Une femme fatale en porte-jarretelles foutant des high-kicks à son rendez-vous galant. Des sushis écrasés. Une "madame crachats". Une gobeuse. Un père obsédé par les tremblements de terre. Du bondage. "L’Hymne à la Joie". Des ninjas. Des grenades. Un flic vindicatif. Comment tous ces éléments - parmi d’autres - peuvent-ils bien être reliés ? Bienvenue chez Hitoshi Matsumoto.
Star en son pays pour ses élucubrations télévisées et admiré chez nous pour ses trois premiers films (BIG MAN JAPAN, SYMBOL et SAYA ZAMURAÏ), Matsumoto est un auteur inclassable, qui ne se fixe aucune limite.
Pour son quatrième long-métrage, il a beau dire avoir abandonné l’improvisation, il ne s’est pas assagi pour autant. Avec RI 00, il dirige un objet nonsensique aux fascinantes fulgurances comiques et esthétiques. Takafumi (l’excellent Nao Omori de ICHI THE KILLER), dont l’épouse est plongée dans le coma depuis trois ans, vit avec son jeune fils. Un jour, il devient membre d’un club sado-maso particulier : les dominatrices viennent lui procurer du plaisir à tout moment, en tout lieu. D’où quelques petits inconvénients. Quand Takafumi essaie de se désabonner, le propriétaire du club ne l’entend pas de la même oreille...
Que Matsumoto se penche sur le sadomasochisme, rien d’étonnant : sur le petit écran, il se soumet pour rire aux pires maltraitances, ce dont il tire une grande fierté - "Si l’on fait des choses aussi stupides à la télé japonaise, c’est parce que nous avons perdu la Seconde Guerre mondiale", nous avait-il déclaré, hilare, à la sortie de SAYA ZAMURAÏ.
Dans R100 - le titre parodie le système de classification nippon, signifiant ici que seuls les centenaires ont le droit de voir le film ! -, Matsumoto repousse encore les frontières de l’absurde, en usant du comique de répétition, d’une imagination poétique cauchemardesque, d’une superbe esthétique rétro-futuriste et de gags inégaux mais d’une inventivité remarquable.
Outrancier, R100 l’est assurément. Il est aussi et surtout hilarant et d’une énergie redoutable. Malgré le délire généralisé qui caractérise le récit, R100 n’en demeure pas moins extrêmement réfléchi, maîtrisé et construit, notamment dans sa mécanique rythmique. Ce qui permet à Matsumoto de prendre aussi le temps pour des scènes plus posées (sur les relations père-enfant, qui le travaillent depuis SAYA ZAMURAÏ) ou des digressions méta délicieuses dans lesquelles il confronte son œuvre à l’incrédulité de l’industrie japonaise. Car, comme Kitano avant lui, Matsumoto est roi en son pays à la télé. Mais pas au cinéma. On lui offre l’asile dès qu’il le souhaite.
Aurélien Allin