Whit Stillman : Austen Power !
VIDEO | 2016, 11' | Déjà observateur amusé des mondanités new-yorkaises (Metropolitan, Les Derniers jours du disco1
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Bals de débutantes, cocktails et salons feutrés... Instants volés à la Ultra Haute Bourgeoisie new yorkaise, où Tom, le gauchiste, s'est égaré par amour...
A Manhattan, dans les années 1970. Un jeune homme, Tom, gauchiste des bas quartiers, rencontre un groupe de riches jeunes gens de Park Avenue qui se réunissent pour parler de la vie, du déclin de leur classe, de leur avenir. Le groupe manque cruellement de garçons et les filles, surtout Audrey, accueillent avec joie le nouveau. Celui-ci, plein de préjugés socio-politiques contre cette classe, change peu à peu d'avis en revoyant une jolie fille dont il était amoureux au collège, Serena... Le premier long-métrage de l'auteur sophistiqué et pince sans rire de " Damsels in Distress". Sélectionné à Cannes (Quinzaine des réalisateurs 1990) et au Sundance Film Festival, le film a remporté le Léopard d'Ardent au Festival de Locarno 1990 et le Prix de la critique internationale au Festival du cinéma américain de Deauville.
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" L’œuvre de Stillman est celle d’un moraliste moqueur épris par-dessus tout de ses contradictions. En cela l
" L’œuvre de Stillman est celle d’un moraliste moqueur épris par-dessus tout de ses contradictions. En cela le paradoxe qui cimente son premier film lui sied idéalement : c’est un tableau de la très haute bourgeoisie new-yorkaise et de ses fastueux rites initiatiques, à l’ambition et au moiré de comédie élégante golden age (on songe à George Cukor autant qu’à Evelyn Waugh ou Jane Austen, abondamment citée), qui fut, faute d’argent, tourné presque en contrebande, s’habillant à la volée de plans chapardés sur le seuil de véritables bals des débutantes. Et c’est précisément dans le sillage d’un vrai-faux intrus peu fortuné, convié presque à son corps (socialiste) défendant à se mêler à cette enclave aristocratique, que la caméra se faufile dans les salons d’after de cette caste. Des jeunes gens dont la richesse le dispute à un désenchantement capiteux, autodésignés par le néologisme « U.H.B.», soit « Urban Haute Bourgeoisie ».
Une petite société guettée par le caractère éphémère de toutes les ivresses, peuplée de garçons et de filles dont les désillusions se vêtent de pull-overs roses et de gants blancs, qui se retrouvent chaque nuit pour jouer au bridge et au strip-poker, cultiver leur alcoolisme et discourir de la damnation promise à leur classe - mais il faut bien être guetté par une telle idée du déclin et de l’obsolescence de soi pour atteindre à l’énergie d’un si doux désespoir, plein de panache dérisoire.
Tandis que se déploie et s’épuise la brillance logorrhéique de leurs conversations de salon, se fait jour en sourdine un écheveau de passions et de chagrins d’autant plus cuisants que les personnages se les inventent peut-être en guise de délassement. Un précipité sentimental dont le film s’applique à cerner les contours avec cette orgueilleuse élégance de ne sacrifier jamais ou presque aux intrigues amoureuses la musicalité et la rondeur de sa partition de farce subtile - sinon dans une vibrante scène pivot et muette, au son des roucoulements sublimes du « Dry Your Eyes » de Brenda Payton.
Si les personnages, comme souvent chez Stillman, se grisent de la nostalgie d’un temps qui n’aura pas existé, ces vapeurs ne sont pas seulement la fragrance à l’indolente volupté de fruit trop mûr dont se pare le film, mais son corps même, lui qui se gargarise et s’amuse volontiers des anachronismes de son théâtre new-yorkais, comme pour résister à toute tentative de datation. Et c’est aussi par ce savant brouillage temporel que s’enrubanne d’un caractère gazeux d’enivrante brume cette comédie de classe tissée de désillusions splendides, de taffetas et de cha-cha-cha."
" (...) Avec une affirmation commune, au-delà de la qualité (autarcique, conquérant, modulaire) et de la temporal
" (...) Avec une affirmation commune, au-delà de la qualité (autarcique, conquérant, modulaire) et de la temporalité (futur proche, 30’s, 70’s) des approches : dans un monde où tout s’effondre (du moins que l’on s’obstine à percevoir ainsi), le dandysme est ce qui permet de tenir debout. De ne pas céder. Et avec de la chance, mais surtout du travail, de traverser les âges.
(...) C’est le film de dandy ultime, un éclairage passionnant sur le débat qui agite tant de ses contemporains. On y suit les aventures (un peu) et les discussions (beaucoup) d’un groupe de preppies new-yorkais, à travers les yeux de Tom Townsend, un jeune homme moins fortuné que ses camarades upper class qui, par supercherie puis par habileté sociale, tente de s’intégrer à ce monde désuet.
Un monde où l’on passe ses soirées en nœud pap ou robe de gala, à deviser de Jane Austen et d’Evelyn Waugh, de l’utopiste socialiste Charles Fourier et de déclin moral, dans un langage plus châtié tu meurs. Un monde davantage aristocratique que bourgeois, donc, n’en déplaise à l’ultraguindé Charlie, qui se définit comme “UHB” (“urban haute bourgeoisie”, acronyme de sa création), lorsqu’il ne reproche pas à Luis Buñuel d’être malhonnête en se moquant du Charme discret de la bourgeoisie.
Pour Stillman, cinéaste à l’ironie cajolante (il les aime, ses UHB), le dandysme consiste à se tenir hors des modes et du temps, toujours impeccable. Qu’importe qu’autour tout s’écroule, les mots et l’attitude suffisent à maintenir en vie ce qui doit l’être. Morale que résume parfaitement le héros Tom, dissertant sur la fin du phalanstère fouriériste :“Nous disparaîtrons tous, cela ne fait pas de nous des échecs.” "
" (...) À quoi tient le charme discret de ce cinéma rare mais précieux (quatre films en vingt ans :&nbs
" (...) À quoi tient le charme discret de ce cinéma rare mais précieux (quatre films en vingt ans : Metropolitan, puis Barcelona en 1994, The Last Days of Disco en 1998, et Damsels in distress en 2011) ? Peut-être dans la façon dont ces films s’ouvrent sur une invitation : à une réception (Metropolitan, Barcelona), au sein d’un groupe (Damsels in Distress) ou encore dans un lieu (la boîte de nuit de The Last Days of Disco). Mais plus encore qu’une porte d’entrée ouverte sur la fiction, l’invitation relève plutôt d’une convention : avec bienveillance, l’hôte accueille le spectateur.
Chez Stillman, les conventions sont autant le ciment d’une philosophie de vie (la croisade hygiéniste de Violet dans Damsels in Distress) que le socle d’utopies de groupes, sur lesquelles le cinéaste porte un regard à la fois affectueux et délicieusement ironique. L’intelligence de l’écriture réside dans la foi de l’auteur pour ses personnages (sous le vernis sophistiqué de ces jeunes gens tirés à quatre épingles se dévoile une sensibilité à fleur de peau), combinée à une distance humoristique qui balaye, par la légèreté de son ton, l’horizon de la satire. Loin d’être un entomologiste de la jeunesse dorée américaine, Stillman s’affirme au contraire comme un doux rêveur, un peu dandy, dont les films sont le reflet scintillant (mais teinté de désillusion) de son désir d’un monde réenchanté, où le merveilleux se cache dans un pas de danse et se love dans le pli d’une robe de soirée.
Parce qu’il parvient à trouver la forme cinématographique la plus à même de donner vie à une utopie, Metropolitan est probablement le plus beau film de son auteur. L’utopie (dans les deux sens du terme : idéale et irréelle), en cela qu’elle dessine un possible mirifique, se fonde sur un principe de suspension : suspension de la cellule utopique par rapport au reste du monde, et suspension de son devenir, incertain et frêle. Suspendre, tel est le mantra du film, qui déploie un savant dispositif, plus complexe qu’il n’y parait, pour parvenir à ses fins. Certes, il n’échappera à personne que la communauté du film vit en vase clos (disons même dans une tour d’ivoire), mais plus encore, il faut chercher trace de l’utopie du côté de l’hybridation. Les personnages de Metropolitan ne sont ainsi ni adultes ni adolescents, ni libres ni dépendants (ils vivent tous chez leurs parents, qu’on ne voit toutefois quasiment jamais), ont des aspirations on ne peut plus sérieuses (trouver l’amour, suivre les principes du philosophe marxiste Charles Fourrier) mais s’adonnent aux activités les plus triviales, connaissent Buñuel et Jane Austen mais s’émerveillent à la lecture des aventures de Babar.
Outre ce goût pour l’hybridation, qui nourrit la dimension indécise des corps et des mentalités des protagonistes, le processus de suspension s’appuie sur un récit contenu dans une parenthèse (toutes les tentatives d’utopies en sont), celles des vacances d’hiver au cours de laquelle cette jeunesse fréquente les bals les plus huppés de la métropole new-yorkaise. Metropolitan puise ainsi sa vitalité d’une matière narrative dense, resserrée sur d’une dizaine de jours et structurée autour d’une ritournelle : la boucle débute à chaque fois avec la soirée en elle-même (où l’écriture repose sur un principe de sit-and-talk), puis le retour qui suit (avec des scènes de walk-and-talk, par lesquelles se déploient des plans plus longs, plus lâches dans le montage, restituant le parfum entêtant de ces fins de soirées où la fatigue se conjugue à la joie d’avoir été ensemble), et enfin le réveil, qui appelle à un recommencement. Le tout est combiné à des intertitres insérés de façon disparate, comme autant de repères qui troublent paradoxalement notre perception du temps diégétique et désamorcent le sentiment d’un dérèglement – de fait le récit, à priori tortueux et elliptique, se révèle d’une linéarité parfaite.
L’utopie développe ainsi son propre tempo (nocturne, mais savamment réglé), circonscrit son territoire (des maisons luxueuses et des trottoirs déserts), rassemble une poignée de protagonistes (une petite communauté désœuvrée issue d’un même milieu) et déploie ses codes (cf. le besoin d’inventer de nouvelles terminologies, du " Sally Fowler Rat Pack " pour baptiser le groupe, à l’acronyme désignant l’origine sociale des personnages, " UHB " – " Urban Haute Bourgeoisie "). Stillman figure par le biais de cette " parenthèse " un passage de la naïveté (l’adolescence) à l’acceptation du monde réel (l’âge adulte). L’idéal d’un groupe, comme la croyance du héros dans les principes de Fourrier (qu’il finit par abandonner dans le dernier segment du film), sont en effet amenés à se déliter, pour laisser place à un apaisement doux-amer. La parenthèse se referme par la disparition d’un personnage (le flamboyant Nick, interprété par Christopher Eigeman, l’acteur fétiche du cinéaste), après s’être ouverte avec l’apparition d’un autre (Tom, le petit roux marxiste), de sorte que la réussite fugace d’une utopie s’apparente à un fragile composé alchimique, inévitablement évanescent. Tel est le secret des films de Whit Stillman : jamais renversants mais toujours graciles, ces récits hors du temps parviennent subrepticement à distiller, par une série de détours, un parfum moins enivrant que merveilleusement vaporeux. "
" ...Imaginez-vous l'horreur que pourrait être ce film ? Une suite de réceptions snobs, inlassablement ré
" ...Imaginez-vous l'horreur que pourrait être ce film ? Une suite de réceptions snobs, inlassablement répétées, peuplées de petits crétins à qui l'on flanquerait volontiers une paire de claques, dissertant à l'infini sur le vide de la vie et sur leur propre inexistance... Terrifiant, n'est-ce pas ? Seulement, le brio est tel et l'ironie si subtile que l'on reste constamment sous le charme. Metropolitan fournit la preuve que le talent peut rendre le superflu indispensable. D'autant que Whit Stillman a lu Scott Fitzgerald. Il sait que les mondains ne sont que des humains fardés, qui cachent leur stress sous leur strass. Il sait aussi qu'observer leurs failles procure aux voyeurs que nous sommes un plaisir délicieux.
Aussi glisse-t-il comme ça, par inadvertance, que Nick (Christopher Eigeman, formidable) n'est devenu cynique que parce que son père et sa belle-mère l'ont voulu ainsi. Et que Charlie (Taylor Nichols) qui, comme Woody Allen, pérore sur « Dieu, Shakespeare et lui », a toujours soupiré pour Audrey qui l'a trop écouté pour jamais l'entendre. Et qu'Audrey elle-même (Carlyn Farina), a conservé, des mois durant, des lettres d'amour qui ne lui étaient pas destinées, écrites par Tom (Edward Cléments), qu'elle retrouve, par hasard, égaré dans un milieu qui n'est pas tout à fait le sien... Tout cela est à peine dit, tout juste suggéré. Et la mise en scène obéit à cette pudeur. Pas de panoramiques voyants dont on se dit : « Oh, le beau pano ! » Pas de travellings déchaînés pour forcer l'admiration des fans béats. Non. Rien que l'essentiel. Juste quelques mouvements suffisamment discrets pour se faire oublier.
Whit Stillman réhabilite, en fait, le cinéma de dialogue. Parmi ses cinéastes préférés, il cite Preston Sturges et Lubitsch. Logique. On s'étonne de le voir oublier Sacha Guitry et Woody Allen. Mais en ce qui concerne Woody, la parenté est trop forte pour que Whit, le débutant, ne s'en offusque pas un peu. Metropolitan est donc truffé de répliques brillantes, de mots à l'emporte- pièce.
(…) Sous sa légèreté, ce film est aussi important que Le Genou de Claire ou Les Nuits de la pleine lune. Que fait Eric Rohmer, en fait, sinon atteindre l'universel en filmant l'infiniment petit ? En observant, lui-aussi, ces snobs si éloignés de la réalité, Whit Stillman explique à sa manière son pays : sa morgue, sa naïveté, son moralisme. Et le pessimisme inébranlable de la high class."
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