" Comme dans son premier long métrage, Tout est pardonné, Mia Hansen-Løve accorde la plus grande attention aux enfants qui jouent entre eux, se déguisent, s’inventent des histoires. L’enfance, c’est ce lieu insouciant, délivré de la pesanteur de la responsabilité, auquel tout le monde aspire, même les adultes.
Le titre est d’ailleurs énigmatique. Grégoire est le père des enfants de Sylvia (Chiara Caselli), pourtant le point de vue de la mère n’est pas celui que privilégie le film, plutôt moins par exemple que celui de la fille aînée, Clémence (Alice de Lencquesaing). Grégoire est le père de beaucoup d’enfants dans le film, ceux de Sylvia, ceux d’une autre femme, qu’on découvre en cours de récit, mais aussi ceux de tous les cinéastes qui travaillent avec lui et auxquels il permet d’accoucher d’une œuvre. Il est le seul à avoir choisi cette place ingrate, celle du père. La place de celui qui encaisse, protège, deale avec le réel. Et dans les deux films de Mia Hansen-Løve, cette place, qui devrait être celle du plus fort, est la plus friable qui soit. Les pères sont fragiles, fuyants, défaillants, mais grâce leur est faite d’essayer, même le plus maladroitement du monde, d’occuper cette place.
Profondément bienveillant, le film excelle à faire entendre tous les points de vue. Personne n’est méchant, ni les banquiers, ni le liquidateur judiciaire, ni le cinéaste suédois capricieux. Le mal est plus insidieux, tramé dans la matière du monde. Ce souci de hauteur de vue, cette décision de ne voir chez personne de la mesquinerie culminent dans la dernière partie (...)
Il n’y a dans le récit aucune édulcoration des difficultés d’une vie. Mais il y a une décision, morale en quelque sorte. Celle de se situer, au-delà du désastre, du côté de ce qui survit, se reconstruit, et de dépasser la noirceur pour toujours dégager une éclaircie."
Jean-Marc Lalanne
