"Ponyo sur la falaise, le nouveau film d'Hayao Miyazaki, s'ouvre sur une explosion de formes et de couleurs, un feu d'artifice visuel où la faune et la flore subaquatiques se déchaînent, emportées par un torrent de vitalité. A l'origine de ce mouvement débridé, un personnage typique de l'univers du vieux maître de l'animation japonaise donne le la. C'est Fujimoto, un sorcier illuminé qui a quitté le monde des humains pour élire domicile sous l'eau et oeuvrer à la prospérité des fonds marins.
Fujimoto est le père de Ponyo, un petit poisson-clown à visage presque humain qui a d'autres ambitions que de servir son grand dessein écologiste. Il semble que ce soit le destin cinématographique de ces jolis poissons rouges que de vouloir connaître le monde des humains : comme Nemo, la star des studios Pixar, Ponyo va s'y frotter, pour le pire et le meilleur. En approchant des rives, la créature se voit happée dans une marée de boue et d'ordures que collecte le filet d'un pêcheur, et finit coincé dans un vieux pot de confiture.
Un mal conduisant toujours à un bien chez Miyazaki, et réciproquement, cet épisode traumatisant est la porte d'entrée de Ponyo vers une destinée extraordinaire. Récupérée par un petit garçon, Sosuke, qui brise sa prison de verre d'un petit coup de marteau, elle revient à la vie, et gagne son coeur instantanément. Il faut dire que le poisson a du chien. Fille du vieux sorcier et de la déesse de la mer, jolie comme un coeur, elle est douée de pouvoirs magiques qu'elle dispense généreusement, et d'un appétit de vivre que symbolise une insolite passion pour le jambon.
Tout est possible chez Miyazaki, toutes les combinaisons, toutes les transformations, et s'il adapte ici un classique occidental, ce n'est pas un hasard s'il choisit La Petite Sirène d'Hans Christian Andersen. Récupérée par son père, Ponyo veut aussitôt repartir chez Sosuke. Pour lier son destin à celui de son ami, elle se transforme en petite fille.
Moins cruel que le conte original, empreint de la philosophie écolo-animiste chère au cinéaste, brassant toutes sortes d'influences, qu'elles soient issues de la mythologie nippone ou de la culture occidentale, Ponyo est un film dont l'esthétique et les personnages séduiront les plus jeunes. L'histoire d'amour, charmante, qui unit les deux enfants se déroule sur une toile de fond hybride, qui scelle la rencontre entre le quotidien de la vie d'une famille japonaise d'aujourd'hui et l'univers fantastique du monde de la mer. (...)
Une fois de plus, Miyazaki se révèle un véritable orfèvre du détail, qui anime chaque recoin de son espace visuel. Alors que, sur la table du dîner, des petits morceaux de pâtes déshydratées traînant à côté d'un bol de soupe apportent à la scène une note d'authenticité et de délicatesse, les vagues déferlantes du tsunami prennent l'apparence de bancs de poissons géants, qui saturent littéralement le cadre. On en prend plein les yeux, plein les oreilles aussi grâce à la musique du fidèle compagnon de route de Miyazaki, Joe Hisaishi, et l'on sort du film l'esprit égayé."
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Isabelle Regnier