C’est attablé à son bureau, devant le brol de sa bibliothèque, que nous avons rencontré (par écrans interposés) Bouli Lanners, fraîchement auréolé du César du Meilleur acteur dans un second rôle pour La Nuit du 12. À travers un questionnaire de Proust cinéphile, nous avons observé l’acteur-réalisateur se dévoiler de films en films. Il nous avait prévenus : “Attention, ça part dans tous les sens”. Et rien ne pouvait mieux combler notre curiosité. 

 

Une ouverture ?

Ça commence mal, parce que je n’ai pas trouvé d’ouverture qui m’ait réellement marqué. Je pourrais dire 2001, L’Odyssée de l’espace de Kubrick, mais tout le monde l’a déjà dit. J’aurais aimé trouver quelque chose de plus original, mais ce n’est pas le cas. C’est une ouverture ratée (rires). 

 

Une performance ?

J’ai toujours envie de rendre hommage aux cascadeurs, Rémy Julienne par exemple. Mais si je devais penser à une performance en particulier, ce serait David Bennent dans Le Tambour. C’est son personnage qui porte tout le film et le rend si troublant, et ça ne pouvait fonctionner qu’avec un comédien comme lui. C’est une très bonne idée de casting. 

 

Une réplique ?

Il y en a une que j’aime bien, c’est celle de Bourville, dans Le Corniaud. Quand il se fait rentrer dedans par De Funès et que sa bagnole tombe en miettes, il se lève et dit : “Elle va marcher beaucoup moins bien, forcément“. Après, il y a évidemment toutes les répliques de Fresnay et d’Audiard dans Les Vieux de la vieille, de Gilles Grangier. C’est pratiquement des maximes : “Peau de pêche en dehors, peau de hareng en-dedans”, “Si vous y allez aussi vite que je vous emmerde, pour une fois, vous serez en avance sur l'horaire”... C’est superbe. 

 

 
Le Corniaud  © Gérard Oury

 

Une voix ?

Jeanne Moreau. En voix masculine, j’aime beaucoup celle de Michel Constantin, qui m’a bercé quand j’étais petit. Mais LA voix, c’est Jeanne Moreau… Qu’elle chante, qu’elle joue, ou qu’elle récite une recette de cuisine, ça marche à chaque fois. Je comprends que Miles Davis soit tombé raide amoureux d’elle.

 

Une BO ?

D’une manière indéfectible, Barry Lyndon. C’est mon Kubrick préféré. J'adore le morceau de Schubert qui revient et colle à l'histoire. Il y aussi Woman of fire, qui accompagne le début du film, quand Barry quitte l’Irlande. La puissance et la force romantique de la musique qui accompagne ce film, et cette voix off… De toutes les BO, ça restera la meilleure.

 

Est-ce que cette BO t’a inspiré ? 

Quand je peins, j’écoute souvent Schubert, que j’ai découvert grâce à Kubrick. Cette BO m’a beaucoup inspiré en peinture. Elle m’a aussi fait comprendre l'importance de la musique dans les films, et depuis j’ai toujours soigné mes BO, parfois à outrance. Mais avec les moyens qui étaient les miens, qui ne sont pas ceux de Kubrick (rires). 

 

Tu as une musique préférée dans celles de tes films ? 

Chaque musique accompagne précisément une œuvre. Dans L’Ombre d’un mensonge, c’est Wise Blood de Soulsavers qui m’a accompagné pendant pratiquement un an, au fil de l’écriture. C’est le morceau phare, qu’on a d’ailleurs réussi à placer dans la scène climax du film. C’est un morceau que je peux aussi écouter indépendamment du film, qui avait déjà suscité beaucoup d’émotions en moi en amont.

 

Tu as peint dessus ? 

Non, pas sur celle-là. Elle est propre à l’écriture du film. Par contre quand je peins, il y a toujours deux morceaux que je mets pour commencer, qui m'aident à rentrer dans cet espèce d’état de création, de déconnexion avec le reste du monde. C’est un morceau de Jacob Bellens et un morceau d’Isaac Ivanov. 

 

Une danse ? 

Le monde est séparé en deux. Il y a ceux qui adorent les comédies musicales et ceux qui les détestent. Moi, je les déteste. Sauf Les Blues Brothers. Pour moi, ce n’est pas vraiment une comédie musicale, mais plutôt un film sur le blues, sur le rock, sur la musique. Et il y a ce moment, quand Dan Aykroyd et John Belushi montent sur la scène pour le concert final, avec d’abord le “flic flac” de Belushi dans l’église, et ensuite leurs pas de danse minimalistes ensemble… Je trouve ça très classe. Pour moi, c’est la plus belle danse du monde. 

 


The Blues Brothers © MCMLXXX by Universal City Studios, Inc. All Rights Reserved

 

Un générique ? 

J’ai un problème avec les génériques. Je sais que certains sont très beaux, les James Bond par exemple, mais je trouve que c’est trop long, et que ça n’aide pas à rentrer dans le film. C’est comme une couverture d’un magazine qui prendrait beaucoup de pages… Je ne peux pas dire que j’en trouve un beau ou émouvant, c’est juste un passage obligé.

 

Une affiche ? 

Blow up ! Je ne dois pas être le seul à le dire, mais c’est vrai que ça doit être l’une des plus belles affiches du monde. Et à l’époque, sortir une affiche pareil, c’était très couillu, et elle reste très efficace. Le rouge, le blanc, et le noir…Et le titre ! Elle est parfaite. 

 

Un premier émoi érotique ? 

Ce serait Les Galettes de Pont-Aven. Je l’ai découvert à la télé, avec mes parents, à 13 ou 14 ans. Je pense à la scène où Jean-Pierre Marielle touche les fesses de Jeanne Goupil et dit “Oh, comme elles sont fermes, on dirait des petites pommes” : c’est d’un érotisme absolu. C’était un accident, mais un accident familial, donc c’était très gênant. 

 

Un cri ? 

J’ai vraiment flippé pour Carrie au bal du diable de Brian de Palma, avec ce plan de fin, quand elle est au cimetière, et que la main ressort… J’étais au cinéma, et je ne m’y attendais pas du tout, j’ai vraiment sursauté. Quelle idée de dingue, quand tout est terminé, que la tempête est passée, de faire ressortir cette main.

 

 
Carrie au bal du diable  © Brian De Palma

 

Un fou rire ? 

Dans Mary à tout prix, avec Ben Stiller, il y a ce moment où son personnage se masturbe, et pile quand il éjacule, quelqu’un sonne à la porte. Il ne sait pas où est passé son sperme, et se recoiffe avant d’aller ouvrir. Il y a le plan sur Cameron Diaz, et dans le contre-champ on se rend compte qu’il se l’est collé derrière l’oreille. Alors elle l’attrape et, pensant que c’est du gel, se recoiffe avec. Et dans la scène suivante, elle a une mèche de cheveux raide à cet endroit. C’est tellement stupide, tellement osé… Il n’y a que les Américains pour faire des trucs comme ça. 

 

Une frayeur ? 

J’ai eu une vraie frayeur quand j’étais petit pour L’Armoire volante, avec Fernandel. C’est l’histoire d’un mec qui doit convoyer une armoire dans un camion, et le camion se fait voler. Mais dans l’armoire, il y a un cadavre… Ça m’a tellement fait flipper que pendant des années, j’ouvrais tous les soirs la garde robe de ma chambre pour vérifier qu’il n’y avait personne dedans. 

 

Une larme ?

Je pleure toujours devant Dersou Ouzala. C’est l'histoire de la rencontre entre un géomètre russe parti faire des relevés dans la taïga et un autochtone du lac Baïkal, et de leur magnifique amitié avant qu’ils se quittent à la fin de son expédition. Des années après, le géologue revient, sans savoir s’il va retrouver Dersou. Et il y a ce plan, quand il apparaît à travers les feuilles : ils se retrouvent et sont très émus. Ces retrouvailles bouleversantes, et cette amitié peu probable entre deux hommes très différents, reliés par quelque chose de si fort… À ce moment, on ressent tout ce que l'être humain a de plus beau en lui. 

 

C’est un film que tu revois souvent ? 

Je l’ai beaucoup vu, et puis je me suis dis qu’il ne fallait pas que je le vois trop fréquemment pour garder le plaisir de le revoir plus tard. C’est vraiment un film à voir au cinéma. Alors souvent, quand on me demande de faire une carte blanche en festival, je demande Dersou… C’est l’un des seuls moyens de le voir à nouveau projeté sur grand écran.

 

 
 Dersou Ouzala © Akira Kurosawa

 

Un travelling ?

Dans Les Sentiers de la gloire de Kubrick, il y a un très long travelling qui a inspiré plein de cinéastes, jusqu’à encore récemment 1917, qui se passe en plan séquence. Kirk Douglas qui marche dans les sentiers, filmé en noir et blanc… C’est un travelling incroyable, qui reste plus fort que tout ce qui a été fait après, et qui avait surtout une véritable vocation narrative. 

 

Un plan ?

Je pense à Requiem pour un massacre, un film tourné dans la Russie soviétique des années 1980. Il y a un long travelling arrière où l’on suit deux soldats qui marchent et parlent ensemble. Ils partent à gauche, la caméra panote, et on se rend compte qu’il y a des centaines de figurants qui marchent derrière eux. On comprend alors que ces deux acteurs ne pouvaient pas se planter dans leur texte, sinon il fallait faire reculer ces centaines d’hommes, d’ailleurs membres de l’armée russe. C’est un plan séquence d’une force immense. Un autre cinéma, avant les VFX.

 

Un gros plan ? 

Pour moi ça reste Henry Fonda, en face de Terence Hill, dans Mon nom est Personne. Je l’ai vu au cinéma quand j’étais petit, et j’ai le souvenir de ses yeux en gros plan, portant toute la peur et l'ambiguïté de son personnage… Sur grand écran, ça claque. 

 

Un classique qui t’emmerde ?

Les Parapluies de Cherbourg… On m’a d’ailleurs offert le disque, et alors la musique sans le film, je comprends encore moins.

 

 

Pierre COMMARMOND et Lucille DUTHOIT 

 

 

Les films de l'entretien : 

Bouli Lanners, comme un Eldorado...

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