" (...) si le film reste un divertissement au rythme enlevé et d’une belle concision narrative, malgré ses raccourcis audacieux, il n’en est pas moins porteur d’une charge subversive, plutôt inhabituelle dans le roman porno dont l’expression n’est que rarement aussi directe, au contraire du milieu pink, ouvertement anti-establishment, mais d’autant plus marginal. Bien entendu, la personnalité de Yamatoya n’y est pas étrangère. Quant à Sone, il se permet des audaces qui en font assurément l’un des cinéastes les plus extrêmes et iconoclastes du roman porno. Ainsi lors d’une séquence imaginative étonnante, il superpose à la naissance des jumeaux, grâce au montage parallèle, la jouissance de la femme du marquis se faisant honorer par son amant. Moment truculent, génialement parodique, au cours duquel les cris de l’accouchement se confondent avec ceux de l’orgasme féminin de la marquise adultère. Et que dire de ces caches aux formes absconses et démesurément exagérées, servant habituellement à se plier aux règles dictées par le studio et le comité de censure EIRIN. Entre un carré blanc masquant l’accouplement de deux personnages en plan d’ensemble, et une striure noire démesurément large occultant le tiers de l’écran, le geste résonne ici, à l’instar des caches grossiers employés par Kumashiro dans L’Enfer des femmes : forêt humide (1973), comme une dénonciation de l’absurdité d’un système imposé par une autorité étrangère.
(...) Sone démontre aussi avec cette œuvre une faculté à sublimer la beauté de la femme à travers sa déchéance. On retrouve d’ailleurs chez lui ces trajectoires tragiques de femmes victimes de l’amour, qui finissent, résignées, par se noyer dans la décadence (voir le second et sublime opus de la série Angel Guts). Sa vision des quartiers de plaisirs apparaît bien distincte de celle d’un Kumashiro, plus vibrante et exaltée, ou de celle de Tanaka, plus ardente et passionnelle (Osen la maudite). Malgré la chaleur de ses chromatismes carmins, celle de Sone demeure emprunte d’un cruel désenchantement, enfoui mais bien réel, faisant un éloge de la déchéance dans un mélange de provocation et d’anticonformisme."
Dimitri Ianni