"Au cœur de la “décennie noire” qui frappe l’Algérie des années 90, le film Papicha s’ouvre sur une scène pleine d’une énergie poignante, où les gros plans sur la féminité marquée par des paillettes, sont rapidement réfrénés par un contrôle de police. Prestement, les visages se couvrent, les sourires se gomment et la terreur s’immisce insidieusement dans le quotidien de tout un peuple.
Un peuple, qui subit la “guerre civile algérienne” où les tracts rigoristes se prolongent en actes terroristes. Dans ce contexte, on suit avec tendresse, le quotidien des papichas, "jeunes filles coquettes" en algérien. Les dessins de l’une d’elle, Nedjma, incarnée par Lyna Khoudri, dévoilent avec délicatesse les peaux dorées des Algériennes. Ainsi, deux mouvements parallèles et antagonistes se font face.
À mesure que les affiches promouvant le voile se multiplient de manière anarchique, les dessins de mode de Nedjma martèlent la liberté vestimentaire féminine.Tandis que la boutique étincelante de tissus polychromes se métamorphose en une boutique qui astreint la mode à une définition unique, les papichas définissent leurs rêves luxuriants. Enfin, pendant que les bombes remplacent les tracts et les patrouilles de femmes en hidjab, la couture substitue les dessins et marque de plis les formes hétéroclites des papichas. Un crayon-feutre, face à une arme. Un défilé, face à une oppression qui a tant tué.
Ces deux mouvements, subtilement mis en scène, s’entremêlent, se nourrissent, et s’entrechoquent. Ainsi, pour certains, l’Algérie est une “immense salle d’attente”. Pour d’autres, l’apogée de l’extrémisme pousse à s’enraciner dans sa patrie. Voir un jour les Algériennes, libres de porter les vêtements de leurs choix, est le fil conducteur des actions de Nedjma, dont les proches sont un véritable rempart contre les désillusions dues à la tyrannie omniprésente. Une tyrannie dont l’objectif d’uniformisation se fait entendre par des bombes. Dans l’œuvre de Mounia Meddour les sons s’avèrent primordiaux, tout comme le silence, que peu de cinéastes utilisent avec élégance et équilibre, alors qu’il est tout aussi important au cinéma que primordial dans une partition de musique. Les “soupirs” et les “pauses” font autant partie d’un ensemble proprement audible. Le mutisme artistique magnifie l’instant et la totalité de l’œuvre.
Dans Papicha, le silence de plusieurs secondes - où Nedjma est au premier plan et sa sœur, ainsi que sa mère en arrière plan - happe le spectateur au sein de l’histoire. Nous ne sommes plus en face d’un écran, mais nous intégrons la scène. Les émotions puissantes sont transmises directement durant ce silence, qui est d’or. Il est suivi, plusieurs séquences plus tard, d’un élément antagoniste, un cri, qui résonne encore dans la mémoire. Tout au long de Papicha, nous assistons à une explosion brute d’émotions vives, où chaque mot prend une dimension universelle.
Le long métrage est avant tout, un hymne à la vie, au courage et à l’amour, dans un contexte qui tente de les opprimer. Bouleversant et dense, le film de Mounia Meddour est un chef-d’œuvre."
Lina Estelle Louis
Lyna Khoudri, une reine.
Ça faisait un bout que je voulais voir le film... J'ai malheureusement pas pu le voir au cinéma et quand je l'ai vu aujourd'hui, je regrette d'avoir manqué...
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