"Alors que la comédie romantique américaine semblait vouée à la sclérose, Une nuit à New York fait l'effet d'une bouffée d'air frais. Produit par la Columbia, mais réalisée par Peter Sollett, remarqué en 2002 pour Long Way Home, beau film indépendant sur des adolescents latinos du Lower East Side new-yorkais, le film suit un cahier des charges bien précis, sans pour autant brider la vision de son auteur, qui irrigue le film dans ses moindres détails.
La trame est toujours la même - un garçon et une fille finissent par tomber amoureux malgré des circonstances qui s'y opposent - mais elle n'est que le prétexte à une multitude de digressions qui composent par petites touches un joli canevas dans lequel s'imbrique une cartographie de New York inédite au cinéma, un réjouissant portrait de la jeunesse et une partition rock du meilleur goût.
Comme l'indique le titre américain, Nick and Norah's Infinite Playlist, la musique est ici le moteur de l'action. Avant même de connaître Nick, Norah vénérait ses goûts musicaux. Elle se passait en boucle les cassettes qu'il faisait pour Tris, sa peste de petite amie qui les jetait à la poubelle, et qu'elle récupérait dès que celle-ci avait le dos tourné.
Nick et Norah se rencontrent à la fin d'un concert. Nick est encore amoureux de Tris, mais celle-ci est venue avec son nouveau Jules. Norah, elle, est venue seule et subit à ce titre les sarcasmes de Tris. Pour donner le change, elle se jette alors dans les bras de Nick et le force à l'embrasser, sans savoir qui il est. L'affaire aurait fini classée si les deux meilleurs amis du garçon n'avaient décidé qu'il fallait à tout prix que ce faux couple en devienne un vrai.
Comme souvent, le titre français n'a rien à voir avec l'original. Mais, une fois n'est pas coutume, il ne trahit pas le film, conçu comme une virée dans le New York by night, dans laquelle résonnent lointainement des échos de la culture new-yorkaise des années 1970. Entre les boîtes de rock alternatif, les gares, les clubs de drag-queens et l'intérieur du mythique Electric Lady Studio, créé par Jimmy Hendrix, on suit une bande de lycéens du New Jersey écumant la ville à la recherche d'un groupe qui organise un jeu de piste pour conduire ses fans à l'endroit où il va donner un concert à la fin de la nuit.
On n'entendra pas le concert, mais l'on s'attachera aux personnages, interprétés par des représentants de la nouvelle génération d'Hollywood, nombre d'entre eux étant passés par les productions de Judd Apatow. Dans les rôles principaux, Michael Cera (Supergrave) et Kat Dennings (40 ans toujours puceau) forment un couple touchant d'adolescents réfractaires à la norme qui se laissent dériver l'un vers l'autre, à mesure que leur comunauté de goûts musicaux révèle chez eux de profondes affinités électives.
Les rôles secondaires fournissent aussi des personnages truculents comme la formidable Ari Gaynor, aussi magnifique ivre morte que déguisée en mère Noël au milieu d'un gang de drag queens.
Sous le vernis du produit hollywoodien, Peter Sollet distille un esprit bricolé attachant qui rappelle celui de Gondry dans Soyez sympa, rembobinez, et se manifeste tant dans le goût de Nick pour les cassettes customisées, que dans sa vieille voiture jaune cabossée. Avec lui, il fait voler en éclats, mais en douceur, tous les clichés du genre, opposant au modèle dominant et aseptisé une généreuse alternative, vibrante d'amour de la musique et du cinéma."
Isabelle Régnier