Le charme du film de Romain Goupil tient à un entre-deux. Il revisite avec un certain bonheur l’imagerie d’Epinal du cinéma d’auteur français voué à l’enfance (disons le Truffaut de L’Argent de poche), montre en quoi l’enfance constitue une bulle, avec sa géographie imaginaire propre (cachettes, greniers, mots de passe et cachotteries jalousement gardés).
Mais il articule cette mythologie à une vision critique et politique de la France d’aujourd’hui, les expulsions de sans-papiers, les agissements de la police, les réflexes militants, ou simplement humains, des citoyens qui s’insurgent contre l’application de lois injustes.
Mieux : il montre comment l’imaginaire enfantin ingère cette violence sociale, la traduit selon ses propres codes, lui donne la forme d’une aventure du Club des Cinq.
Dans une école parisienne, les menaces d’expulsion cernent une petite bande d’élèves de CM2. Pour protéger la jeune Milana, d’origine tchétchène, les enfants mettent au point une spectaculaire disparition.
Goupil trouve une hauteur d’enfant dans le récit de cette petite fugue, qui n’est jamais forcée ou artificielle. Les enfants ripostent avec leurs moyens, s’organisent comme un petit commando, imposent leurs règles.
Une des plus belles idées est de les faire communiquer par le moyen d’une sonnerie de téléphone portable émettant des ultrasons que seule leur ouïe juvénile peut détecter, et tandis qu’ils grimacent sous la violence des larsens, autour d’eux les adultes restent de marbre.
De ces prérogatives frondeuses, la plus éloquente est aussi la dernière. Elle donne son titre au film, et une image d’une grande vigueur contestataire.
Reproduisant l’imagerie vue à la télé, les enfants quittent leur siège les mains levées par-dessus tête, alors qu’évidemment aucune arme ne les menace. Mais c’est aussi la véritable logique politique à l’œuvre qu’ils mettent à jour, celle qui peut à tout moment les transformer en cibles.
Autour de cette fine équipe dont chaque caractère est finement dessiné (prime à la désopilante petite sœur du héros), les adultes sont réduits à leur fonction dans l’institution : directrice, instit, flic…
A l’exception d’un personnage, celui de Valeria Bruni Tedeschi. L’actrice est ici à son meilleur, très drôle, très touchante, et le film trace aussi, presque en creux, un portrait émouvant de l’autorité maternelle, tantôt souple, tantôt dépassée, tour à tour héroïque et impuissante.
Jean-Marc Lalanne