La parole aux prostituées. Victimes ? Esclaves ? Elles racontent les abus mais revendiquent leur liberté. Des témoignages très forts qui bousculent les clichés.
La société se joue de la sexualité dans les médias mais les travailleurs du sexe, souvent stigmatisés, voient leur liberté s'envoler depuis la loi Sarkozy de 2003 sur le racolage passif. Ce documentaire leur donne la parole. Victimes ? Esclaves ? Elles racontent les abus mais revendiquent leur indépendance, leurs choix, et leur utilité. Des témoignages très forts qui bousculent les clichés.
Le lecteur n'est pas installé ?
Pour votre information, la lecture en mode hors-ligne n'est pas compatible avec le système d'exploitation Linux
" Pour le réalisateur, Jean-Michel Carré, il est temps de remettre en cause l’image doloriste que l’on se fait des prostituées. Elles ne so
" Pour le réalisateur, Jean-Michel Carré, il est temps de remettre en cause l’image doloriste que l’on se fait des prostituées. Elles ne sont pas toutes des esclaves, victimes de la traite et du trafic de chair humaine. Certaines d’entre elles se battent même, depuis plusieurs années, pour pouvoir exercer ce qu’elles considèrent comme un véritable “métier”.
Animé par l’idéal libertaire de 68, Jean-Michel Carré s’est fait une spécialité de démonter les systèmes et les idées reçues. Après “Le système Poutine”, c’est à la loi sur la prostitution qu’il s’attaque. Il a donc donné la parole, longuement, à ces hommes et ces femmes qui veulent pouvoir vendre leurs services sexuels de façon officielle. Que veulent ces “putes” ? Ce que tout citoyen désire : la sécurité, la protection et la justice. Les putes payent leurs impôts comme tout le monde. Au nom de quoi ne pourraient-elles bénéficier des mêmes droits sociaux que les autres Français ? Hélas, depuis 2003, la loi Sarkozy (de son vrai nom LSI, “Loi sur la Sécurité Intérieure”) a fait du racolage passif un délit. Au lieu de combattre le proxénétisme, la loi Sarkozy n’a fait que l’aggraver.
“Cette mesure a rendu les prostituées moins visibles et plus vulnérables”, explique Jean-Michel Carré. Véritable plaidoyer en faveur des putes, son documentaire tombe à point nommé : les prostituées tiennent leurs assises à Paris. Elles réclament que la loi soit changée. Elles réclament surtout un véritable statut, la sécurité sociale et la retraite. “Cela permettrait de mieux lutter contre les réseaux mafieux, explique Jean-Michel Carré. Si on aide les prostituées à se déclarer comme travailleuses indépendantes, on récupèrera plus facilement celles qui ne le font pas.” En 1994, il avait déjà traité la question de la prostitution (“Les Trottoirs de Paris”) en explorant son aspect le plus noir. Il avait filmé des toxicomanes, des femmes en détresse, des esclaves. Exploitées à outrance, forcées de se prostituer, vendues, victimes de chantage et d’abus, ces femmes-là ne pourront jamais s’en sortir tant qu’elles resteront stigmatisées. L’effet pernicieux de la loi Sarkozy c’est que les clients eux-mêmes se mettent à mépriser les putes. Depuis 2003, les violences contre les filles ont augmenté.
Pour Jean-Michel Carré il est injuste que ceux et celles qui vendent leurs “charmes” se fassent insulter alors que – dans le monde du travail – tellement de salariés sont exploités de façon bien plus dévalorisante. Votre travail vous permet-il de vous épanouir ? Posez-vous la question avant de jeter la première pierre. “Pour moi, “les travailleu(r)ses du sexe” a été un film positif, conclut Jean-Michel Carré, un film réalisé aux côtés de gens qui s’assument. J’ai entendu bien plus de paroles positives que pendant le tournage de “J’ai mal au travail”, mon film sur le monde de l’entreprise.”
Le cinéaste fait défiler un peu en vrac toutes sortes de pratiques, du strip-tease lap dance au Salon de l’érotisme, en passant par les réun
Le cinéaste fait défiler un peu en vrac toutes sortes de pratiques, du strip-tease lap dance au Salon de l’érotisme, en passant par les réunions de consommatrices (de sex-toys). Après cette partie très zappée, qui fait un peu magazine de l’air du temps, collage de tendances, on passe aux témoignages de prostitué(e)s, qui semblent être les mêmes que dans les précédents films de Jean-Michel Carré sur la question. Pour le cinéaste et les péripatéticien(ne)s qu’il rencontre, une pratique tolérée (voire encadrée, comme en Suisse) serait préférable à une situation anarchique, qui réduit à la paupérisation et à la marginalisation cette population stigmatisée. On admet la thèse. (...) C’est un documentaire cru et réaliste, qui met les pieds dans le plat et tord le cou aux idées reçues selon lesquelles le soi-disant “plus vieux métier du monde” serait une survivance archaïque et pernicieuse de l’esclavage. Putes, oui, mais pas soumises.
Vincent OstriaCe documentaire vaut par le choix de ses interlocuteurs.(...) A travers leurs témoignages troublants (faut-il les croire ?), le réalisateur
Ce documentaire vaut par le choix de ses interlocuteurs.(...) A travers leurs témoignages troublants (faut-il les croire ?), le réalisateur épingle l'hypocrisie d'une société qui se repaît de la marchandisation des corps, mais stigmatise toujours les prostituées. Drôle de monde où les bobos causent sex toys dans leurs salons tandis que les professionnels de la discipline sont priés de se rendre invisibles.
Mathilde Blottière" Le plus vieux métier du monde (...) Chacun, sans porter de jugement, peut penser en lui-même qu’il s’agit d’un des plus durs. Et le moins
" Le plus vieux métier du monde (...) Chacun, sans porter de jugement, peut penser en lui-même qu’il s’agit d’un des plus durs. Et le moins respecté d’entre tous, le plus maudit. Mais un métier. Et à ce titre diagnosticable, sujet d’élection idéal pour Jean-Michel Carré, précédemment auteur de J’ai (très) mal au travail. Ce pourrait être le sous-titre de ce film-ci encore une fois, mais il se trouve que les Travailleu(r)ses du sexe en comporte déjà un, plus explicite encore : Et fières de l’être.
Une «Pute Pride» en quelque sorte et qui s’inspire d’une des marches qui fait s’étrangler aujourd’hui un nombre infini de voix, une fierté irritant les politiciens de droite comme de gauche. Tous voient dans la prostitution un problème qui aujourd’hui ne relève plus seulement du point de vue moral, mais de la question migratoire, un pan entier de la prostitution étant directement relié à l’immigration clandestine. Mais c’est aussi un thème qui oppose les intellectuels, en particulier les diverses générations des courants féministes. Les unes voient dans le commerce sexuel tarifé un asservissement machiste, d’autres, proches de la prostituée, militante et écrivaine genevoise Grisélidis Real (morte en 2005), défendent au contraire l’autonomie radicale de ceux et celles qui vendent leur corps dont ils peuvent disposer à leur guise, y compris comme monnaie d’échange.
Le film de Carré ne cache rien de sa position, il est dédié précisément à Grisélidis Real (dont on peut lire les livres parus aux éditions Verticales). Son enquête est née du débat (et de ses impasses), qui entoura en 2003 la loi Sarkozy interdisant le racolage passif. On peut reprocher à Carré d’avoir placé très vite hors champs la question évidemment problématique de la prostitution forcée, des filières en provenance des pays de l’Est ou de la Sierra Leone, qui posent un défi abyssal à toute personne ayant décidé de réfléchir hors du discours répressif porté habituellement sur le sujet.
Mais sa matière est ailleurs. Disons qu’il va aux putes, mais comme on va au charbon. C’est-à-dire qu’il va les voir, filles, garçons ou travestis, pour les entendre parler de leur travail et de ses conditions. Et à quoi peuvent-elles ressembler ces conditions, quand tout un arsenal législatif les entrave ? Les intervenants disent tout ce que l’on n’entend pas d’habitude : Sonia, la cinquantaine, qui travaille en vitrine à Bruxelles, rappele que contrairement aux idées reçues, les hommes qui viennent la voir la couvrent des compliments qu’ils n’osent plus dire à leur femme ; des filles du X posent la question de l’argent comme distinction fondamentale qui les sépare de la prostitution («On est deux acteurs, chacun est payé pour jouer un rôle, on s’expose moins») ; une prostituée donne le chiffre que les fonds de retraite versent aux anciennes, après imposition (66 euros par mois). Le film évoque aussi la question de l’aide sexuelle à des handicapés moteur (et néanmoins désirant), souvent condamnés à la solitude érotique, n’étaient ces prestations sur commande.
Le plus fort du film est là, dans cette part d’alcôve, ce social time qui flirte sans protection avec la psychanalyse sauvage et dont on sait, y compris en politique, le rôle de soupape de sécurité qu’il peut jouer. L’impossibilité à refermer tout à fait le dossier de la prostitution vient bien du fait que ce travail-là traverse de l’intérieur toute la société (ses pulsions, ses exclus, ses peurs, ses hontes, ses secrets) et l’embrasse dans toutes les positions possibles.
Nos offres d'abonnement
BASIQUE ETUDIANTS
1 | € |
le 1er mois(1) |
SANS ENGAGEMENT puis 4,99€ /mois
Sur présentation d'un justificatif(2)
BASIQUE
1 | € |
le 1er mois(1) |
SANS ENGAGEMENT puis 6,99€ /mois
PREMIUM
9 | ,99€ |
/mois |
SANS ENGAGEMENT
* A l'exception des films signalés
CINÉPHILE
15 | ,99€ |
/mois |
SANS ENGAGEMENT
*A l'exception des films signalés
BASIQUE ETUDIANTS
49 | ,99€ |
/an |
Sur présentation d'un justificatif(2)
BASIQUE
69 | ,99€ |
pour 1 an |
PREMIUM
99 | ,99€ |
pour 1 an |
* A l'exception des films signalés
CINÉPHILE
175 | ,99€ |
pour 1 an |
* A l'exception des films signalés
Vous devrez fournir un justificatif de scolarité (carte étudiante ou certificat, en .pdf ou .jpg).
UniversCiné se réserve le droit d'annuler l'abonnement sans possibilité de remboursement si la pièce
jointe envoyée n'est pas conforme.
Offre valable 12 mois à partir de la date de l'abonnement
_TITLE