
L'espion rohmérien et la sincérité du mensonge
Si la figure de l'espion n'est pas nouvelle chez le cinéaste, c'est toutefois la première fois que Rohmer met en s1
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"Qui a deux maisons perd sa raison. Qui a deux femmes perd son âme" dit le proverbe. Telle Louise, noctambule à Paris, amoureuse de Rémi, banlieusard casanier.
Louise vit avec Rémi à Marne-la-Vallée. Leur vie serait sans nuage si Rémi était moins casanier et Louise un peu moins noctambule. Voulant à tout prix préserver son indépendance, elle prend un pied-à-terre à Paris. Une nuit de pleine lune, sous l'œil jaloux et amoureux de son ami Octave, elle cède au charme d'un danseur lascif... Traversé par la présence électrique de Fabrice Luchini en confident feu-follet, un subtil et déchirant quatrième volet de la série "Contes et proverbes" que Rohmer a malicieusement placé sous le signe d'un (faux) proverbe champenois : « Qui a deux maisons perd sa raison. Qui a deux femmes perd son âme. » Le dernier grand rôle de Pascale Ogier.
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" Pascale Ogier en princesse narcissique pour qui l’amour et la mort sont exactement la même chose. Le film le plus moral d
" Quatrième épisode de la série rohmérienne Comédies et proverbes, ce film est un chant polyphoniqu
" Quatrième épisode de la série rohmérienne Comédies et proverbes, ce film est un chant polyphonique pour deux voix, enchanteresses. (...) Hélas disparue juste après la sortie du film, Pascale Ogier tranche avec les héroïnes habituelles d'Eric Rohmer, romantiques et désuètes. Ici, elle devance son époque, fabrique des lampes futuristes, trimballe son fourbi dans un cabas en plastique et marche avec des chaussons d'extraterrestre. Farouchement indépendante, elle a pour mission de délivrer les hommes, en se sauvant elle-même. Ses paroles sont pleines de mots doux, de mots féroces, de mots de secours.
A sa voix diaphane se mêle celle de Fabrice Luchini, à peine sorti de la chrysalide. L'acteur joue un dandy brimé, pauvre confident dont la gent féminine n'attend rien d'autre qu'une amitié respectueuse. Fonctionnelle jusqu'au paroxysme, superbement filmée, la ville sert de caisse de résonance à leurs refrains, qui finissent par s'unir. Ce film continue d'émerveiller par sa justesse prémonitoire et sa beauté fragile."
" ... dans ses derniers films, Rohmer ne cache plus son amusement. Le changement de ton n’a jamais été aussi sensi
" ... dans ses derniers films, Rohmer ne cache plus son amusement. Le changement de ton n’a jamais été aussi sensible que dans ces Nuits de dupes agencées par un metteur en scène entomologiste et gourmet. Une jeune décoratrice, un jeune architecte. Elle l’aime, il l’aime, elle s'ennuie un peu au logis... Les Deux Pigeons de La Fontaine, en somme, revus par un moraliste trop bien élevé pour se vouloir donneur de leçons. Cette réserve ne l’empêche pas, à partir de cet énoncé succinct, d’entrecroiser les fils d’un vaudeville inéluctable sur les pièges du conformisme et les imprévus de la sincérité. Le conformisme, en l’occurrence, n’étant que la trompeuse vérité de l’heure, et la sincérité, le matériau piégé de tous les alibis.
Ce sont là les ressorts de ces chassés-croisés nocturnes pendant lesquels l’héroïne et ses partenaires se racontent, s’expliquent, se justifient et s’égarent sur des chemins que leurs raisonnements biaisés n’avaient pas prévus. Toute une casuistique dont Rohmer suit les méandres avec une distance d’éminence grise et le sourire de celui qui ne s’en mêle pas. Devant une caméra impassible dont les rares déplacements trahissent seulement l’ironie du réalisateur, les personnages vivent leur vie comme s’ils avaient oublié de fermer leurs portes et de tirer leurs rideaux. Surpris sur le vif, et d’autant plus drôles qu’ils parlent, bougent, s’habillent sans faire le partage entre les mouvements sincères et les schémas du jour.
Rien de plus exact que les décors, de plus juste que les dialogues, bien que Rohmer fuit comme le péché les argots du métier et les expressions à la mode. Mais, sur les pas de ses comédiens, Pascale Ogier, Tcheky Karyo, Fabrice Luchini, si naturels qu’ils semblent jouer leurs propres rôles, il suffit à Rohmer de souligner l’afféterie des tentures et le drapé de la syntaxe pour métamorphoser la situation la plus ordinaire en comédie. Rouée, légère. Blessée, parfois. Quand le chromo et les cœurs se déchirent. Même si la déchirure est aussi fugace que les illusions démenties. "
" ... Après les Six contes moraux, après La Marquise d'O et Perceval le Gallois, voici le quatrième film de l
" ... Après les Six contes moraux, après La Marquise d'O et Perceval le Gallois, voici le quatrième film de la série Comédies et Proverbes. Et c’est un nouveau ravissement. La Femme de l'aviateur nous promenait de la gare de l’Est aux Buttes Chaumont, via la place Péreire. Le Beau Mariage se passait dans un vieux quartier du Mans. Pauline à la plage nous entraînait sur une grève normande. Cette fois, avec Louise, nous oscillons entre une « ville nouvelle » bleue et blanche et le cœur de Paris, orange et gris (...) Elle souffre. Et, quand le mot fin (hélas !) apparaît sur l'écran, combien nous regrettons de ne pas assister à sa nouvelle conversation avec son confident Octave !
Octave, Louise... Tout au long du film, tous deux, interminablement, discutent des choses de l’amour et interminablement s’analysent.
Ils parlent, ils parlent...Ils se croient sincères et se mentent. Ils profèrent des aphorismes: « Il me serait insupportable, dit Louise, d'aimer quelqu'un qui est contre moi ou de vouloir quelqu'un qui m'ignore. Cest le désir de l'autre qui suscite le mien ». « Je crois qu'on est vieux, affirme Octave, quand on n'éprouve plus le besoin de séduire ».
Ils emploient le langage de notre temps. Ils parlent de « mecs », de « gars », de « nanas », et pourtant leurs dialogues ressemblent à ceux du XVIIIe siècle. Aussi beaux, précis, élégants. Et le plus étonnant est le ton sur lequel ils les disent, ces dialogues. La voix douce de petite fille de Pascale Ogier est d’une justesse, d’une acuité qui décuplent la justesse et l'acuité des mots qu'elle dit. La façon de parler inimitable de Fabrice Luchini confère à ses propos une drôlerie irrésistible, mais aussi une signification qu’ils n’auraient peut-être pas à la lecture.
On s’aperçoit alors que la musique des voix, le phrasé, l’articulation même en disent plus long sur les personnages que les mots qu’ils prononcent. Ce dialogue merveilleux ressemble à une partition musicale et Les Nuits de la pleine lune à une sonate pour trois instruments qui s’accordent et se répondent.
Une sonate en gris et bleu. Car le plaisir des yeux s'ajoute à celui des oreilles. Si Marne-la-Vallée est bleu et blanc, la chambre de Louise est grise, la station Auber rouge orangé. Les personnages sont vêtus de gris ou de noir, avec parfois une grande écharpe de couleur vive. Au premier acte, celle de Louise est rouge comme l’amour que lui porte Rémi, au deuxième, elle a pâli, elle est fuchsia, et aux troisième et quatrième bleue — couleur froide.
Car au fil de quatre mois, (de novembre à février, un acte par mois), les sentiments évoluent. Quand l’un s’éprend, l’autre se déprend. A trop jouer avec l'amour, l'amour se venge. A trop badiner avec l'amour, le hasard vous joue des tours... A mi-chemin entre Marivaux et Musset, Rohmer nous conte les chassés-croisés, les feintes et les ruses de trois jeunes gens.
Mieux : il nous en fait suivre les méandres en attisant notre curiosité. Louise, cachée dans les toilettes d’un café, guette Rémi qu’elle ne s’attendait pas à rencontrer-là. Resté seul à sa table, Octave soudain ouvre de grands yeux. Qu’a-t-il vu ? Rohmer se garde bien de nous le montrer et nous devrons attendre qu'Octave en fasse à Louise un récit savoureux — encore qu’imprécis. Et le suspense continue.
Oui, ce film qui, comme tous les films de Rohmer, ressemble à une épure, est une sorte de policier du cœur. Est-ce que Rémi trompe Louise ? Et si oui avec qui ? « Je vois une explication, dit Octave, mais c'est une telle vue de l'esprit... »
Alors, non content de nous laisser griser par le dialogue, nous interrogeons passionnément les visages. Ceux d’Octave et surtout de Louise évoquent ces portraits de Holbein où les yeux mangent la figure. Fabrice Luchini, avec sa gravité comique, ressemble toujours au ravi de la crèche, mais il est tout simplement éblouissant. Pascale Ogier, elle, est superbe. Tour à tour enfantine, noyant sa solitude dans un livre de la vieille Bibliothèque Rose ; allumeuse, jouant avec le feu en essayant de pousser Rémi et son amie Camille dans les bras l’un de l’autre ; puis amante délaissée, pleurant, navrée, dans les bras de Rémi.
Yeux cernés, battus : ceux de Rémi dont Tcheky Kaiyo a la redoutable charge d’incarner l'« animalité pathétiquement bestiale », comme dit Octave, et qui n’est pas moins remarquable que les deux autres.
Quand elle abandonne les visages ou les corps, la caméra de Rohmer cadre les objets amoureusement comme un peintre des natures mortes. Souvenez-vous des tomates rouges posées sur une tablette dans la kitchenette de la chambre de Louise, à côté d’un petit pot blanc. Le tout s’encadrant dans la porte ouverte. Et, encore dans l’embrasure d’une porte, Louise, debout, très loin, petite silhouette cassée qui a découvert l'absence de Rémi.
Mais le plus beau peut-être, ce sont... des pieds. Des pieds gravissant l’escalier du duplex de Mame-la-Vallée. Tantôt vifs, tantôt tristes, plus ou moins légers, trahissant l’humeur de Rémi et de Louise qui, tels deux ludions mal accordés, ne vivent jamais au même niveau. Ces pieds, filmés par en dessous, ressemblent à des notes de musique sur une portée, ou aux signes presque abstraits d’une estampe japonaise.
Enfin, j’allais oublier de signaler le rôle capital du téléphone, cet instrument dont nos héros se servent comme d’une canne à pêche pour ferrer celui ou celle qui leur permettra d’échapper à leur solitude. Le plaisir que l’on prend à ce film ironique et d’une suprême élégance, porte un nom très précis : cela s’appelle la jubilation. "
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