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Dans les années 70, une jeune femme est faite prisonnière dans le désert du Tchad. Aux côtés de ses ravisseurs, c'est surtout le désert qui la tient en otage.
Dans les années 70 au Tchad, une jeune femme se fait prendre en otage par les guerriers toubous. La voilà partie pour traverser le désert du Djado. Sans repère de temps ou de lieu, elle doit faire face au silence et à la solitude... Déjà grand documentariste, Depardon a "adapté" pour son premier film "de fiction" l'affaire Françoise Claustre, dont il avait livré une interview à la télévision française alors qu'elle était encore en détention. Un film à la lisière du temps dont le personnage central reste le désert et son pouvoir de fascination.
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Trois plans. En trois plans, on devine déjà que La Captive du désert est un événement. Car, d'emblée, Raymond Depardon bouscule les habit
Trois plans. En trois plans, on devine déjà que La Captive du désert est un événement. Car, d'emblée, Raymond Depardon bouscule les habitudes. Il ne raconte pas une histoire mais la laisse se dérouler. Et un univers s'impose, où le temps qui passe ne ressemble pas au nôtre, ni la lumière, ni l'espace, ni le son. La caméra est immobile et le restera jusqu'au dernier des cent quarante-deux plans du film. Elle attend. Elle regarde. Elle est plongée dans le désert. On sent qu'il n'y a aucune différence entre ce qu'elle montre et ce qu'elle ne montre pas. L'immersion est totale. On est fasciné. [...]
La Captive du désert est une suite d'abandons, de sursauts intérieurs, de petites chutes, de dépassements. Et Sandrine Bonnaire, sans rien dire, presque sans rien faire, traduit, de manière formidable, cette lente évolution. Avec une moue, un regard, un geste et une simple façon de marcher. Le rythme ne faiblit jamais grâce à un équilibre sutbil entre la lenteur des plans et leur diversité. La caméra s'efface. On est aspiré par les espaces qu'elle ouvre devant nous. Et les paysages, dans leur immensité, nous ramènent à notre humanité. La Captive du désertest un film envoûtant. Agaçant, diront certains ? Mais, après quelques minutes, s'il commence à vous prendre, il ne vous lâche plus. Et l'on s'y glisse, ému, comme parfois entre les mots d'un livre ou les notes d'un blues.
"Un long plan fixe sur le désert : lentement, une caravane avance. Hommes, femmes, enfants traversent l’écran, en procession. Le ciel est l
"Un long plan fixe sur le désert : lentement, une caravane avance. Hommes, femmes, enfants traversent l’écran, en procession. Le ciel est lumineux, la terre jaune, l’air comme immatériel. Plusieurs minutes s'écoulent ainsi puis, en dernier, apparaît une Européenne, tête nue sous le soleil, l’air buté, marchant entre deux hommes armés. À elle seule, cette séquence résume La captive du désert de Raymond Depardon, qui représente la France dans la compétition cannoise.
La femme blanche, c’est Sandrine Bonnaire. Tout le monde sait qu’elle revit l’aventure de Françoise Claustre, détenue en otage au Tchad par Hissène Habré, il y a une quinzaine d’années. Mais n’attendez nas une reconstitution historique de l'affaire. Manifestement, le propos de Depardon n’était pas là.
Certes, ses anciennes interviews de la française captive ont motivé ce film, mais ce que le célèbre photographe a voulu transmettre, c’est la confrontation d’une femme occidentale, non préparée, avec la nature ingrate et majestueuse du Tibesti, avec une population nomade vivant dans un autre monde et un autre temps, avec l’horrible condition de vie de tout otage.
C’est dire qu’il ne faut pas chercher dans La Captive du désert des informations sur Françoise Claustre, sur le Tchad et les rebelles, ni des références précises aux événements. Depardon nous offre un film magique sur l’espace et le temps, sur un point de rencontre entre deux états d'esprit.
L’espace est démesuré, envoûtant, car le désert est plus qu’un décor : c’est lui qui fait office de geôle. Nul besoin de murs, de miradors, de fenêtres grillagées. La prison, c’est l’horizon, la fuite, c’est la mort de soif, d’insolation.
Le temps, c’est celui, hors norme, de la vie des nomades ; de la captivité. Sans aucun carton, sans aucune indication précise, Depardon nous fait ressentir le long écoulement temporel qui déphase la prisonnière. Et il y a ce face-à-face d’une Européenne et d’une peuplade étrangère, des regards échangés, des bouffées de colère, de tendresse (les enfants, curieux de tout, les femmes, intriguées, les hommes, impassibles).
Sous-jouant, sans démonstration, par de simples gestes qui font vrai (le sac avec les objets familiers dont on fait et refait l’inventaire, puis qu’on brûle tant l’Europe, l’autre vie vous obsèdent), Sandrine Bonnaire fait ressentir admirablement les obsessions et les désarrois de l’otage.
La Captive du désert est un film lent, sobre, pratiquement sans dialogue, conçu presque uniquement en plans fixes, exigeant, mais d’un lyrisme exaltant. Un film de photographe qui surprendra, voire choquera dans le stress cannois, mais qui fait honneur à son auteur, qui représente un cinéma d’intelligence comme on en voit peu. Une œuvre d’un créateur qui aime ce qu’il fait, ce et ceux qu’ils montrent."
"Le 21 avril 1974, deux Français étaient pris en otage par le chef d'une bande de rebelles toubous, un certain Hissène Habré dont personne
"Le 21 avril 1974, deux Français étaient pris en otage par le chef d'une bande de rebelles toubous, un certain Hissène Habré dont personne en France n'avait encore entendu parler. Ils s’appelaient Françoise Claustre et Marc Combe, et si celui-ci, employé du MRA (Mission de réforme administrative) à N’Djamena, allait parvenir à s'échapper, la jeune femme chargée de recherches au CNRS demeurait détenue trois ans dans le plus terrible des déserts du monde, le Tibesti. Depuis treize ans le silence était retombé sur ce que le monde a nommé l'« affaire Claustre », et voilà qu'aujourd'hui plusieurs livres, dont une mise au point écrite par Pierre Claustre en réponse aux accusations dont il a été l’objet, et un film de Raymond Depardon, La Captive du désert, réactualisent un drame qui avait suscité de folles rumeurs.
Si le film de Depardon ne raconte pas, à proprement parler, l’histoire de Françoise Claustre, il s’en inspire largement et s'y réfère comme à une matière vivante que le cinéaste a gardée en mémoire depuis tout ce temps et dont il cherche enfin à se délivrer. Car Raymond Depardon a été mêlé de très prés à l’affaire Claustre à travers une série de rencontres qu'il a pu avoir avec la prisonnière et qu’il a évoquées dans un film documentaire, Tibesti Too. Parlant aujourd'hui de lui-même comme d'un « faux témoin », le cinéaste tente de préciser dans un texte de présentation du film la position d’observateur singulier qui fut la sienne pendant la captivité de Françoise Claustre et qui l'autorise à se souvenir : « Il va vivre huit mois à côté de l'otage ; amoureux du soleil, il n'est pas otage il est l’hôte, mais c’est le même vent (...), il s'imagine, il imagine, il écoute l'otage quand on le lui permet, il regarde autour, il ne voit rien, il n'est pas otage, mais lui aussi quelquefois il n'en peut plus... »
Pendant dix semaines, loin de tout, une équipe de cinéma réduite au minimum va s’immerger dans le désert, à Chirfa exactement, un petit village toubou au nord-est du Niger. Pendant dix semaines, Depardon va s'efforcer de restituer le choc du désert qui ne l'a jamais quitté depuis la première confrontation avec le Sahara à l'âge de 18 ans pendant la guerre d'Algérie. Avec un art implacable, le cinéaste capte les sensations à l'état brut, le feu du ciel sur la peau, la soif, la courbature du corps, les gestes primitifs répétés jusqu'à épuisement, l'égarement de l’âme affolée par le vide. Comme dans les romans de Paul Bowles ou de Le Clézio, on touche ici aux frontières de l'équilibre psychique lorsque les pistes caravanières mènent à l'égarement des sens et à l'anéantissement de l'esprit.
Le film décrit magnifiquement le combat que mène l'héroïne pour se maintenir en vie, pour demeurer hors de la folie. Ainsi cette scène où Catherine Lemercier, Sandrine Bonnaire, répand devant elle le contenu de son sac et répertorie indéfiniment les derniers signes matériels qui la rattachent à son existence passée : carnet d'adresses, médicaments, rouge à lèvres, photos, tout un attirail dérisoire auquel la jeune femme s'accroche et qu'elle finira par brûler lorsque à la fin sa raison est près de vaciller...
Redoutant probablement la réactualisation d'une tragédie qui l'a marquée à jamais, Françoise Claustre a déclaré au Figaroqu'on ne raconte pas la peur d'un otage et que personne, quels que soient son talent ou son imagination, ne pourra comprendre ce qu'éprouve la victime d'une si grande injustice. Mais que Françoise Claustre soit rassurée. Dans la Captive du désert,la fiction envahit et dépasse largement la réalité. Le film finit par fonctionner comme une drogue, suscitant chez chacun d'entre nous une attirance égale à la frayeur que provoque chez tous les êtres humains l'écho des espaces infinis. « Une heure et demie, dit Depardon, avec la sensation d'être captif et captivé par le désert.» Et c'est très exactement le sentiment que le spectateur ressent à la vision de ce beau film étrange.
Comme l'héroïne, nous sommes pris au piège d'une prison sans barreaux, d'une immensité de sable blanc là où les tremblements de chaleur créent les mirages et où le silence est si profond qu’il en devient assourdissant. En cinéaste préoccupé des affaires de son temps, Raymond Depardon a confié aux Cahiers du cinéma qu'il a cherché avec ce film « à faire la route entre Kauffmann, Françoise Claustre et le public ».
Si les otages, le plus souvent lorsqu'ils ont recouvré la liberté, revendiquent le droit de se taire, il est bien que les artistes prennent le relais. Surtout lorsque le témoignage sur la captivité devient, comme c'est le cas ici par la grâce d’un auteur, le plus beau des documentaires sur une métamorphose intérieure."
" ... Depardon opère alors comme un géomètre, se servant pour repérer son sujet d'un modèle mathématique : en abside, sur toute la largeur d
Et l'on voit ainsi que le visage de Bonnaire, quand il apparaît en très gros plan, est filmé comme un paysage accidenté. Et l'on découvre que le paysage du désert, quand il s'ouvre jusqu'à son horizon infini, agit comme la peau d'un visage (ridé, plissé, creusé, hâlé, brûlé, frissonnant). Humainement c'est encore plus éprouvant : où s'en aller, dans quel paysage, vers quelle frontière, en partant de quel repère, quand peu à peu ce ne sont plus les jambes de la captive qui la font avancer mais la terre qui se met à défiler sous ses pieds comme un tapis roulant de sables et de pierres ? C'est un sur place piégé où agoraphobie et claustrophobie vont de pair, un jeu de l'oie truqué où on tombe toujours dans le puits noir qui ramène à la case départ. Pire encore, chaque case devient à la fois un départ et une arrivée, un espoir lumineux et un désespoir crasse.
Qu'elle soit en route avec son corps, ou en marche dans son crâne (souvenirs-souvenirs), la captive demeure, devenue à elle-même son propre désert. Depardon donne une image forte de cette désaffection : c'est le plan fixe d'une nuit de pleine lune au-dessus du désert. Dans le dispositif écran noir-point blanc, impossible de décider si par ce trou d'épingle filtre le rayon d'une lueur nucléaire cachée derrière l'écran ou si, au contraire, c'est la fameuse tâche aveugle qu'on a tous aux fond des yeux.
Il faut sans doute en passer par là, par cette indécision qui est aussi une pulvérisation de soi. Cest la question de l'otage, philosophiquement dense et pas seulement valide dans les situations d'exception. Il n'y a pas besoin que des rebelles toubous nous emportent loin de tout pour qu'on sache qu'on est tous les jours, ici même, dans le désert de l'existence, les otages de sa propre vie : dire oui quand on pense non, gifler quand on voudrait étreindre, se perdre quand on voudrait se retrouver, vivre en théorie et survivre en pratique. La Captive du désert est surtout un film d'apprentissage (...) Prisonnier au milieu des rebelles, il y a parfois de quoi se révolter (...) Mais peu à peu, c'est un autre comportement qui s’insinue et comme Bonnaire est une fille, c'est par les femmes qu’il s'infiltre (la cuisine, les enfants, la lessive) : un apprivoisement réciproque qui fait que tous vont se mettre à exister autrement (les indigènes publicitaires deviennent des personnages et la Captive brûle son carnet d’adresses).
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