" La ferveur nous gagne en découvrant ce nouveau film de l'auteur du très
remarqué Respiro (2002). La raison en est simple : d'un bout à l'autre
de Golden Door, Emanuele Crialese filme des hommes et des femmes qui
ont la foi, et qui ne la perdront jamais, car c'est la seule chose
qu'ils possèdent. Ils sont paysans siciliens, au début du XXe siècle,
et cette foi qui leur tient au corps vient de partout : de la religion,
des superstitions, de l'espoir qui fait vivre... Crialese en prend la
mesure à travers une longue et fascinante séquence d'ouverture (...)
Le peuple de toutes les croyances part vers le continent de
toutes les promesses, cette terre des miracles où les poules pondent
des oeufs grands comme des hommes, où les pièces d'or poussent sur les
arbres. Des photos le prouvent ! Face à ces images truquées, les
pauvres Siciliens, émerveillés, deviennent crédules. Cette foi naïve,
risible, Crialese la célèbre aussi. Avec des trucages assez enfantins,
il nous fait entrer dans le rêve de Salvatore Mancuso et des siens, où
les légumes géants poussent déjà. Mieux : tournant avec des moyens qui
ne sont pas ceux d'une superproduction américaine mais ceux du cinéma
d'auteur européen, Crialese va faire surgir de quelques décors stylisés
le vent d'épopée de cet exode en paquebot troisième classe.
C'est à la
foi du spectateur qu'il en appelle alors, et ça marche.
Nourri par un travail de recherche historique qu'on devine aussi
minutieux que passionné, Golden Door est le film d'un passeur :
Crialese fait le lien entre Ancien et Nouveau mondes, et mêle avec
bonheur classicisme et modernité, idées de mise en scène tantôt sages,
tantôt audacieuses, comme cette tempête en mer qui prend la forme d'une
chorégraphie de corps chahutés. Son regard est aiguisé par une question
: qui sont ces passagers dont la vie et l'identité mêmes sont en
transit ? Ils ne sont plus paysans, mais sont-ils devenus pour autant
des aventuriers, des conquérants ? ..."
Frédéric Strauss