Zanussi, mathématicien de cœur, construit La Constante sur un théorème, comme une suite de démonstrations : toute tentative de rompre le cercle de la corruption est vouée au désastre non seulement par l'hostilité du milieu mais, de plus, par les coups du sort. La vie de Witold, qui sert d'illustration à cette thèse, ressemble à la conquête de l'Himalaya.
Toute la tendresse que j'avais cru voir dans Bilan trimestriel, dans la Chambre à côté ou certaines séquences d'Illumination s'est effacée avec le temps. Pour Camouflage, La Constante et son dernier film, Le Contrat, Zanussi l'a gommée au profit d'un esprit clinicien déterminé. Son regard sur la Pologne et sur ses personnages est mécaniste et froid. Ce qui provoque l'enthousiasme des Polonais et l'intérêt de « l'Ouest » est, peut-être, son insistance et son exactitude presque scientifique. On y voit, radiographiés, l'appât des devises, l'obsession des pots-de-vin (...) Ce constat cru (...) est d'autant plus séduisant, chez Zanussi, qu'il est présenté sous une forme souple qui en voile la dureté.
Tadeusz Bradecki (Witold) est magnifique (...) Mais ce que j'aime dans le film de , c'est ce qui le rend plus trouble (...) au-delà de l'approche scientifique, son aspect fétichiste. L'intrigue est doublée d'une croyance mystique au miracle. Le personnage principal, ce Witold tellement mieux traité que ses partenaires, est bourré de petites superstitions dont certaines sont fondées sur les mathématiques elles-mêmes. Il retourne un dé avec le pied, observe tous les chiffres accidentels, lance des fléchettes pour provoquer le hasard. Dans les files d'attente chez le médecin-miracle, dans le culte des objets venus d'ailleurs — particulièrement de l'ouest — c'est comme si la Pologne tout entière était soutenue par le fétichisme. Ça prend l'ampleur d'un réel désarroi."