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En 1940, Julien, fuyant la menace allemande, rencontre la belle et mystérieuse Anna à bord du train qui les éloigne du Nord de la France.
Mai 1940. Les troupes allemandes ont envahi la France. Comme nombre de ses compatriotes, Julien Maroyeur décide de fuir avec sa famille. A bord du train, il doit se séparer de son épouse et de sa fille et voyager dans le wagon à bestiaux. Julien y fait la connaissance d'Anna Kupfer, une Juive allemande aussi en fuite. Le lendemain, au réveil, Julien s'aperçoit que le train a été "coupé" en deux et que, loin des siens, il fait route vers La Rochelle, en compagnie de la belle et mystérieuse Anna...
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"Pierre Granier-Deferre poursuit, de film en film, sa recherche d’une réalité secrète, intérieure, p
"Pierre Granier-Deferre poursuit, de film en film, sa recherche d’une réalité secrète, intérieure, presque indicible. Il ambitionne, pourrait-on dire en paraphrasant un mot de Cocteau, de «faire surgir la nuit en plein jour». Sa prédilection pour les lieux clos, la tenace mélancolie qu’il parvient à faire sourdre du quotidien, un sens de la picturalité constamment efficace confèrent à ses films — notamment ceux que lui a inspirés Simenon — un air de famille, une « touche » bien reconnaissable : dans la lignée de Becker et de Sautet. Moins l’éclat, peut-être, mais avec en plus une très personnelle ferveur.
Le Train marque une étape nouvelle (et qui sera, je le crains, sous-estimée) de cette quête qu’on dirait douloureuse. Réduit à l’anecdote, ce n’est rien : un amour fou né d’une rencontre de hasard, pendant l’exode de 1940. Mais que de riches notations en marge, quel pointillisme délicat dans le trait, quelle étonnante direction d’acteurs aussi !
Le dérisoire des destins humains, que le roman de Simenon accusait jusqu’au sordide (le minable réparateur de radios, une fois jetée sa gourme avec la belle inconnue, retournait à ses boutons), se pare ici de nuances pathétiques : maquignons, paysans, bonnes sœurs, chefs de train, lampistes, mécaniciens, sergents et putains à la dérive sont confondus dans une même apocalypse, que rythment comme autant de coups d’épée de Damoclès des plans flash d’actualité admirablement intercalés. On se croit encore du côté du Mecano de la général, et l’on est déjà dans Nuit et Brouillard.
Du cinéma classique ? Certes. Mais qui a toutes chances de surnager dans le galimatias du faux modernisme. La clarté de Granier, sa rigueur quasi-artisanale, son lyrisme contenu n’ont que faire de la mode. Les âmes sensibles lui en sauront gré."
Ce sont des silhouettes, des visages, qui ont hanté notre enfance. Trintignant, Romy Schneider, et puis les seconds rôles, de
Ce sont des silhouettes, des visages, qui ont hanté notre enfance. Trintignant, Romy Schneider, et puis les seconds rôles, de Maurice Biraud à Paul Le Person. On les voyait alors sur les quelques chaînes de télé, aux heures de grande écoute, qu’on n’appelait pas encore prime time (...) Une adaptation de Simenon, signée Pascal Jardin (et Granier-Deferre) sortie à l’automne 73. Quelques mois avant Lacombe Lucien, qui fera plus de bruit : mais Le Train, moins polémique, montre aussi la lâcheté ordinaire en temps de guerre, la saloperie larvée des hommes en groupe et aussi ce que les Français ignoraient, ou ne voulaient pas savoir. Juive allemande réfugiée en Belgique, Romy Schneider croise Jean-Louis Trintignant dans un train de l’exode, wagon de marchandise où l’on s’entasse, marche lente sous la menace des stukas.
« Persécuter tous les Juifs, l’interroge-t-il après qu’elle lui eut raconté son départ d’Allemagne, mais pourquoi ? Ce n’est pas un peu énorme… ? » Minimaliste, pas qualité française pour deux sous, le film tient littéralement sur le visage de Romy, cheveux tirés, impeccable ovale, qui aimante le regard de Trintignant comme celui du spectateur. L’espace-temps de la fuite, de la promiscuité contrainte, ouvre un autre possible : sa femme enceinte, sa fille, sont dans le wagon d’à côté, puis dans une autre rame au fur et à mesure que le convoi, de la frontière belge à La Rochelle, s’arrête, repart, se démembre. Et le petit électricien de Fumay, dans les Ardennes, devient quelques heures, quelques jours, le compagnon, puis l’amant de cette femme déplacée, trop belle, presque fatale. Entre les scènes de survie ordinaire – manger, se laver, s’aimer sans le dire, dans le noir –, passent des images d’archives et c'est le lyrisme de la musique de Philippe Sarde qui tient l’ensemble, comme une construction fragile.
Denys Granier-Deferre, fils de son père et cinéaste lui aussi (Que les gros salaires lèvent le doigt, Pièce montée), ce souvient de cet été 72, où, au milieu de ses études de droit, il fut deuxième assistant sur Le Train. « Le tournage des intérieurs avait eu lieu aux studios de Boulogne, dans un wagon que les techniciens secouaient pour feindre le mouvement, mais pour les extérieurs, la SNCF avait fourni une rame avec laquelle on a fait le trajet du film, parfois sur des voies désaffectées, parfois sur les lignes principales, auquel cas on s’arrêtait, montre en main, pour laisser passer les trains de voyageurs. Le producteur Raymond Danon avait dit à Pierre : “Mais que fera-t-on en cas de mauvais temps ?” Et Pierre avait répondu : “Je vous jure qu’on aura le même temps qu’en mai 40.” Et il avait raison… Ce dont je me souviens en premier lieu, c’est la précision du travail de Pierre : c’était une logistique assez compliquée, avec des centaines de figurants qui arrivaient l’avant-veille du tournage, qu’il fallait habiller, je ne sais pas combien ça coûterait aujourd’hui, mais parallèlement à ça, Pierre ne perdait jamais le côté intimiste qui l’intéressait.
Pierre Granier-Deferre (1927-2007), plus de vingt-cinq longs métrages, le goût des adaptations (Simenon, mais aussi, sur le tard, Drieu la Rochelle), la confiance des acteurs (deux films avec Gabin, Le Chat et La Horse). Parfois pointait une ironie, cachée mais décelable. Un plan large dans Le Train : des nonnes dans un pré, des vaches qui les regardent. On pourrait gloser : l’humanité fuyante réduite à l’animalité. Mais c’est juste une ponctuation, un sourire en coin. « Ah oui, remarque Denys Granier-Deferre, je me rappelle aussi un plan de mouettes, dans Adieu poulet [1975, Ventura, Dewaere, dans une comédie policière, NDRL]. Francis Veber, qui avait écrit le scénario, pestait gentiment : “On t’apporte une comédie, mais tu ne peux pas t’empêcher de filmer des mouettes”… »
Il paraît que Trintignant n’aimait pas Le Train, qu’il trouvait son rôle trop ingrat, mari infidèle puis collabo passif, qui ne lève pas le petit doigt pour sauver une Juive. A moins que… Au tournage, Denys Granier-Deferre croit se rappeler qu’on enquilla deux versions de la confrontation finale, l’une plus noble, l’autre moins – à vous d’aller jusqu’au bout pour voir celle qui fut conservée. Trintignant ne s’aimait pas, mais la façon dont il joue ce petit homme à lunettes, cet amour soudain, muet, irrépressible qu’il porte soudain à cette apparition, il est difficile de ne pas l’aimer pour lui.
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