Serge Le Péron : Wiseman, le documentaire comme technique de guerre ?
Le critique de cinéma Serge Le Péron établit un lien entre la mise en scène de Frederick Wiseman et les tactiques1
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Welfare montre la nature et la complexité du système de santé américain.
Welfare montre la nature et la complexité du système de santé américain. Frederick Wiseman illustre les problèmes que cela pose : chômage, logement, problèmes médicaux et psychiatriques ou encore enfants abandonnés et abusés. Les employés comme les clients se retrouvent démunis face à un système qui gouverne leur travail et leur vie.
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" (...) Le film exploite les ressources théâtrales d’une scène, d’un décor : d’un bureau new-yorkais d’aide sociale. Ce décor est d’une est
" (...) Le film exploite les ressources théâtrales d’une scène, d’un décor : d’un bureau new-yorkais d’aide sociale. Ce décor est d’une esthétique administrative ; il conjugue le linoleum et le néon, les espaces " paysagers " et les pièces écartées, sur les murs desquelles on punaise plannings et cartes postales reçues de collègues en vacances. La situation de base, ou plutôt l’opération préalable du film, c’est la distribution de ses acteurs de part et d’autre d’un guichet (imaginaire : l’instrument lui-même n’apparaît pas), la séparation de ceux qui sont derrière et de ceux qui sont devant.
Il reste à définir, entre les personnages, quelque affaire engagée, quelque négociation ; à trouver un enjeu à leur rencontre, au défilé des uns devant les autres. A raconter en quoi consiste l’Aide Sociale. Il y a des pauvres, des misérables. Ils sont secrétés par la Ville ou attirés par elle, échoués. Ils sont nombreux ; du fait de leur nombre, leur misère, leur pauvreté, a cessé d’être un problème humain pour devenir une question sociale.
L’Aide Sociale, c’est une autre affaire. Dans une société qui se veut transparente à elle-même, la misère fait scandale. Elle est intolérable. Bien loin d’offrir aux riches l’occasion de beaux gestes rédempteurs, c’est à ses victimes qu’elle donne des droits, c’est à l’institution d’un service public impersonnel qu’elle en appelle.
Les dispensateurs des secours ne sont que les simples agents de ce service public, en butte à d’innombrables difficultés. Voyez cette réplique d’une inspectrice (" supervisor ") : " Ici, nous ne faisons pas l’aumône. Nous voulons des preuves ". Des preuves, pour établir des droits ; des preuves de misère et de déchéance ; meilleures elles seront, plus vifs et plus copieux les chèques (comme pour ces mégotages sordides entre infirmes et compagnies d’assurances qui suivent les accidents d’automobiles).
Tout se joue donc autour de l’administration de la preuve, de la constitution du dossier, de l’application des règles, dans le face-à-face des pauvres et des employés.
Que sont les pauvres ? Jamais comme Welfare on n’a vu l’affreuse proximité de la misère et de la maladie mentale. Beaucoup des clients de l’aide sociale sont délirants ou quasi-délirants (tels, par exemple, le juif mystique et intello qui soliloque à la fin du film ; le raciste qui injurie longuement un policier noir de service, navré mais résigné ; la jeune femme qui ne cesse de s’excuser, après une faute vénielle ; etc.). Et, quand ils sont sains d’esprit, de vrais pauvres, rejetés, malades, abandonnés ; des détenus libérés, des ex-drogués, des immigrés récents ; des vieux. (Parmi eux, quelques pauvres professionnels, suradaptés, hargneux, intraitables sur le chapitre des droits.)
Que sont les employés ? De pauvres employés, complaisants, pour ainsi dire jamais mesquins, presque admirables ; mais épuisés, tenus à une rigueur paperassière inflexible ; englués dans leurs pauvres problèmes de métro ou d’avancement. Entre eux, ces deux mondes aliénés (au sens marxiste), ce sont d’interminables discussions, où l’ajustement des cas particuliers au labyrinthe de la procédure finit par prendre un caractère hallucinatoire. La permanence du dispositif produit une incroyable galerie de portraits, comme celles qu’on parcourt dans les rêves ou dans les cauchemars, hantée, creusée de moments vides, d’attentes, de routines et d’ennui.
Luc Moullet déclarait plaisamment, en préambule au synopsis de Genèse d’un repas, que pour faire un grand film, un cinéaste avait tout intérêt à prendre un grand sujet. Dans le cas de Welfare, cet aphorisme s’applique dans toute sa force ; et la suite : de ce grand sujet, faire un grand film. Je suis honteux, le film datant de 1975, d’avoir attendu 1981 pour découvrir un tel chef-d’oeuvre. "
" C'est peut-être le film le plus célèbre de Wiseman : Welfare est la chronique d'une journée dans un centre d'aide sociale de la ville de N
" C'est peut-être le film le plus célèbre de Wiseman : Welfare est la chronique d'une journée dans un centre d'aide sociale de la ville de New York. C'est l'occasion de dresser une série de portraits des personnes réunies en ce lieu, une population très semblable à celle de Hospital.
Le film ne se limite pas à la peinture de la " clientèle ". Il s'attache à décrire l'épuisant travail du personnel. Entretiens, examens de dossiers et récriminations justifiées ou non, maquis des réglementations et des rapports entre les différents organismes d'aide : tâche ingrate, épuisante, écrasante.
Le système d'aide sociale " Welfare ", a été institué dans les années 1935/45 par le gouvernement du président Franklin D. Roosevelt, puis conforté notamment par l'administration du président Lyndon B. Johnson. Régulièrement dénoncé et accusé d'encourager les " paresseux ", depuis la présidence Nixon jusqu'à celle de George W. Bush, en passant par R. Reagan, le programme Welfare (complété par Medicare et Medicaid) a été réformé - et réduit - à de multiples reprises. Il permet à toute une population de ne pas sombrer dans la pire des misères.
Les habitués du " Welfare " sont devenus des professionnels de l'attente : on dort, on fume, on bavarde, on pleure, on ment, on crie, on délire devant la caméra de Wiseman. Séquence souvent citée : un homme cite le " Godot " de Beckett. Un autre harcèle un policier noir.
Wiseman, salué par la presse, l'est aussi par les professionnels du secteur : "…Avant de dire quoi que ce soit sur leurs projets de restaurer l'économie en supprimant des " services inutiles et ruineux "… je souhaite que le public, les législateurs, les politiciens voient [ce] film… Je suis heureux que mon service lui ait permis de le tourner. "
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