Oisif et bohème, Pierre, croyant toucher un gros héritage, se met à faire la fête et à dépenser sans compter. Or il a été déshérité.
Pierre, musicien américain vivant la bohème à Paris, reçoit un télégramme : sa tante, très riche, vient de mourir. Se croyant à l'abri du besoin, il organise alors une fête et dépense sans compter. Or sa tante l'avait déshérité. En plein mois d'août, sous un soleil brûlant, il se retrouve soudain seul et criblé de dettes, mais refusant toujours de travailler... Le premier long métrage d'Eric Rohmer. Un conte cruel qui filme le Paris 1959 de la Nouvelle Vague avec un regard aigu et moraliste : le bal du 14 Juillet, le Quartier Latin, les abords du pont de Neuilly avant la fièvre urbaniste ; les femmes portent des robes courtes gonflées par des jupons, sont chaussées de ballerines et la boîte de sardines coûte 70 F anciens...
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" ... Le Signe du lion est un film de contemplation. Qu'est-ce à dire ? Eh bien, d'abord, il n'y a pas dans ce film la succession de temps
" ... Le Signe du lion est un film de contemplation. Qu'est-ce à dire ? Eh bien, d'abord, il n'y a pas dans ce film la succession de temps forts et de temps faibles qui est de règle dans tout scénario classique. Ici, les plus petits événements quotidiens (par exemple, une semelle de chaussure qui vous lâche) sont regardés du même œil que l'arrivée ou la fuite d'une fortune de quelques milliards. Le regard égal et serein donne au film un rythme insolite. Si l'on veut bien en admettre la lenteur — et pourquoi ne l'admettrait-on pas ? — on savourera des moments d'une extraordinaire qualité d'émotion, des moments comme on n'en connait presque jamais au cinéma : cette seconde où les cloches de Notre-Dame carillonnent sur la Seine endormie, ces plans d'eaux dansant au soleil. Peut-être goûtera-t-on la vérité hallucinante de la bande sonore.
Bien sûr, nous avions découvert cette poésie dans le cinéma, néo-réaliste et, en particulier, dans les films de Rossellini. Dans ceux de Renoir aussi. Et le clochard que nous quittons à regret quand s'achève Le Signe du lion est un frère de Boudu-Michel Simon. Mais, c'est plus loin qu'il faut chercher les comparaisons. C'est à Pather Panchali que m'a fait songer Le Signe du lion. Certes, je connais beaucoup d'amateurs de l'Inde et de ce film qui n'aimeront pas le film de Rohmer. Peut-être parce que le musicien marqué par le signe du lion n'est pas particulièrement sympathique. Mais ce n'est pas par leurs personnages que ces films se ressemblent, c'est par le regard de leurs auteurs. Cette qualité de regard qui peut s'appeler respect, humilité et qui empêche de couper un plan ou de chercher dans un raccord de quoi épater le spectateur. Cette qualité est aussi attention au moindre geste du personnage, une attention patiente, tout le contraire de l'impatience maladive qui dévore nos vies modernes.Le personnage mérite-t-il cette attention ? Non, diront certains. Ce raté qui attend tout de sa bonne étoile est lamentable. Rien ne l'affecte, rien ne le marque. C'est possible. Mais Le Signe du lion n'a nullement la prétention d'être un film psychologique.
Ce serait plutôt un conte sur la toute-puissance du destin, fatalité ou providence. Il faut que le personnage soit le plus dépouillé pour que cette toute-puissance ressorte avec le plus d'éclat. Cette pauvreté du personnage, son absence de volonté propre en font le jouet idéal des dieux. Il parcourt l'itinéraire d'un dépouillement. A cet itinéraire, il manque peut-être un pas décisif. Entre les rues infernales de Paris et l'eau fascinante de la Seine, il manque le plongeon salutaire, l'immersion bienheureuse dans le cours du fleuve, grâce à quoi on se retrouve un homme neuf. Mais le héros de Rohmer est un héros de l'espace plus que de l'eau. De l'espace et de la terre qui colle lourdement à ses pieds. Il est entre la ville et le ciel, sans racines, sans vie. Eric Rohmer a su confier aux violons le soin de nous faire sentir ce déchirement. Jess Hahn, par son accent étranger, sa rage impuissante, sait être une épave absurde abandonnée sur la grève."
" L'ancienne équipe des Cahiers du Cinéma : Truffaut, Chabrol, Rivette, Godard, etc., a fourni à la Nouvelle Vague son peloton le plus remu
" L'ancienne équipe des Cahiers du Cinéma : Truffaut, Chabrol, Rivette, Godard, etc., a fourni à la Nouvelle Vague son peloton le plus remuant, le plus ambitieux et parfois le plus dynamique. Sans qu'il y ait eu le moins du monde affirmation d'une école, on ne saurait nier que ce petit groupe, à l'origine formé dans l'influence d'André Bazin et cohérent par l'amitié autant que par ses recherches d'un style nouveau et personnel, ait marqué le cinéma français de ces dernières années, sous le signe du « film d'auteur ». Eric Rohmer, co-directeur des Cahiers, avait pu, lui aussi, tourner son premier film, bénéficiant des succès financiers de ses amis : Chabrol fut en 1959 le producteur du Signe du Lion. Mais l'eau coula sous les ponts, la pellicule sur les écrans, les jeunes turcs prenaient la tête des palmarès, faisaient recette et carrière, tandis que le Signe du Lion, faute d'un distributeur, moisissait dans un tiroir (...)
Trois ans de retard ont émoussé la surprise et l'intérêt qu'aurait sans doute suscité un tel film, et c'est dommage. Après A bout de souffle et Chronique d'un été, on sera moins sensible à la nouveauté de ses recherches techniques, à cette façon de filmer les passants à leur insu, de saisir, dans leur spontanéité, les scènes de la rue et de la vie, à ce montage sonore qui fait alterner des bribes de conversations fugitives et un austère contrepoint musical. Ces procédés visuels et sonores du cinéma-œil introduits dans un film de fiction sont aujourd'hui entrés dans les mœurs et n'étonnent plus guère. De même, le poncif qui consiste à introduire anonymement dans une scène des amis de l'auteur (ici l'apparition parodique de J.-L. Godard).
Dans Le Signe du Lion, cependant, ces procédés, s'ils ont perdu leur originalité, ne paraissent nullement gratuits. Ils traduisent une nécessité, un certain climat dramatique. Ils constituent un élément actif du récit qui reprend à sa façon, la parabole de Job. Il s'agit en effet du naufrage d'un homme, qui tombe, de l'extrême richesse à l'extrême dénuement. Toute la composition du film est fondée sur l'affrontement de la solitude de cet homme et de la multitude indifférente. D'où le ressac perpétuel des bruits et des images de la ville, l'interférence du monde extérieur et de l'aventure intérieure d'un personnage (Jess Hahn) que nous voyons peu à peu se dépouiller jusqu'à n'être plus qu'un étranger, à lui-même et aux autres, un vagabond, un clochard (...)
... la vertu du film réside (...) dans le singulier pouvoir d'envoûtement d'un récit sinueux, nonchalant, mais rigoureux dans son rythme, la sobriété voulue de son style sans effets, et qui nous attache aux déambulations et aux mésaventures de son héros. Celui-ci, par moments, nous rappelle L'Etranger de Camus. C'est un être bon et par là même désarmé. Dans sa recherche désespérée d'un contact humain il fait l'expérience non de l'absurdité de la vie mais de l'égoïsme d'un monde où l'homme n'a de valeur qu'en fonction de l'argent. Rarement on aura exprimé avec autant de sensibilité et de justesse ce que peut être l'hostilité d'une grande ville, sa férocité inconsciente lorsqu'elle écrase et rejette un solitaire désemparé, simplement par l'indifférence.
Et puis, ce qui nous touche encore, c'est la vision véridique de l'été à Paris, de cette mutation de la ville familière en un dédale insolite, peuplé de touristes, avec ses ponts déserts au petit matin, sa lumière déchirante, ses quais, le va-et-vient énigmatique des passants et ce visage différent que prennent les choses (...) Il faut dire que Rohmer a su choisir, en Nicolas Hayer, un merveilleux photographe qui sait capter, dans ses nuances les plus secrètes, la beauté et les contrastes de la ville. Il a su également choisir et diriger un interprète de grand talent, Jess Hahn, ce colosse aux bons yeux, au cœur tendre, et à la fortune d'argile, trouve ici son meilleur rôle. Un rôle en or, dont il fait une véritable création..."
" Paris en août. Une ville dépeuplée. Un désert sous le soleil. Un désert de pierres et de rues. Un univers hostile, étranger, et dans cet
" Paris en août. Une ville dépeuplée. Un désert sous le soleil. Un désert de pierres et de rues. Un univers hostile, étranger, et dans cet univers, un homme sans argent, sans amis, et qui se débat dans la solitude, et qui lentement se dégrade, se décompose, se « clochardise ». Tel est le thème du film d'Eric Rohmer, qui est certainement le film le plus intelligent, le plus réfléchi, le plus dense que nous ait donné le jeune cinéma français. Nulle complaisance. Aucune grandiloquence. Simplement une admirable rigueur, une rigueur et un dépouillement qui font songer à Rossellini.
La lucidité est sensibilité. Le réalisme, dépassé, devient poésie. Un geste, un regard, une conversation qui se brise : l'acuité extrême de l'attention a quelque chose de douloureux et de cruel. L'homme est prisonnier de l'instant. Tout compte, parce que tout engage la vie, parce que chaque détail de ce naufrage est en soi une catastrophe, parce que l'insignifiant devient essentiel. Perdre un billet de métro, tacher un costume, retrouver cinq francs dans une poche, déclouer une semelle sont des événements terribles : l'existence même en dépend. Ce sont les lois d'une fatalité mesquine, mais qui pèse sur l'âme, et jusqu'au désespoir. La courbe est ainsi faite de minuscules et prodigieuses angoisses qui mènent à l'effondrement final.
Mais Eric Rohmer ne dramatise pas. Le drame est intérieur. Et si son héros change, se transforme sous nos yeux, c'est de la façon la plus discrète du monde, sans attitude théâtrale, sans éclat, sans rupture, en un travail continu, et à peine perceptible, une sorte d'érosion mystérieuse que souligne un solo de violon, une étonnante musique dont les stridences marquent à la fois la désespérance et l'ivresse du personnage, sa vacuité et son vertige. Jess Hahn est extraordinaire de liberté et d'abandon. Le comédien ne cède à aucune tentation. Rien qui n'échappe aux griffes des réalités modestes.
Sa marche dans Paris, et jamais Paris n'avait été ainsi saisi, sa progressive dépossession de soi, et l'on pourrait dire son ascèse, car il s'agit bien d'une ascèse, forme la partie centrale du film. Et cette partie centrale est un morceau d'anthologie. Rarement le cinéma nous a donné quelque chose d'aussi fort et d'aussi aigu. La faim, par exemple, le vertige de la faim, la légèreté, la lucidité, l'ivresse de la faim, et plus encore, cette exaspération des sensations qu'elle commande, n'avait pas encore été ainsi cernée, et avec une telle pudeur, et avec une telle violence.
Mais avait-on déjà rendu d'une façon aussi exemplaire la solitude humaine, et le visage cruel et dur des villes ? Tout n'est qu'indifférence et hostilité, indifférence des hommes, hostilité des choses. La ville est un labyrinthe, un monde minéral, où l'on ne cesse de tourner en rond. Que les amis s'éloignent, que la pauvreté s'affirme, et brusquement Paris n'est plus que hautes murailles, n'est plus qu'une prison immense et écrasante. L'angoisse de Jess Hahn pourrait être notre angoisse. Tout est précaire. Le hasard, et voilà que l'on se perd, que l'on s'effondre, que l'on sombre.
Et c'est encore une des qualités du film de Rohmer : le destin y tient son rôle. Le titre n'est pas un jeu. Sous le signe du Lion comme sous les autres signes, il suffit d'un hasard pour que nos plus sûrs équilibres se brisent, il existe une menace permanente, un gouffre toujours ouvert, qu'on y glisse, et en voilà pour jamais. Personne ne tendra la main. Nous sommes à la merci de la misère et de la solitude. Que nos fragiles apparences soient balayées, et nous voilà seuls dans le piège. Jamais film n'en avait si parfaitement démontré les ressorts."
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