Quatre réfugiés palestiniens vivent dans le camp syrien de Yarmouk. Ils forment depuis l'adolescence le groupe des "Chebabs".
A quoi rêvaient les jeunes palestiniens réfugiés en Syrie avant que la guerre n'éclate ? Quatre réfugiés palestiniens de la troisième génération vivant dans le camp syrien de Yarmouk, forment depuis l'adolescence le groupe des "Chebabs". Avec une caméra complice, le réalisateur filme leurs interrogations et leurs doutes sur un futur incertain. Prix du meilleur premier film lors du festival "Vision du Réel " à Nyon (Suisse).
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" C'est beau, un passeport. Petit carnet de rien mais qui permet tout. Lorsqu'il leur est donné d'en tenir un entre les mains, Ala'a, Hassan
" C'est beau, un passeport. Petit carnet de rien mais qui permet tout. Lorsqu'il leur est donné d'en tenir un entre les mains, Ala'a, Hassan, Samer, Tasneem et Waed le tournent et le retournent tour à tour, examinent la reliure, le grain du papier… Un passeport, c'est de la magie à l'état pur, le seul et unique sésame capable d'ouvrir leur horizon, de les arracher enfin à leur quotidien gris béton. Car Ala'a, Hassan, Samer, Tasneem et Waed vivent à Yarmouk, un gigantesque camp de réfugiés palestiniens situé dans la banlieue de Damas, en Syrie.
Dans Les Chebabs de Yarmouk, Axel Salvatori-Sinz, qui signe là son premier film, ne montre pas de jeunes résistants tout entiers tournés vers la lutte contre l’occupant israélien. Il filme (remarquablement) des jeunes gens au carrefour de leur vie, qui échafaudent des plans pour repousser l’échéance du service militaire, obtenir un passeport, s’en aller vivre dans un pays qui autorise enfin leurs rêves artistiques. Et qui doutent parfois : et si leur place était ici, à Yarmouk, parmi les leurs ?
Ils discutent, fument (énormément), plaisantent (« quand le destin s'acharne, vaut mieux en rire qu'en pleurer ! »). Ils méditent aussi. A moins qu’ils ne dépriment ? Souvent, ils ont le regard dans le vague, perdus dans des abîmes insondables. Ces séquences sont étonnamment « habitées ». Axel Salvatori-Sinz a un vrai talent pour donner chair à l’attente, pour incarner à l’image ces vies tenues entre parenthèses.
Lorsque s’achève Les Chebabs de Yarmouk, on a la boule au ventre : on les quitte lorsque débutent les premiers mouvements populaires en Syrie. Trois ans plus tard, le camp de Yarmouk est détruit à 60 %, les appartements des jeunes gens ne sont plus que poussière. Et Hassan a été tué, sans doute torturé à mort par l'armée régulière syrienne."
"On ne peut pas oublier ces faits bruts lorsqu’on regarde le film paisible et subtil d’Axel Salvatori-Sinz. Ces Chebabs (jeunes) de Yarmouk
"On ne peut pas oublier ces faits bruts lorsqu’on regarde le film paisible et subtil d’Axel Salvatori-Sinz. Ces Chebabs (jeunes) de Yarmouk sont comme tous les jeunes au monde, à échafauder des rêves et des plans d’avenir.
Mais leur horizon, lors du tournage, était déjà autrement plus compliqué que celui d’autres jeunes de leur âge dans le monde, avec la difficulté de se procurer un passeport, avec l’obsédante question du service militaire dans l’armée d’Assad, avec le fait d’être palestinien, même si ce dernier point est étonnamment peu présent dans leurs préoccupations... Depuis, il s’est fracassé sur la réalité de la guerre.
Ce film, sorti mercredi dans quelques salles en France, est à voir, comme une touche d’humanité aujourd’hui disparue de ce bout de terre ; comme un moment de cinéma aussi, où la caméra filme sur la durée, avec le luxe du temps. Un luxe rare."
C'est quoi Yarmouk ? Un camp de réfugiés palestiniens à quelques encolures de Damas. Ou plutôt c'était: le docu d'Axel Salvatori-Sinz y a s
C'est quoi Yarmouk ? Un camp de réfugiés palestiniens à quelques encolures de Damas. Ou plutôt c'était: le docu d'Axel Salvatori-Sinz y a suivi de 2009 à 2011 Ala'a, Hassan, Tasneem, Samer et Waed. Une bande qui vivent la même post-adolescence que n'importe qui dans le monde : des liens très forts avec ses potes mais aussi les incertitudes du lendemain. Sauf qu'ils vivent dans un coin particulier de la planète.
Ces cinq "chebabs" (vu d'ici, on dit "djeun's") zonent dans ce camp, construction provisoire qui a pris le temps de devenir définitif, les nouveaux arrivages de réfugiés tiennent les murs. A force l'endroit est devenu une Little Palestine, où Ala'a et les autres ont pris leurs marques.
" Dans la Syrie actuelle, soit le pays le plus sensible du moment, Salvatori-Sinz filme la vie dans ce qu'elle a de plus quotidien. Ici on cause de tout sauf de politique, la bande des Chebabs de Yarmouk n'a pas envie de faire la guerre mais de faire des films ou du théâtre.
A l'époque du tournage, la Syrie n'était pas encore à l'heure de la guerre civile et du bordel de la realpolitik, mais déjà bien sous le joug de Bachar-El-Assad. Le seul truc qui différencie les chebabs du réalisateur, qui est apparemment plus ou moins du même âge, c'est quelques bouts papiers: un passeport. Le petit livret qui fait qu'un occidental est libre de circuler, là où les réfugiés palestiniens sont coincés.
Ala'a, Hassan, Tasneem, Samer et Waed rêvent de se barrer dans un pays où ils n'auraient pas à subir les interdits culturels de la censure, mais leur seul horizon est le service militaire. Et en même temps, s'ils arrivaient à fuir ailleurs, est-ce qu'ils se sentiraient enfin chez eux ? Rien n'est moins sur.
Les chebabs de Yarmouk est un film sur ses apatrides qui ne savent plus trop où aller puisqu'ils ont fini s'adapter à ce sort. Ou parce que la vie dans cette enclave finirait presque par avoir le confort du repli sur soi. Ainsi sur les toits, la bande fait et refait le monde, entre deux pétards, s'enivrant de leurs volutes tandis que le chaos gronde aux portes.
Ils sont extrêmement attachants, ces chebabs dans leur douceur de vivre éphémère. Pour un peu, on dirait les ragazzis italiens dont Fellini ou Pasolini filmait l'indolence il y a une cinquantaine d'années. Mais on est désormais en 2015, et ce qui rend émouvant ce docu est hors-champ : la fin du film commence à sonner le glas qui résonne depuis quatre ans dans les médias, le peuple syrien commence à se soulever et va se faire massacrer.
Aujourd'hui Yarmouk est un champ de ruines, une dizaine de milliers de palestiniens y (sur)vivraient encore. Les immeubles filmés par Salvatori-Sinz ont été réduits en poussières, certains membres de la bande sont morts, dégâts collatéraux ou torturés par l'armée. D'autres ont pu fuir, au Liban, en Sicile ou au Chili.
Les images des Chebabs de Yarmouk font désormais office d'archives. Celles d'un pays, mais aussi celles d'une jeunesse qui se réchauffait malgré tout autour de la flamme de l'espoir de lendemains meilleurs.
Voir ce film est une manière de continuer à l'entretenir."
" Ce documentaire, produit par Magali Chirouze (Adalios Films), a obtenu le prix du meilleur premier film lors du festival "Vision du Réel
" Ce documentaire, produit par Magali Chirouze (Adalios Films), a obtenu le prix du meilleur premier film lors du festival "Vision du Réel " à Nyon (Suisse). Son tournage a commencé en 2009 et s'est achevé en mars 2011. Son jeune réalisateur est âgé de 30 ans, anthropologue de formation (...)
L'actualité syrienne l'a décidé, en effet, à suivre le destin de ces jeunes Palestiniens, dont certains sont encore bloqués à Damas. Le film est un huis-clos, durant 77 minutes. Tout a été tourné dans l'appartement que partagent les Chebabs, les gars. Seules quelques prises sur le toit dévoilent l'immensité du camp. " Yarmouk est un camp historique, qui date de 1955-1957. De nombreux combattants palestiniens y sont enterrés ", raconte Axel Salvatori-Sinz. Il fait la connaissance des jeunes de Yarmouk en 2006, dans le cadre de ses études d'anthropologie. Les jeunes gens y font de la vidéo, de la photo et du théâtre, dans le centre culturel. Le carnet de l'étudiant se remplit, et sa frustration monte. Il veut à présent les filmer. Axel Salvatori-Sinz pense déjà à basculer dans le cinéma et revient les voir, en 2009.
" En 2006, ils avaient entre 17 et 20 ans, croyaient dans l'action collective, en vue d'un retour en Palestine. Trois ans plus tard, les rêves se sont envolés ", poursuit-il. Le groupe est toujours solidaire mais chacun cherche une issue individuelle. Les protagonistes sont tous confrontés au problème du service militaire. L'un des protagonistes est prêt à faire l'armée, les deux autres cherchent à y échapper et à quitter le pays.
C'est le fil narratif du film. Les discussions tournent autour des papiers d'identité, jusqu'au vertige.Il y a Hassan, qui envisage de se marier, a fini ses études , et choisit l'armée. Il l'accomplit dans la section palestinienne de l'armée syrienne, section que la Syrie mobilise en premier en cas de conflit avec Israël.
" Pour ces jeunes réfugiés, obtenir un passeport est difficile, mais avoir fait son service militaire peut faciliter son obtention ", souligne le cinéaste. Ala'a, lui, veut faire une école de cinéma, quitter Damas et rejoindre son amie, une palestinienne qui vit au Chili. Enfin, Samer dépense beaucoup d'énergie, et d'argent, en vue de retarder son service militaire. Il n'y échappera pas. Deux ans et demi plus tard, il y est toujours, du fait de l'enlisement du conflit syrien. Il y a aussi quelques jeunes filles, comme Tasneem, palestinienne qui fait des études d'anglais, a des papiers allemands et, pourtant, revient régulièrement à Yarmouk tant elle y est attachée.
De 2009 à 2011, Axel Salvatori-Sinz s'est rendu à huit reprises en Syrie pour le tournage. Plutôt que d'atterrir à Damas, où son sac aurait probablement été fouillé et sa caméra découverte, il a transité par Beyrouth, passant la frontière syrienne dans un taxi collectif.Une fois arrivé, il résidait dans le camp, dans l'appartement des chebab, dont il est devenu l'ami et le confident. Mais il reste à bonne distance, même lorsqu'il saisit des moments intimes.
Pour le reste, sa caméra ne s'allume que lorsqu'un événement secoue le petit groupe et touche au sujet du film – l'armée, les papiers...L'une des dernières séquences a été tournée le 23 mars 2011, " soit huit jours après les premiers tirs de l'armée syrienne contre les opposants ". Les jeunes dialoguent via Skype avec Ala'a, qui a réussi à rejoindre le Chili, et fait son école de cinéma.
Cette fin annonce le deuxième volet du film." La suite se passera à Beyrouth, dans un appartement où vit le frère de Samer, par lequel transitent des réfugiés. Hassan, sa compagne, ainsi que Samer sont toujours à Damas. Nous allons suivre, via Skype ou Facebbok, leurs tentatives de fuir la Syrie ", raconte le réalisateur. Il a mis en place le dispositif il y a cinq jours, à Beyrouth. " A cette occasion, j'ai revu Tasneem. Elle a été touchée par un mortier, à l'épaule. Elle a perdu deux de ses meilleurs amis en un mois, mais elle ne veut pas déserter le camp ". Le camp, justement, a été bombardé par l'armée syrienne, et les images du film feront bientôt figure d'archives. Quand on lui demande comment les autorités syriennes ont accueilli Les Chebabs de Yarmouk, le réalisateur fait cette réponse saisissante : " Il y a eu deux articles dans la presse libanaise. Deux jours plus tard, la télé syrienne a montré quelques images du film, en remontant le teaser et en y insérant des images du bombardement. Avec ce commentaire : regardez les pauvres Palestiniens, ils subissent les mêmes attaques terroristes que nous ! ".
Tourné entre 2009 et 2011, le documentaire d’Axel Salvatori-Sinz rend compte d’une réalité qui n’existe déjà plus : celle du camp de Y
Tourné entre 2009 et 2011, le documentaire d’Axel Salvatori-Sinz rend compte d’une réalité qui n’existe déjà plus : celle du camp de Yarmouk en Syrie où ont trouvé refuge plusieurs centaines de milliers de Palestiniens en attente de pouvoir rejoindre leur territoire. La guerre civile qui ravage la Syrie depuis maintenant quatre ans a eu un impact considérable sur l’organisation de ce camp : passée de 500 000 à 18 000 individus, la population de réfugiés apatrides survit dans une précarité accentuée par une grande vulnérabilité économique.
Sans rien savoir de l’impact qu’aurait un possible soulèvement de la population syrienne contre le régime de Bachar el-Assad sur la préservation du camp, le réalisateur a réussi à défier les autorités pour tourner clandestinement un documentaire autour d’un groupe de jeunes, occupant leur temps entre militantisme politique et démarches artistiques. Ce différentiel de savoir entre l’époque à laquelle fut tourné le film et ce que l’on sait de la tragédie qui ravage actuellement la région insuffle à la plupart des scènes une mélancolie bouleversante, devenant ainsi le troublant témoignage de lieux disparus et d’un espoir assassiné pour ces jeunes aux aspirations universelles (...)
Si le documentaire rend compte jusque dans son titre de l’existence de Yarmouk, on ne verra finalement pas grand chose du camp. Tenu à mener son projet de manière clandestine pour contourner la censure, le réalisateur ne s’est quasiment jamais aventuré à filmer les extérieurs et lieux publics.
Circonscrit aux appartements de quelques protagonistes et aux toits d’immeubles desquels on peut apercevoir l’organisation un brin anarchique de cette enclave, le documentaire se nourrit par ailleurs de cette contrainte pour dire quelque chose du quotidien des habitants : démunis sur le plan matériel et privés de droits civiques (dépourvus de nationalité, ils n’ont pas la possibilité de voter, de voyager et le travail leur est difficilement accessible) alors qu’ils sont pourtant tenus d’effectuer un long service militaire en Syrie, les jeunes habitants de Yarmouk n’ont que très peu de raisons d’investir l’espace extérieur, préférant l’espace confiné des appartements où ils ont notamment la possibilité de fumer pour tromper l’ennui et la désillusion héritée de leurs parents (qui croyaient encore à un retour possible en Palestine).
Essentiellement composée de plans serrés et de perspectives obstruées, la mise en scène d’Axel Salvatori-Sinz traduit parfaitement le sentiment d’enfermement autour duquel semble régi le quotidien des habitants et des quelques jeunes qui se livrent sans détour à la caméra.
Bien que le documentaire soit court (1h18), jamais le réalisateur ne réduit ses intervenants à des figures dont la seule présence servirait à valider une intention de départ. Les choix de mise en scène démontrent d’ailleurs assez rapidement que le dispositif vise surtout à accueillir la parole subjective : au cours de plans très étirés et d’une série de scènes d’exposition qui ne cherchent jamais à rendre compte à la manière d’un reportage d’un contexte socio-politique, la caméra d’Axel Salvatori-Sinz vise surtout à capter les rêves et espoirs d’une jeune génération. Celle-ci est attachée à son histoire mais sait aussi que le camp de Yarmouk, s’il fait partie intégrante de son identité, reste une prison à ciel ouvert.
Alors que l’attente nourrit inlassablement leur quotidien, ces jeunes écrivent, débattent, montent des projets et s’aiment. Au-delà de leur implication dans des projets artistiques et politiques, ces « Chebabs de Yarmouk » s’incarnent dans la mise à l’épreuve de leurs sentiments et mettent à jour leurs contradictions au travers d’écrits qu’ils n’hésitent pas à lire face caméra. Que ce soit lors de la troublante confession d’un jeune homme dont la petite amie a avorté ou dans cette pudique mais émouvante scène d’adieux entre des parents et leur fils prêt à quitter le camp pour plusieurs années, le documentaire d’Axel Salvatori-Sinz rend justice à l’humanisme universel de ces quelques jeunes déterminés dans leur soif de vie et pour qui l’exil restera malheureusement la seule issue possible."
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