fils de pasteur pauvre qui rêvait de devenir paysan en regardant passer les trains nazis, de l'autre côté de la frontière. Il montre comment l'industriel à succès, devenu requin de la finance et milliardaire, a peu à peu racheté et recomposé " le décor perdu de son enfance ". Retourner aux premiers pas comme on plonge aux racines du mal... On pense au Ruban blanc, de Michael Haneke.
Dans l'habitacle de la berline où il filme beaucoup, le cinéaste évoque en voix off son malaise, la peur d'être piégé par son sujet, le risque de faire de Blocher un héros quand il cherche, au contraire, à le démythifier. S'adressant au vieux fauve politique dont il essaie en vain de percer les secrets : " Pourquoi suis-je incapable de vous poser les questions qui s'imposent ? " Peut-être parce, comme tous les grands chefs populistes, Blocher s'est rendu maître de la parole, capable de vous retourner une phrase comme un gant, de faire plier la sémantique du côté de ses idées...
A travers Christoph Blocher, obsédé par les mythes fondateurs d'un pays fantasmé, c'est toute la Suisse, ses ambiguïtés et ses zones d'ombre que le réalisateur sonde. Assis sur un tas d'or, dans son bunker de luxe, le septuagénaire semble toujours plus seul à mesure que sa xénophobie fait des émules. La peur gagne la Suisse, qui vient de voter pour " la fin de l'immigration de masse ", sur proposition de l'Union démocratique du centre, le parti de Blocher. En moins de vingt ans, l'UDC a conquis près d'un tiers de l'électorat helvète. La fable politique de Jean-Stéphane Bron n'a rien, hélas, d'une histoire à dormir debout. "
" La bonne idée de Bron, qui sous-tend tout son film, consiste à ne pas foncer bille en tête dans la dénonciation de son sujet ; ce serait
" La bonne idée de Bron, qui sous-tend tout son film, consiste à ne pas foncer bille en tête dans la dénonciation de son sujet ; ce serait certes politiquement légitime, mais cinématographiquement convenu et prévisible. Au contraire, Bron s’est approché au plus près de la “bête”, l’a amadouée, pour essayer de comprendre l’en deçà des discours et décortiquer le mécanisme de la dangereuse séduction populiste.
Quand on dit “au plus près”, ce n’est pas une figure de style : témoins tous les plans-séquences à bord de la voiture du politicien (Bron y est autant embêté qu’embedded) ou encore cette scène hallucinante dans la chambre d’hôtel des Blocher, alors que monsieur travaille tard et que madame rêve sous les draps. Jamais film n’est allé aussi loin dans l’intimité d’une figure politique majeure.
Que nous apprend cette intimité, que nous disent ces plans dans les diverses antres de l’ogre, qui renvoient autant aux contes de Grimm qu’à Citizen Kane ou à Shining ? Que Blocher est riche et isolé dans ses propriétés et ses montagnes. Que madame, taiseuse en surface, joue un rôle évident d’aiguillon maléfique. Que la ligne politique qui consiste à prétendre protéger son pays de fantasmatiques dangers extérieurs est générée par un sentiment individuel : Blocher veut surtout défendre sa prospérité, ses châteaux, son mode de vie luxueux.
Le film montre aussi que le lien entre la fortune personnelle et les idées politiques fonctionne dans les deux sens : au cours de sa carrière politique, Blocher a fait des affaires qui l’ont considérablement enrichi lui, pas son pays ni ses électeurs. Le nationalisme xénophobe, allié à un charisme séducteur et à un marketing habile (les affiches islamophobes de Blocher sont comparables à celles des nazis par leur imagerie mensongère et simpliste), est un enfumage du peuple.
Grâce à cet enfumage, on met un pays à son service, ce qui est l’exact contraire de la mission politique. La colère du peuple se dirige alors contre l’Autre minoritaire (étranger, musulman, juif, homo, etc.) et non contre le supposé protecteur qui en réalité vous arnaque. Tel est le résultat de l’expérience Blocher, chimie à hauts risques pour une démocratie : une Suisse pas plus prospère, un peuple pas mieux loti, mais un pays plus divisé, plus xénophobe, plus violent et plus abîmé par le libéralisme.
Le microcosme helvétique est évidemment paradigmatique : voilà ce qui se passerait n’importe où en Europe si les populistes arrivaient au pouvoir. En scrutant la séduction du diable, non sans crainte et tremblement que son film soit contaminé à son insu, Jean-Stéphane Bron réussit à fusionner pertinence politique et cinématographique. “Les loups repeuplent l’Europe”, telle est la dernière phrase, qui sonne comme un lugubre mais salutaire avertissement. "
" Jean-Stéphane Bron n’a pas choisi de construire un réquisitoire " coup de poing " contre le Jean-Marie Le Pen suisse. Son credo n’en est
" Jean-Stéphane Bron n’a pas choisi de construire un réquisitoire " coup de poing " contre le Jean-Marie Le Pen suisse. Son credo n’en est pas moins intéressant : " Comprendre l’homme pour tenter de démystifier le politicien. " C’est donc un travail intime, tout en nuance, qu’il a engagé en s’approchant au plus près de ce grand patron septuagénaire, un homme qui l’inquiète.
Le documentariste et son sujet se regardent en chiens de faïence. La caméra tourne, braquée sur Christoph Blocher. Qui ne dit rien. A qui Jean-Stéphane Bron ne pose pas de question. Période d’observation, longs silences. Le politicien est méfiant, guette le piège. Et va pourtant laisser le réalisateur vivre avec lui, dans une grande proximité.
A vrai dire, on l’imaginait plus terrifiant ce Blocher, qui joue énormément de son côté " bonhomme ", qui se revendique la voix du bon sens et de la tradition au milieu d’une classe politique qu’il vomit ! Né " sans terres ", il a fait d’incroyables affaires tout au long de sa vie. Patron impitoyable, il achète et revend des entreprises après les avoir restructurées. Réputé pour offrir les plus maigres salaires de Suisse, il ouvre 117 usines en Chine. Le vieil homme est devenu un grand bourgeois, passe de la piscine avec vue sur le lac au château en bord de Rhin, s’offre des collections de tableaux et des chanteurs lyriques au dessert.
Derrière cet homme rond, se cachent des choses plus sombres. Ces affiches violentes du Parti Suisse du Peuple, un mouton noir éjecté du pays par les moutons blancs, c’est sa marque. La crainte et la haine de l’étranger, c’est son fond de commerce. Il a été, autrefois, un des soutiens les plus fervents de l’apartheid en Afrique du Sud. Et, il y a quelques semaines, il a encore " considéré " que Nelson Mandela était " surestimé ".
Pour autant, dans son entourage, on cherchera en vain les crânes rasés, les ultra-nationalistes affichés. Dans ses meetings, on croise surtout des " braves gens " autoproclamés. Beaucoup d’agriculteurs qui veulent que rien ne change. Que la Suisse reste fermée à double-tour. Blanche comme ses neiges, assise sur son secret bancaire.
Le film avance, peu bavard mais réellement instructif, avec un vrai regard de cinéaste. Et les choses se gâtent un peu pour le leader populiste, poussé vers la sortie par ses " amis ", poursuivi en justice. Secoué, Blocher ne laisse pourtant jamais transparaître ses émotions. Sa femme, qui ne le quitte pas d’une semelle, finit, elle, par étouffer un sanglot. Un moment rare, saisi par le réalisateur, qui, jamais ne se transforme en donneur de leçon, laissant le spectateur se forger son opinion.
Depuis la fin du tournage de ce documentaire, Christoph Blocher a repris du poil de la bête. Le succès du référendum contre l'immigration, c'est son oeuvre, son triomphe. Le vieux milliardaire n'a pas l'intention du disparaître du paysage politique suisse de sitôt. Raison de plus pour passer 1h40 à l'observer. "
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